Claire Rossi, une passion pour les sciences

Pro­fesseure des uni­ver­sités, Claire Rossi a été nom­mée, le 8 décem­bre 2022, direc­trice de l’UTC pour un man­dat de cinq ans.

C’est à Lille que grandit, entre une mère pro­fesseure d’anglais puis inspec­trice de l’éducation nationale et un père maître de con­férences en droit, puis mag­is­trat et sous-directeur du droit économique au Min­istère de la Jus­tice, celle qui, à 43 ans et après huit directeurs, devient la pre­mière direc­trice de l’université de tech­nolo­gie de Com­piègne 50 ans après sa créa­tion. Con­cer­nant son par­cours sco­laire et académique, Claire Rossi admet une par­tic­u­lar­ité : « J’ai été à l’école comme tout le monde jusqu’à l’âge de 10 ans puis j’ai été sco­lar­isé à domi­cile en suiv­ant les cours par cor­re­spon­dance du CNED. Ce qui devait être une solu­tion tem­po­raire m’a telle­ment plu que l’expérience se pour­suiv­it finale­ment jusqu’au bac. »

Ce que lui a apporté cette expéri­ence ? « Cela m’a don­né beau­coup de flex­i­bil­ité. Je tra­vail­lais beau­coup en «décalé», essen­tielle­ment le soir voire une par­tie de la nuit. Des cours que je menais à mon rythme. Je pou­vais ne faire une semaine que des maths, une autre de la physique puis de la chimie par exem­ple. Le fait de tra­vailler par bloc avait un avan­tage réel : j’avançais plus vite dans le pro­gramme. Cette sit­u­a­tion qui peut paraître décousue me con­ve­nait bien car elle m’a per­mis de tra­vailler en autonomie. Ce qui pré­fig­u­rait d’une cer­taine façon le tra­vail du chercheur qui doit savoir se débrouiller, s’adapter etc. », assure-t-elle.

Ce décalage par rap­port aux autres ne bridait-il pas ses inter­ac­tions sociales ? « Pas du tout. Je pra­ti­quais des activ­ités divers­es et var­iées comme la musique, le théâtre mais aus­si du sport. Activ­ités qui me per­me­t­taient de côtoy­er dif­férentes per­son­nes, dif­férentes cul­tures ou encore modes de pen­sée », dit-elle.

Son rap­port aux sci­ences durant ces années ? « J’étais pas­sion­née de sci­ences en général, de physique-chimie et par­ti­c­ulière­ment de paléon­tolo­gie. Dès le départ je voulais devenir chercheuse en paléon­tolo­gie. Mes par­ents s’étaient ren­seignés et un chercheur du Muséum d’Histoire naturelle à Paris m’a con­seil­lé de faire une classe pré­para­toire pour ten­ter d’intégrer l’ENS », affirme Claire Rossi.

Déter­minée, elle suit son con­seil et s’inscrit à une classe pré­pa. « Mais la pré­pa me déçoit non pas tant par le rythme intense que l’aspect bachotage qui y règne. Où est la valeur ajoutée du pro­fesseur si pen­dant 2 heures en classe, il répète ce qui se trou­ve dans le manuel ? L’enseignant doit, à mon sens, offrir une syn­thèse, une vision, un rythme et surtout appren­dre aux élèves à réfléchir par eux-mêmes. C’est ce que font les enseignants-chercheurs à l’UTC par exem­ple », explique-t-elle.

Une décep­tion certes mais qui a eu le mérite de faire naître une autre pas­sion : la chimie. C’est ain­si qu’elle intè­gre l’Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Toulouse, rebap­tisée depuis INP-ENSIACET. Lors de sa dernière année d’études d’ingénieur, elle mène en par­al­lèle un DEA en agrores­sources et parvient à faire un stage à l’Institut de Biolo­gie Struc­turale de Toulouse. « Le monde de la recherche, les expéri­ences menées, la con­struc­tion méthodologique de la recherche furent une révéla­tion pour moi. J’ai donc cher­ché une thèse en France et en ai trou­vé une à l’UTC avec le Pro­fesseur Joël Chopineau qui m’annonce six mois plus tard qu’il va mon­ter un labo dans le Sud. Il y avait deux alter­na­tives : soit je le suiv­ais mais le labo n’existait pas encore. Ce qui était un peu risqué. Soit, je la fai­sais à dis­tance. Ayant l’expérience de l’autonomie et soutenue par l’équipe du GEC et Daniel Thomas, son directeur, je fis ce dernier choix », précise-t-elle.

Une thèse qui por­tait sur « l’interaction d’une tox­ine de la bac­térie de la coqueluche avec les cel­lules pour déter­min­er com­ment la tox­ine inter­agis­sait avec les mem­branes cel­lu­laires et les dif­férents modes d’insertion de cette tox­ine », souligne-t-elle.

Après un post-doc au Max Planck Insti­tute for Poly­mer Research en Alle­magne, Claire Rossi rejoint l’UTC d’abord en tant que maître de con­férences en 2007 et devient, en 2016, pro­fesseure des uni­ver­sités. Mem­bre du con­seil d’administration de l’UTC depuis 2017, elle assure à par­tir d’aout 2020 la direc­tion pro­vi­soire de l’établissement en pleine pandémie et con­fine­ment. Une péri­ode où la vie de l’établissement tour­nait au ralen­ti, comme dans la plu­part des étab­lisse­ments, mais « la machine ne s’est pas arrêtée pour autant », dit-elle. Arrivé en jan­vi­er 2021, le nou­veau directeur lui pro­pose alors d’être son adjointe, elle qui con­naît si bien l’université. A son départ en août 2022, elle reprend tout naturelle­ment les fonc­tions d’administratrice pro­vi­soire. Les com­pé­tences et la vision dont elle a fait preuve pen­dant ces deux années, l’ont décidé à sauter le pas et à se présen­ter à la direc­tion de l’université.

Redonner de l’agilité à l’UTC

Con­sciente de la respon­s­abil­ité qui est la sienne, Claire Rossi détaille les pro­jets qu’elle compte engager à l’UTC.

Sa vision de l’UTC ? « L’UTC a été créée 50 ans aupar­a­vant pour faire le lien entre la société, les entre­pris­es, la sci­ence et la tech­nolo­gie afin de répon­dre aux enjeux de l’époque. Elle a dévelop­pé plusieurs aspects : l’adaptabilité des étu­di­ants par la for­ma­tion mod­u­laire, une recherche de haut niveau en lien avec l’industrie, l’ancrage ter­ri­to­r­i­al mais aus­si l’international. En cela, elle a été pio­nnière », dit-elle.

Cette dynamique s’est, à son sens, essouf­flée depuis quelques années. En cause ? « Il y a, entre autres, cer­taines spé­ci­ficités de notre école qui ont inspiré et ont été repris par d’autres étab­lisse­ments mais aus­si le mode de crois­sance que l’on a con­nu. Une crois­sance par couch­es qui fait que l’agilité des débuts a cédé la place à des proces­sus plus lourds freinant l’innovation et la créa­tiv­ité. Il faut redonner de l’agilité à l’UTC», assure Claire Rossi.

Face aux défis majeurs tels que les tran­si­tions écologiques et énergé­tiques mais aus­si la san­té de demain, quel rôle peut jouer l’UTC ? « Pour gér­er les crises à venir, on va devoir trou­ver des solu­tions, des solu­tions qui n’existent pas encore. L’UTC avec son mod­èle adap­tatif, mod­u­laire, une recherche assez agile et inter­dis­ci­plinaire est, à mon sens, bien armée pour répon­dre à ces défis. De fait, les fon­da­men­taux de la créa­tion de l’UTC sont tou­jours d’actualité. Ils doivent juste être remis au goût du jour pour que l’on devi­enne une école leader dans la créa­tion de solu­tions tech­nologiques en con­sid­érant l’ensemble des approches, et plus spé­ci­fique­ment celles sobres, respon­s­ables et durables et qu’on le fasse en lien avec le ter­ri­toire et les pri­or­ités de la nation dans les indus­tries vertes », souligne-t-elle.

A une époque où la sci­ence et la tech­nolo­gie sont de plus en plus remis­es en ques­tion, Claire Rossi souhaite que l’UTC réaf­firme plusieurs aspects liés aux valeurs d’origine : une recherche plus inter­dis­ci­plinaire au ser­vice d’un futur plus durable, une for­ma­tion évo­lu­tive des étu­di­ants, se rou­vrir davan­tage aux entreprises.

Une recherche plus inter­dis­ci­plinaire ? « Il s’agira de définir avec les lab­o­ra­toires et les départe­ments des thèmes stratégiques trans­ver­saux forts tels les villes et mobil­ités durables, la san­té du futur ou encore la tran­si­tion numérique et de dévelop­per, au-delà de l’excellence dis­ci­plinaire qui est d’ores et déjà la nôtre, une plus grande inter­dis­ci­pli­nar­ité », affirme-t-elle.

La for­ma­tion des étu­di­ants ? « Il faudrait que l’on ren­force la mod­u­lar­ité et la for­ma­tion par pro­jet dans lesquels nous sommes, d’ores et déjà, très bons en favorisant notam­ment le développe­ment et l’expérimentation de nou­veaux con­cepts par les étu­di­ants sur des temps plus longs – un voire deux ans — durant lesquels ils tra­vail­lent et tes­tent leurs con­cepts, leurs pro­to­types, leurs idées. En un mot : qu’ils soient acteurs de leur pro­pre approche. Cer­tains vont prob­a­ble­ment «se cass­er les dents». Donc il va fal­loir appren­dre à échouer mais surtout à rebondir », dit-elle.

Une plus grande ouver­ture vers les entre­pris­es ? « Il s’agira de faciliter les inter­ac­tions des lab­o­ra­toires de recherche avec les entre­pris­es afin que les entre­pris­es s’approprient ces thèmes stratégiques trans­ver­saux sur lesquels nous afficherons notre posi­tion­nement. Ain­si, nous devons être capa­bles de pro­pos­er à une entre­prise qui nous soumet­trait un pro­jet irréal­is­able des solu­tions inno­vantes grâce cette nou­velle vision inter­dis­ci­plinaire », pré­cise Claire Rossi.

D’autres chantiers l’attendent. « Il nous faudrait, entre autres, affich­er et avancer rapi­de­ment sur l’engagement en développe­ment durable et en respon­s­abil­ité socié­tale de l’établissement, dévelop­per encore plus nos rela­tions à l’international et nos parte­nar­i­ats en Europe, ren­forcer encore plus notre action au sein de l’Alliance Sor­bonne Uni­ver­sité, nos liens avec les autres uni­ver­sités de tech­nolo­gie et tra­vailler en prox­im­ité avec les insti­tu­tions ter­ri­to­ri­ales », conclut-elle.

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