Les entreprises à l’ère de l’industrie 5.0
Professeur des universités en ingénierie mécanique, Julien Le Duigou est chercheur au sein du laboratoire Roberval. Il est notamment responsable de la filière « Production Intégrée et Logistique » (PIL) et du cours sur les technologies 4.0.
Quels sont les objectifs de la filière ? « Il s’agit de former des ingénieurs en mécanique avec une ouverture sur l’industrialisation, sur la gestion de la production, sur la supply chain mais aussi sur l’amélioration continue et les technologies 4.0. Cette formation leur assure ainsi des compétences qui vont du bureau des méthodes en charge de définir la manière de fabriquer et d’industrialiser un produit donné à la production proprement dite dans les usines et enfin la distribution du produit aux clients », explique-t- il.
Apparu en 2011, le concept d’industrie 4.0 concerne l’intégration des nouvelles technologies dans l’usine. « On a été capables de connecter les machines entre elles, de les faire échanger des informations pour accélérer la prise de décisions en production. L’introduction des nouvelles technologies dans les usines, notamment l’intelligence artificielle, la réalité augmentée, l’Internet of Things (IoT), la continuité numérique, l’utilisation du Big Data, la robotisation avec des Cobot dotés de capteurs leur permettant de collaborer avec un opérateur ou encore les nouvelles technologies de production comme la fabrication additive métallique, avait pour objectif principal l’amélioration de la performance économique de l’usine », assure-t-il.
Industrie 5.0
On a alors parlé de quatrième révolution industrielle après la mécanisation, l’électrification et enfin l’automatisation. Aujourd’hui, on évoque l’industrie 5.0. « Il s’agit plus d’une évolution de la phase précédente que d’une révolution proprement dite. Poussé par l’Union européenne en 2021, ce concept vise à réorienter le mode de fonctionnement des usines. Certes, on continuera à utiliser ces technologies mais en mettant l’accent sur trois aspects. Le développement durable en utilisant ces technologies pour faciliter la transition écologique et énergétique des entreprises ; la résilience ou la capacité à s’adapter aux aléas telles des pannes, des ruptures d’approvisionnement et des variations du marché, etc. , et enfin le recentrage sur l’humain que ce soit vis-à-vis de la société au sens large ou des employés de l’entreprise elle-même en remettant les opérateurs au centre de ces technologies », détaille Julien Le Duigou.
Des travaux de recherche concrets autour de cette thématique d’industrie 5.0 ? « Nous travaillons notamment sur l’optimisation de la production des usines en prenant en compte les indicateurs environnementaux. Nos travaux portent sur l’influence d’un système de production afin de définir un mode optimal tant en matière de consommation d’énergie, par exemple, que, plus généralement, d’impact environnemental ou sociétal. Le choix du processus de fabrication d’un produit, les machines sur lesquelles ils seront fabriqués, ainsi que l’ordre dans lequel ils seront produits sont ainsi optimisés en fonction d’indicateurs de coûts et de délais, mais également d’indicateurs environnementaux et sociétaux. Nous travaillons également sur la thématique de l’économie circulaire. Il s’agit, dans notre cas de figure, d’aider les entreprises à recycler, voire à réutiliser, autant que faire se peut, les pièces des produits en fin de vie en les aidant à les désassembler. On parle alors de remanufacturing en recréant des produits neufs à partir de pièces d’anciens produits. Nous travaillons aussi sur la qualité du produit : comment l’améliorer afin de minimiser les rebuts, les rejets, etc. Nous utilisons à cette fin notamment de la vision par ordinateur pour détecter les défauts d’apparence des produits en utilisant de l’apprentissage automatique. Enfin, nous menons des travaux sur la maintenance prédictive où il s’agit de détecter la probabilité d’une panne machine avant même qu’elle n’advienne », décrit-il.
Un intérêt réel de la part des industriels
Des thématiques qui, tout naturellement, intéressent nombre d’industriels. « Nous travaillons notamment avec des fabricants de lignes de production comme ALFI Technologies, des éditeurs de logiciels tel PTC mais aussi des industriels comme Renault et Safran », dit-il.
Il n’y a pas que les grandes entreprises à être concernées par l’industrie 5.0. Les PME et ETI sont également intéressées par les nouvelles technologies. « Nous avons ainsi un projet de plateforme industrie du futur intitulé “Quatrium” avec notamment le Centre technique des industries mécaniques (Cetim). L’objectif ? C’est d’être capable d’aider les PME et ETI de la région Hauts-de- France à accélérer leur transition écologique, énergétique et digitale. Dans ce projet, il s’agit tout d’abord de faire de la vulgarisation auprès des entreprises pour qu’elles s’approprient ces concepts et de mener des interventions pour qu’elles se saisissent des différentes briques technologiques. D’où le développement d’une plateforme, dont une partie se trouve à l’UTC, leur permettant de voir les technologies in situ et de les tester en réel », conclut Julien Le Duigou.
MSD