Fin février, l’épidémie de Covid-19 se propage rapidement à Mulhouse et dans le Grand Est. L’hôpital de Mulhouse voit arriver un flot de patients saturant son service de réanimation. Décision est donc prise d’y installer un Élément militaire de réanimation du Service de santé des armées (EMR-SSA). À la tête de ce déploiement hors normes pour la partie conception et exécution technique, Patrick Hokayem, diplômé de l’UTC en génie biologique en 2004, aujourd’hui chef de projet à la direction centrale du Service de santé des armées.
Patrick Hokayem a toujours été passionné par les technologies de santé. “Au cours de ma troisième année à la fac, j’ai découvert l’UTC, fondée par Guy Deniélou. J’ai été séduit par le système d’enseignements à la carte, cela m’a encouragé à déposer un dossier et j’ai été admis dans la branche génie biologique. Les technologies biomédicales m’attiraient particulièrement, car elles sont en constante évolution. En outre, le biomédical ouvre la voie à l’industrie, aux bureaux d’études, à l’architecture et conception hospitalière, l’ingénierie d’application et formation, etc.”
Jeune diplômé, il travaille tout d’abord pour une petite start-up en tant qu’ingénieur application dans le domaine du diagnostic neurologique. “J’ai ensuite travaillé en qualité d’ingénieur qualification/validation de process à l’Établissement français du sang où j’ai contribué à moderniser le plateau technique de préparation des produits sanguins labiles”, ajoute Patrick Hokayem, qui intègre ensuite le Service de santé des armées (SSA), en tant qu’officier sous contrat. Il débute sa carrière à l’établissement central des matériels de ce même service, comme ingénieur méthodes en charge de la conception des hôpitaux de campagne et de leur environnement médical intégré. “Ensuite, j’ai exercé pendant huit ans le métier d’ingénieur biomédical hospitalier en charge de la maintenance et des investissements médicaux”.
En 2015, il rejoint la division opérations de la direction centrale du SSA en tant que chef de projet pour un programme d’armement santé en lien avec la direction générale de l’armement (DGA). “Le système d’information princeps que je conduis concerne la télémédecine, explique Patrick. C’est ainsi que j’ai pu déployer sur le théâtre de Barkhane dans le Sahel, mais aussi au sein des unités de la marine nationale une solution de télé-expertise médicale permettant le conseil à la prise en charge des militaires malades ou blessés. Cet appui permet de réduire l’isolement de nos personnels santé projetés, qui bénéficient directement de l’appui des hôpitaux militaires de métropole.”
En mars, Patrick Hokayem se voit confier la tâche de déployer l’EMR-SSA de trente lits le plus rapidement possible à Mulhouse. Un défi de taille, car très inhabituel : “Le SSA déploie habituellement des petites ou moyennes structures en opérations, où le blessé militaire effectue un séjour le plus court possible avant d’être rapatrié vers la métropole. Ici, nous avons dû créer et déployer ex nihilo une vraie structure de réanimation de 30 lits.” Son équipe, le ravitaillement médical militaire et le régiment médical se coordonnent avec la direction technique du CH de Mulhouse pour résoudre les nombreux problèmes qui se posent : architecture de la structure, achats et ravitaillement médical, équipes soignantes non rodées à la mise en oeuvre d’environnementsde réanimation complets sous tente… “Pourtant, se félicite Patrick, cela ne nous a pas empêché de faire les choses en toute sécurité !” Et en seulement six jours, entre l’ordre donné par le président de la République et l’accueil effectif du premier patient.
La pression sur le service de réanimation de l’hôpital de Mulhouse diminuant, l’EMR-SSA n’accueille plus de patients depuis le 7 mai. Mais le démontage de la structure a posé aussi son lot de problèmes, comme le confirme Patrick : “Parmi les problèmes à traiter, il y a eu bien entendu toute la décontamination de l’ensemble avant rapatriement de la structure… Par ailleurs, le SSA doit se tenir prêt pour toute autre sollicitation.”
Cette épidémie et les défis qu’elle a entraînés auront beaucoup appris à Patrick : “Avant tout beaucoup d’humilité face aux souffrances des patients et de leurs proches… Ensuite, en tant que militaire habitué aux engagements lors d’opérations extérieures, c’est une joie et une fierté de soutenir directement les nôtres : la population française ! Et enfin, malgré les difficultés, c’est avant tout une magnifique expérience humaine que partagent les différentes parties prenantes, civils comme militaires ! Quel beau partage de culture et quelle belle symbiose !”