Pour une reconversion écologique

Soci­o­logue et philosophe, Dominique Méda est pro­fesseure de soci­olo­gie à l’université Paris-Dauphine et y dirige l’Institut de recherche inter­dis­ci­plinaire en sci­ences sociales (IRISSO), une unité mixte CNRS. Elle a don­né, le 2 sep­tem­bre, la deux­ième leçon inau­gu­rale à l’UTC.

Les prob­lé­ma­tiques liées au tra­vail ne lui sont pas étrangères, puisque, dans une pre­mière vie, Dominique Méda a d’abord été inspec­trice générale des affaires sociales, le corps de con­trôle du min­istère du Tra­vail et des Affaires sociales. Elle a ensuite tra­vail­lé pen­dant 15 ans en tant que respon­s­able de la recherche, à la Direc­tion de l’animation de la recherche, des études et des sta­tis­tiques (Dares) dans ce même min­istère et comme direc­trice de recherch­es au Cen­tre d’études de l’emploi.

La rai­son de cet intérêt ? « Au début des années 1990, le dis­cours dom­i­nant soulig­nait l’importance exclu­sive du tra­vail. Le tra­vail est une activ­ité essen­tielle et struc­turante pour les indi­vidus : je voulais com­pren­dre la genèse et les caus­es d’une telle val­ori­sa­tion du tra­vail et de la place cen­trale qu’il occupe dans notre société », explique-t-elle. Un intérêt qui l’a menée à entamer des recherch­es philosophiques et qui déboucha, en 1995, sur l’écriture d’un pre­mier livre : Le tra­vail, une valeur en voie de dis­pari­tion ? (édi­tions Flam­mar­i­on). « Je voulais com­pren­dre philosophique­ment com­ment on en est arrivés à recon­naître le tra­vail comme l’activité sociale cen­trale. Pour preuve ? Dans le PIB, on ne prend en compte que le tra­vail et l’on ignore com­plète­ment les activ­ités poli­tiques, famil­iales, domes­tiques ou encore de loisirs », ajoute-t-elle. 

Un intérêt qui l’a con­duite égale­ment à faire des recherch­es dans le champ soci­ologique. « En menant des enquêtes de ter­rain en France, j’ai mis en évi­dence que le tra­vail était bien, en effet, une valeur cen­trale pour les gens. Je dirais même qu’ils ont un rap­port “pathologique” au tra­vail, con­traire­ment aux Nordiques, par exem­ple, qui, tout en respec­tant le tra­vail, con­sid­èrent que leurs autres activ­ités – famille, loisirs, engage­ment citoyen – ont tout autant d’importance », affirme Dominique Méda. Un intérêt qui l’a amenée aus­si à ques­tion­ner la per­ti­nence de la « fétichi­sa­tion » du PIB tel qu’il est mesuré et à en rel­a­tivis­er la per­ti­nence. « Il nous faut prêter atten­tion à d’autres indi­ca­teurs dont deux sont, à mes yeux, majeurs. Le pre­mier, c’est l’empreinte car­bone, dont la réduc­tion con­stitue notre défi absolu face au change­ment cli­ma­tique. Le sec­ond, c’est celui qui rend compte de la cohé­sion sociale. Un indice de san­té sociale qui mesure le degré d’inégalités dans une société », souligne-t-elle. 

Un intérêt qui l’a poussée enfin, encore plus à la suite de la crise san­i­taire du Covid-19, à plaider pour un change­ment total de par­a­digme dans le fonc­tion­nement de nos sociétés. « Nos sociétés doivent s’engager dans une véri­ta­ble “recon­ver­sion écologique” où il ne s’agira plus de met­tre en avant le plus gros PIB, ou les plus gros prof­its, mais de sat­is­faire les besoins soci­aux de tous. Une recon­ver­sion écologique qui, de sur­croît, devrait être créa­trice de nom­breux emplois », con­clut Dominique Méda. 

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