Une plongée dans l’histoire du naissant

Nathalie Sage-Pranchère est his­to­ri­enne et chercheuse CNRS au lab­o­ra­toire SPHERE. Elle fai­sait par­tie des inter­venants de la table ronde du 7e Ren­dez-vous bio­médi­cal de l’UTC. Ses travaux de recherche por­tent sur l’histoire sociale de la san­té à l’époque con­tem­po­raine avec une atten­tion plus par­ti­c­ulière sur l’histoire de la péri­na­tal­ité, sur l’histoire des mal­adies fœtales et néona­tales, ain­si que plus large­ment sur l’histoire des pro­fes­sions de san­té. Rencontre !

Le Ren­dez-vous bio­médi­cal de l’UTC per­met de met­tre en con­tact des acteurs et des actri­ces essen­tiels de l’évolution des pra­tiques médi­cales, en plaçant au cœur du pro­pos la final­ité du tra­vail de l’ingénierie bio­médi­cale : amélior­er la prise en charge et le vécu des patholo­gies par les patients, en facil­i­tant l’action médi­cale sous toutes ses formes (diag­nos­tic, dépistage, traite­ment, con­va­les­cence). Nathalie Sage-Pranchère tenait donc à être présente. Son prochain ouvrage portera sur l’histoire de la mal­adie d’incompatibilité rhé­sus, des pre­mières obser­va­tions à la fin du XIXe siè­cle à la com­préhen­sion de l’origine de la mal­adie avec la décou­verte du fac­teur rhé­sus à l’orée des années 1940. « Cette explo­ration du passé per­met de décen­tr­er le regard en se con­frontant à des péri­odes et à des con­textes qui défient nos évi­dences con­tem­po­raines (l’asepsie est une “inven­tion” récente ; les mater­nités sont longtemps des lieux d’assistance et des anticham­bres de l’abandon…). Elle éclaire les racines de cer­taines pra­tiques actuelles (l’encadrement strict des grossess­es) ou de cer­tains posi­tion­nements pro­fes­sion­nels (le statut médi­cal des sages-femmes) », explique la chercheuse dont la fréquen­ta­tion assidue des ser­vices de chirurgie pédi­a­trique dans l’enfance a nour­ri une curiosité pro­fonde pour le monde médi­cal. « Au-delà, ma décou­verte des enjeux con­tem­po­rains de la péri­na­tal­ité, de la prise en charge de la san­té génésique fémi­nine et de la san­té infan­tile a con­forté cet intérêt. Aujourd’hui, mes recherch­es me con­fron­tent for­cé­ment à la ques­tion du lien entre tech­nolo­gie et humain, que ce soit dans mes objets d’étude ou dans ceux que je mobilise pour les pro­duire et les faire con­naître. Le regard que je porte dessus est celui d’une approche par les usages, atten­tive à ne pas jamais voir en la tech­nolo­gie une fin en soi. »

Humanisation de la médecine et sécurité du patient

L’histoire du nais­sant est mar­quée par un bas­cule­ment majeur dans la sec­onde moitié du XVI­I­Ie siè­cle lorsque des poli­tiques com­men­cent à être mis­es en œuvre à l’échelle des États européens pour amélior­er les con­di­tions de la nais­sance et réduire la mor­tal­ité mater­nelle et néona­tale par la for­ma­tion des sages-femmes au pre­mier chef. Les pre­mières pra­tiques de réan­i­ma­tion des nou­veau-nés se dévelop­pent à la même péri­ode. « La survie physique du nais­sant devient aus­si pré­cieuse que sa survie spir­ituelle, aupar­a­vant cen­trale dans des sociétés qua­si unanime­ment chré­ti­ennes. Cette évo­lu­tion est à la racine de toutes les muta­tions ultérieures : prise en charge des pré­maturés à par­tir des années 1880 avec l’invention de la cou­veuse, développe­ment de la pro­tec­tion mater­nelle et infan­tile, émer­gence d’une médecine fœtale de pointe avec la mise au point de tech­niques d’imagerie de plus en plus per­fec­tion­nées à par­tir des années 1970–1980, etc. », ajoute l’historienne selon qui les pro­grès tou­jours pos­si­bles en matière de mor­tal­ité infan­tile reposent certes sur des pro­grès tech­niques mais avant tout sur des poli­tiques publiques atten­tives aux con­di­tions de vie et de tra­vail des femmes enceintes, ain­si qu’à la qual­ité et à l’accessibilité des recours médi­caux pour le suivi de la grossesse et la nais­sance. « Tout cela implique un nom­bre suff­isant de pro­fes­sion­nels de san­té, des investisse­ments con­séquents dans les insti­tu­tions de san­té, ain­si qu’une approche non compt­able de l’accompagnement médi­cal. L’humanisation de la médecine, qui est absol­u­ment com­pat­i­ble avec la sécu­rité des patients, passe égale­ment par une for­ma­tion accrue des pro­fes­sion­nels de san­té aux sci­ences humaines et sociales afin de ren­forcer leur approche des patients comme des per­son­nes et non comme des sièges de patholo­gie en puissance. »

KD

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Avril 2025 - N°65

Biomécanique pour la santé : des modèles d’intelligence artificielle spécifiques

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