Vivre mille vies en une

Michael Pitiot n’a jamais été ingénieur. Pour­tant, ce diplômé en génie infor­ma­tique, devenu réal­isa­teur de films doc­u­men­taires, n’a jamais oublié les leçons appris­es à l’UTC. Le 27 aout dernier, il est venu a l’UTC pour don­ner une leçon inau­gu­rale aux étu­di­antes et étu­di­ants. Son mot d’ordre pour cette future généra­tion d’ingénieurs ? « Rêvez ! » 

Avant même son entrée à l’UTC, Michael savait qu’il ne serait sans doute pas ingénieur : « Je ne voulais pas m’engager dans des études qui n’auraient pas de sens. Alors, ce qui m’a attiré à Com­piègne, c’est qu’on m’avait dit que c’était une école qui for­mait des ingénieurs human­istes », explique-t-il. Pen­dant ses études à l’UTC, celui qui a tou­jours envie d’ailleurs se rap­proche de l’association Ingénieurs sans fron­tières. « J’ai appris qu’ils menaient des mis­sions au Zaïre et envis­ageaient de réalis­er un court film pour leurs mécènes. Une occa­sion par­faite pour moi ! Je me suis donc pro­posé pour réalis­er le film et ils ont accep­té. Pen­dant trois mois, nous étions dans un endroit extrême­ment isolé, sans élec­tric­ité ni route, tout se fai­sait à pied, dans des con­di­tions de tour­nage et de vie dif­fi­ciles. Ce fut une expéri­ence humaine incroyable ! » 

Après son diplôme, pas ques­tion pour Michael de s’enfermer dans un bureau, il devient jour­nal­iste reporter d’images. « J’ai été dans des pays un peu chauds, comme le Tchad, la Soma­lie, le Liban. Mais j’ai vite com­pris que ça ne cor­re­spondait pas com­plète­ment à ce que je recher­chais, à ce que j’avais envie de faire. Je suis donc par­ti au Viet­nam comme attaché audio­vi­suel, où j’ai par­ticipé à un cer­tain nom­bre de longs métrages. J’ai même tra­vail­lé pour la télévi­sion, sur la créa­tion du pre­mier jeu télévi­suel du pays notam­ment. Cela peut sem­bler assez loin de la for­ma­tion d’ingénieur au pre­mier abord, mais, en fait, c’est aus­si de la ges­tion de pro­jet. » C’est au bout de six ans au Viet­nam que Michael se lance dans un défi fou : la con­struc­tion d’une jonque chi­noise de 60 tonnes, pour ral­li­er Saint-Malo depuis Saï­gon. « J’ai mis le bateau en chantier à 26 ans, en 1996, se sou­vient Michael. Et mon back­ground d’ingénieur m’a été utile pour le coup, j’étais plutôt à l’aise sur la par­tie con­struc­tion du navire et sur les ques­tions de mécanique de ces vieux bateaux. C’est devenu l’expédition Sao­mai (“étoile du matin” en viet­namien), qui est passée en prime time sur Antenne deux. Cela a été un voy­age extra­or­di­naire de deux ans, entre 1998 et 2000, avec un équipage de six à dix per­son­nes se relayant à bord. Une jonque est un bateau sans moteur, donc on va là où le vent nous emmène ! » 

À peine arrivé en France, il s’y sent comme un « extrater­restre » et monte une nou­velle expédi­tion : « Portes d’Afrique ». « On est par­tis pour deux ans explor­er les grands ports d’Afrique avec des écrivains, des jour­nal­istes… explique-t-il. On allait y chercher des his­toires humaines, un autre regard sur ce con­ti­nent qui était mal con­nu et malaimé. » Ensuite, Michael s’occupe de réalis­er les films du pro­jet Tara (le navire d’exploration sci­en­tifique). Une révéla­tion pour lui : « Et c’est là que j’ai com­pris pour la pre­mière fois que le monde était en train de chang­er, en fil­mant les sci­en­tifiques en face de moi. Et je me suis dit que je devais apporter quelque chose au monde. J’ai donc tra­vail­lé pour trou­ver des passerelles vers le pub­lic, je voulais trou­ver le prime time des grandes chaînes, pour touch­er des gens qui n’en avaient rien à faire au départ. Puis j’ai croisé la route de Yann Arthus-Bertrand, et j’ai fait dix films pour lui. » 

Ce par­cours de vie a doté Michael d’une con­science écologique qui n’a jamais entaché son opti­misme pour l’avenir, au con­traire : « Aujourd’hui, l’écologie est sou­vent vue comme un ensem­ble de con­traintes, alors que c’est un ensem­ble d’opportunités. Il faut main­tenant que l’on passe de la peur au désir, et cela, c’est pour moi typ­ique­ment l’état d’esprit de l’ingénieur et de l’entrepreneur. Je pense qu’il y a des rêveurs chez les ingénieurs, une pro­fes­sion qui prédis­pose à cela. Dans mes tour­nages, je vois des gens pleins d’envie de créer, de penser ! Actuelle­ment, je tra­vaille sur un pro­jet pour France 2, où nous nous poserons la ques­tion de savoir à quoi la France pour­rait ressem­bler dans 100 ans, et je ne vois pas un avenir sombre ! » 

S’il place tout son espoir dans l’esprit ingénieur, Michael n’a jamais regret­té de ne pas en être devenu un : « Mon méti­er est fab­uleux, on vit mille vies par procu­ra­tion, on fait des ren­con­tres incroy­ables, sourit-il. Il y a deux ans, je fil­mais le pape François, et, quinze jours après, j’étais au Bangladesh pour filmer les enfants qui découpaient les bateaux mis à la casse. C’est plein d’humanité, il y a telle­ment de choses à raconter ! » 

MB

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