53 : Pour une ville durable

Pro­fesseure des uni­ver­sités, Manuela Sechi­lar­iu est direc­trice, depuis 2016, de l’unité de recherche Avenues. Elle est égale­ment direc­trice adjointe de SEEDS, un groupe de recherche (GDR) CNRS depuis 2018 et l’initiatrice et respon­s­able jusqu’en 2018, dans le cadre de SEEDS, du groupe de tra­vail (GT) Micro-réseaux au niveau national.

Créée en 2006, Avenues compte, en fonc­tion du nom­bre de doc­tor­ants et chercheurs con­tractuels, près de 25 per­son­nes. Une de ses par­tic­u­lar­ités ? “C’est une équipe inter­dis­ci­plinaire dont les com­pé­tences vont de la géographie/géomatique à l’aménagement et l’hydrologie, du génie mécanique au génie civ­il ou encore le génie électrique.”

“Nous nous intéres­sons aux sys­tèmes urbains et, plus pré­cisé­ment, à la mod­éli­sa­tion mul­ti-échelle des sys­tèmes urbains. À savoir, par­tir du bâti­ment, pour­suiv­re par le quarti­er puis la ville et enfin le ter­ri­toire. Le tout étant en inter­ac­tion avec l’hu­main qui occupe une place cen­trale”, explique Manuela Sechilariu.

Une par­tic­u­lar­ité qui éclaire des travaux de recherche, con­juguant les sci­ences de l’ingénieur à celles des sci­ences humaines et sociales, menées par l’équipe d’Av­enues. En somme, une inté­gra­tion sys­témique des approches dis­ci­plinaires var­iées dont l’ob­jet d’é­tude est le sys­tème urbain. L’ob­jec­tif ? “Étudi­er en amont des sys­tèmes urbains con­sid­érés comme des sys­tèmes dynamiques com­plex­es qui for­ment un sys­tème de sys­tèmes étant don­né la mul­ti­tude de sous-sys­tèmes engen­drés. Ce qui nous intéresse essen­tielle­ment, ce sont les dynamiques urbaines générées par la diver­sité des sys­tèmes impliqués et l’in­ter­ac­tion entre ces sys­tèmes et l’hu­main”, souligne-t-elle.

D’où l’im­por­tance accordée à la mod­éli­sa­tion mul­ti-échelle au sein d’Av­enues autour de cinq thèmes.” Ces thèmes — micro-réseaux, trans­ports, risque hydrologique, maque­tte numérique ou encore l’amé­nage­ment et les poli­tiques urbaines, par exem­ple — ne sont nulle­ment un cat­a­logue de sujets.Nos recherch­es por­tent sur les imbri­ca­tions de chaque thé­ma­tique avec les autres et les liaisons bien pré­cis­es exis­tant entre elles, tant au niveau d’un bâti­ment, d’un quarti­er, d’une ville ou encore d’un ter­ri­toire don­né. Elles por­tent égale­ment sur leur inter­ac­tion avec les ten­sions socié­tales con­tem­po­raines, telles la tran­si­tion énergétique,la tran­si­tion envi­ron­nemen­tale, la tran­si­tion numérique et enfin la tran­si­tion urbaine “, pré­cise t‑elle.

Des com­pé­tences recon­nues tant au niveau nation­al qu’eu­ropéen et inter­na­tion­al. Pour preuve ? Les pro­jets en cours au niveau nation­al. “Je pour­rais citer par exem­ple Mobel_City dont nous avons été, en 2017, lau­réat à la suite d’un appel à pro­jet financé par l’ADEME et dont nous sommes les coor­di­na­teurs. Il porte sur la mise en place de micro-réseaux intel­li­gents et l’im­plan­ta­tion urbaine pour la mobil­ité élec­trique en ville. Un pro­jet qui illus­tre autant les com­pé­tences accu­mulées au sein de l’u­nité que l’in­ter­dis­ci­pli­nar­ité qui y règne, puisqu’il se trou­ve à la croisée des domaines des trans­ports — mobil­ité élec­trique, des éner­gies renou­ve­lables, de l’amé­nage­ment urbain et ter­ri­toire durable. Nous sommes accom­pa­g­nés par un parte­naire indus­triel, SYSTRA, spé­cial­isé dans les prob­lé­ma­tiques liées au trans­port à l’échelle nationale, mais aus­si par l’Ag­gloméra­tion de la région de Com­piègne (ARC)”, détaille Manuela Sechi­lar­iu. Mais aus­si des pro­jets à l’in­ter­na­tion­al tels COST,un pro­jet européen, et, tout récem­ment, le pro­jet­PVPS-T17¹ ini­tié par l’A­gence inter­na­tionale de l’én­ergie (AIE) sur les con­tri­bu­tions pos­si­bles des tech­nolo­gies pho­to­voltaïques au transport.

“Le COST, dont on assure la vice-prési­dence à tra­vers la chaire Mobil­ités intel­li­gentes et dynamiques ter­ri­to­ri­ales, est un pro­jet européen qui vise notam­ment à étudi­er l’im­pact des futurs véhicules autonomes et con­nec­tés dans la mobil­ité urbaine et péri-urbaine. Dans le cadre du pro­gramme PVPS, nous sommes coordinateurs,au niveau nation­al, du pro­jet PV2E_Mobility qui représente la con­tri­bu­tion française à la “tâche 17”, tan­dis qu’à l’in­ter­na­tion­al, nous sommes respon­s­ables de la “sous-tâche 2”. PV2E_Mobility, pro­jet financé pen­dant 4 ans par l’ADEME, porte sur l’u­til­i­sa­tion de l’én­ergie pho­to­voltaïque dans les trans­ports. Cela peut con­cern­er tant les sources pho­to­voltaïques embar­quées dans les véhicules que les sources pho­to­voltaïques sta­tion­naires pour la recharge des véhicules. Là encore, nous avons des parte­naires indus­triels tels Enedis, Tec­sol, SAP Lab, Poly­mage, CEA. La “sous-tâche 2” dont nous assurons la coor­di­na­tion porte, quant à elle, sur le pho­to­voltaïque sta­tion­naire pour la recharge des véhicules élec­triques avec des parte­naires tels la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie,les Pays-Bas, l’Es­pagne, l’Autriche, l’Allemagne,etc.”, conclut-elle.

¹ Pho­to­volta­ic Pow­er Sys­tems Programme

Géo­graphe de for­ma­tion, Nathalie Molines est maître de con­férences à l’UTC depuis 2006. Elle tra­vaille, au sein de l’unité de recherche Avenues, sur les prob­lé­ma­tiques liées à la ville durable et plus par­ti­c­ulière­ment sur les ques­tions d’aide à la déci­sion en ges­tion territoriale.

Son intérêt pour la prob­lé­ma­tique de ville durable ? “Cette notion est issue des théories de développe­ment durable émis­es dans le rap­port Brundt­land¹, pub­lié en1987. Il stip­ule, entre autres, que “le développe­ment durable est un mode de développe­ment qui répond aux besoins des généra­tions présentes sans com­pro­met­tre la capac­ité des généra­tions futures de répon­dre aux leurs”. Un mode de développe­ment qui se base sur trois piliers. À savoir, le pili­er économique, le pili­er envi­ron­nemen­tal et enfin le pili­er social. Ce qui s’ap­plique par­faite­ment au con­cept de ville durable au sens où il s’ag­it de trou­ver un juste équili­bre entre les aspects économiques,environnementaux et soci­aux rat­tachés à un ter­ri­toire urbain. Mais cet équili­bre est dif­fi­cile à attein­dre et l’aide à la déci­sion ter­ri­to­ri­ale apporte aux décideurs les élé­ments pour faire des choix en con­nais­sance de cause”, explique-t-elle.

Ses axes de recherche prin­ci­paux ? “Le pre­mier con­cerne les ques­tions d’ur­ban­isme régle­men­taire et de ville durable. Le deux­ième a trait aux impacts du change­ment cli­ma­tique et enfin le troisième, aux prob­lé­ma­tiques liées à la tran­si­tion énergé­tique des ter­ri­toires. Trois axes imbriqués les uns aux autres”, précise-t-elle.Le pre­mier porte sur le développe­ment de mod­èles per­me­t­tant d’é­val­uer, en amont, l’ef­fi­cac­ité d’un plan local d’ur­ban­isme (PLU), doc­u­ment stratégique définis­sant des ori­en­ta­tions sur l’évo­lu­tion de la ville à l’hori­zon de 10 à 15 ans. Un thème de recherche qui débouche, entre autres, sur des appli­ca­tions pra­tiques. “Par exem­ple, dans le cadre d’une thèse Cifre avec l’Ag­gloméra­tion de Toulouse que j’ai encadrée à l’UTC, nous sommes par­tis de trois grands thèmes : la den­sité urbaine, les aménités ou niveau de ser­vices offerts sur le ter­ri­toire et l’aéra­tion des par­celles. À par­tir de là, nous avons passé en revue la régle­men­ta­tion, savoir en somme ce qui était autorisé ou pas, afin de voir si le pro­jet répondait aux enjeux défi­nis en amont par le poli­tique”, assure Nathalie Molines.

Un axe de recherche qui se traduit égale­ment par des parte­nar­i­ats académiques. “Je tra­vaille avec le lab­o­ra­toire Eau et Envi­ron­nement de l’u­ni­ver­sité Gus­tave-Eif­fel, spé­cial­isé dans la mod­éli­sa­tion hydrologique des eaux plu­viales. Il s’ag­it de crois­er nos deux com­pé­tences afin de véri­fi­er dans quelle mesure les doc­u­ments d’ur­ban­isme per­me­t­tent d’imag­in­er des villes capa­bles de lim­iter les impacts du change­ment cli­ma­tique, en par­ti­c­uli­er la ges­tion des eaux de pluie en facil­i­tant l’in­fil­tra­tion à la par­celle et en réduisant les risques d’i­non­da­tion. Une thèse, codirigée par nos deux labos et con­sacrée au cli­mat urbain, notam­ment la lim­i­ta­tion des îlots de chaleur et l’in­fil­tra­tion des eaux de pluie, sera lancée dès l’au­tomne prochain”, souligne-t-elle.

Des pro­jets sur les impacts du change­ment cli­ma­tique ? “Un pre­mier pro­jet avec le lab­o­ra­toire Eau et Envi­ron­nement por­tait sur l’analyse prospec­tive, à hori­zon de 20/30 ans, de la manière dont l’oc­cu­pa­tion des sols dans la région lyonnaise,entre autres l’é­tale­ment urbain, et le change­ment cli­ma­tique ris­queraient d’im­pacter les ter­ri­toires. Nous avons tra­vail­lé sur dif­férents scé­nar­ios inté­grant à la fois des hypothès­es d’oc­cu­pa­tion des sols et des hypothès­es sur le change­ment cli­ma­tique. Tout récem­ment, nous avons déposé un pro­jet, dans le cadre des con­trats de plan États-Régions, qui porte sur les impacts des change­ments envi­ron­nemen­taux aus­si bien sur la qual­ité de l’air que de l’eau ou encore sur la san­té et la bio­di­ver­sité à l’échelle des Hauts-de-France”, détaille-t-elle.

Dernier axe enfin, la tran­si­tion énergé­tique des ter­ri­toires. “Je tra­vaille, avec une approche spa­tiale, tant sur la mobil­ité élec­trique que sur l’ef­fi­cac­ité énergé­tique des bâti­ments. Si l’on prend, par exem­ple, l’op­ti­mi­sa­tion de l’in­stal­la­tion des bornes de recharge, cela sup­pose d’avoir une con­nais­sance fine des usages et des zones de polar­ité. Autrement dit, des zones de commerce,des zones de tra­vail ou encore des zones de vie. Un autre aspect con­cerne l’én­ergie des bâti­ments”, con­clut Nathalie Molines.

¹ Rap­port Brundtland

Maître de con­férences en amé­nage­ment de l’espace et en urban­isme à l’UTC depuis 2019, Justin Emery est chercheur à l’unité de recherche Avenues.

Géo­graphe — il se définit comme géo­graphe quan­ti­ta­tiviste urbain — Justin Emery a soutenu, en 2016, une thèse à l’u­ni­ver­sité de Bour­gogne. Le thème de cette dernière ? “J’ai dévelop­pé un mod­èle de sim­u­la­tion du traf­ic routi­er urbain per­me­t­tant de mieux mesur­er la pol­lu­tion atmo­sphérique auto­mo­bile. Un mod­èle qui s’ap­puie sur des don­nées, notam­ment des comp­tages routiers au niveau d’un espace”, explique-t-il.

Depuis, il s’est intéressé, en par­ti­c­uli­er, à la géo­gra­phie urbaine et à la prob­lé­ma­tique des trans­ports et mobil­ités, en y inté­grant une approche quan­ti­ta­tive. “Ce sont toutes les méth­odes qui per­me­t­tent de mesur­er la rela­tion de l’homme à l’e­space urbain de manière nor­ma­tive. Ce qui exige l’u­til­i­sa­tion de don­nées. Celles-ci sont issues, dans le cas de ma thèse par exem­ple, de comp­tages routiers. Dans mes travaux actuels, je fais par­fois appel à des enquêtes ; d’autres fois, à des don­nées spa­tiales. Pour l’analyse des don­nées, je m’ap­puie notam­ment sur la géo-com­pu­ta­tion, c’est-à-dire l’u­til­i­sa­tion des out­ils numériques dans la représen­ta­tion de l’e­space tels que les sys­tèmes d’in­for­ma­tion géo­graphique (SIG) ou les sys­tèmes mul­ti-agents (SMA) ou encore les out­ils de traite­ments de don­nées”, ajoute-t-il.

Des recherch­es qui s’ar­tic­u­lent donc autour du cou­ple transport/environnement. “Je pars des cadres théoriques que sont les sys­tèmes com­plex­es via la sim­u­la­tion mul­ti-agents. Elles sont util­isées égale­ment, depuis une dizaine d’an­nées, dans les sci­ences sociales, puisque les sys­tèmes soci­aux y sont analysés comme des sys­tèmes com­plex­es”, pré­cise Justin Emery.

Qu’en­tend-on par sys­tème com­plexe ? “Par analo­gie, la ville fonc­tionne de fait comme une four­mil­ière. Si l’on prend cette dernière, on se rend compte qu’une four­mi toute seule n’est pas grand-chose mais que toutes les four­mis ensem­ble for­ment un sys­tème com­plexe, la four­mil­ière. La ville, ce sont des indi­vidus en inter­ac­tion qui se dépla­cent, qui vont vers dif­férentes aménités (domi­cile et tra­vail) et for­ment ain­si un sys­tème urbain. Il s’ag­it donc d’in­scrire la ville dans ses dynamiques spa­tiales ; ce qui induit de pren­dre en compte la prob­lé­ma­tique de trans­port et mobil­ités”, souligne-t-il.

Un des axes majeurs de ses recherch­es ? “J’es­saie d’ap­pro­fondir le cadre théorique des sys­tèmes com­plex­es pour l’é­tude et la visu­al­i­sa­tion des dynamiques spa­tiales, notam­ment en matière de trans­port et de traf­ic routi­er. Ce cadre est fon­cière­ment inter­dis­ci­plinaire, puisqu’il s’ag­it d’ar­tic­uler les dif­férentes échelles de la ville allant de l’in­di­vidu aux bâti­ments et infra­struc­tures pour arriv­er à la ville. C’est en somme une vision mul­ti­scalaire”, affirme-t-il.

Un cadre théorique qui per­met à Justin Emery de tester des appli­ca­tions pra­tiques. “Il s’ag­it, à par­tir des approches de mod­éli­sa­tion, de tester des capac­ités opéra­tionnelles et voir en quoi elles peu­vent aider à la déci­sion à l’échelle d’un espace urbain. À cela vien­nent s’a­jouter toutes les approches d’en­quêtes de ter­ri­toire. Il s’ag­it de mieux com­pren­dre la demande de trans­port, puis le fonc­tion­nement du trans­port et enfin les fac­teurs qui influ­en­cent la demande de trans­port comme le besoin de se déplac­er pour aller tra­vailler, par exem­ple. Il s’ag­it égale­ment de mieux com­pren­dre com­ment ces fac­teurs influ­en­cent la demande, com­ment le ter­ri­toire fonc­tionne. D’au­tant que l’on sait qu’un ter­ri­toire fonc­tionne à tra­vers la mobil­ité et les trans­ports. Or, on manque sou­vent de don­nées nor­ma­tives. On doit donc met­tre en place des out­ils spé­ci­fiques et dévelop­per des enquêtes ad hoc pour mieux com­pren­dre com­ment les pop­u­la­tions se dépla­cent. Des enquêtes qui vont per­me­t­tre la con­struc­tion d’outils d’é­val­u­a­tion adap­tés aux sys­tèmes de trans­port et aux déplace­ments des habi­tants. On passe ain­si d’une logique classique“on con­stru­it d’abord une infra­struc­ture et l’on voit ensuite si les gens l’u­tilisent” à une logique de “com­ment faire pour que la mobil­ité soit la plus flu­ide pos­si­ble et adapter le trans­port à la mobil­ité” “, dit-il.

Une approche qu’il applique égale­ment à la prob­lé­ma­tique ville/climat. “Ayant tra­vail­lé avec des cli­ma­to­logues durant mon doc­tor­at, j’ai eu à utilis­er les sys­tèmes d’in­for­ma­tion géographique,des out­ils qui m’ont per­mis de faire le lien entre la forme urbaine, l’ur­ban­isme et leur impact sur l’en­vi­ron­nement. C’est, par exem­ple, le cas de l’é­tude de l’îlot de chaleur urbain, ou com­ment la forme urbaine impacte la chaleur en ville par ses formes “, conclut-il.

Pro­fesseure des uni­ver­sités, Manuela Sechi­lar­iu est direc­trice, depuis 2016, de l’unité de recherche Avenues et spé­cial­iste d’une des thé­ma­tiques phares de l’unité. À savoir les micro-réseaux et la ges­tion de l’énergie.

Qu’en­tend-on par micro-réseaux ? “Un micro-réseau élec­trique est con­sti­tué d’un ensem­ble de sources d’én­ergie renou­ve­lables et tra­di­tion­nelles ayant pour but l’al­i­men­ta­tion locale des charges, tels que les bâti­ments ou les véhicules élec­triques. Ce qui,concernant les renou­ve­lables, pose la ques­tion de l’in­ter­mit­tence de l’én­ergie et donc celle de son stock­age et/ou la con­nex­ion au réseau pub­lic”, explique-t-elle.

L’idée der­rière les micro-réseaux ? “Il s’agit,à tra­vers les micro-réseaux, d’in­té­gr­er au mieux, au plus vite et mas­sive­ment des éner­gies renou­ve­lables à l’aide d’une régu­la­tion locale afin de soulager le réseau par rap­port à sa régu­la­tion au niveau nation­al et de main­tenir l’équili­bre entre la pro­duc­tion et la con­som­ma­tion”, souligne-t-elle.

Com­ment fonc­tion­nent les smart-grids ou réseaux intel­li­gents ? “Prenons le réseau élec­trique nation­al français, par exem­ple. Si l’on super­pose à ce réseau des moyens de com­mu­ni­ca­tion et de trans­mis­sion de mes­sages per­me­t­tant de gérer,en temps réel, l’équili­bre entre la pro­duc­tion et la con­som­ma­tion, on par­le alors de smart-grid. Les infor­ma­tions échangées, en temps réel, entre d’une part le pro­duc­teur et le con­som­ma­teur et d’autre part le con­som­ma­teur qui peut égale­ment être “con­so-acteur”, c’est-à-dire pro­duc­teur d’én­ergie, et le pro­duc­teur, appor­tent une aide à l’op­ti­mi­sa­tion de la ges­tion de l’én­ergie aux opéra­teurs du réseau de trans­port et du réseau de dis­tri­b­u­tion”, pré­cise Manuela Sechi­lar­iu. Les objec­tifs visés par ces micro-réseaux ? “Il s’ag­it, en pre­mier lieu, d’op­ti­miser l’u­til­i­sa­tion des dif­férentes sources y com­pris le stock­age et, en sec­ond lieu, de pou­voir ali­menter, au mieux, les charges — bâti­ments et véhicules, par exem­ple. Le tout à un coût énergé­tique le plus faible pos­si­ble. Ce qui sup­pose de pou­voir aug­menter la part des renou­ve­lables con­som­mée tout en min­imisant l’im­pact négatif sur le réseau élec­trique. Des objec­tifs atteints grâce à des algo­rithmes per­me­t­tant l’op­ti­mi­sa­tion de la con­som­ma­tion en ten­ant compte des prévi­sions de pro­duc­tion et de con­som­ma­tion à l’in­stant t. Des algo­rithmes capa­bles donc d’analyser les don­nées issues du réseau élec­trique intel­li­gent, les don­nées des dif­férents acteurs et enfin des méta­don­nées telles les don­nées météo, par exem­ple”, affirme-t-elle.

Reste à lever plusieurs ver­rous. “Le pre­mier con­cerne le con­trôle des incer­ti­tudes. Des incer­ti­tudes qui por­tent sur la maîtrise de la pro­duc­tion, par exem­ple, puisque les sources renou­ve­lables sont, par nature, dépen­dantes de la météo, ou encore celles entourant le niveau de con­som­ma­tion. Le deux­ième, tech­nologique, a trait aux inter­faces com­mu­ni­cantes à divers­es échelles, puisqu’un réseau intel­li­gent inté­gré à un bâti­ment doit for­cé­ment com­mu­ni­quer avec le réseau pub­lic mais aus­si, dans le cas d’une instal­la­tion de recharge de véhicules élec­triques, avec les con­duc­teurs afin d’op­ti­miser le fonc­tion­nement de la sta­tion élec­trique. Le dernier enfin con­cerne l’ac­cept­abil­ité sociale. Celle-ci étant la con­di­tion pri­mor­diale pour pou­voir dévelop­per des ser­vices qui soient par la suite util­isés par les usagers”, détaille Manuela Sechilariu.

Des micro-réseaux qui, on le voit, inter­agis­sent forte­ment avec le thème de la mobil­ité mais aus­si celui de la per­ti­nence régle­men­taire et de la poli­tique urbaine. “L’im­plan­ta­tion des sources pho­to­voltaïques comme celle des micro-réseaux ou encore du stock­age doit, de ce fait,être en cohérence avec la plan­i­fi­ca­tion d’un quarti­er, d’une ville ou d’un ter­ri­toire. Nous nous situons dans des prob­lé­ma­tiques qui con­cer­nent les bâti­ments et ter­ri­toire à énergie pos­i­tive”, précise-t-elle.

Des appli­ca­tions con­crètes ? “Prenons les sta­tions de charge et de décharge des véhicules qui offrent de nou­veaux ser­vices tel le “Vehi­cle to Grid”. Il peut s’a­gir notam­ment d’un véhicule con­nec­té à sa borne de recharge pour réalis­er la charge de sa bat­terie et qui, à un moment don­né décidé par les opéra­teurs du réseau pub­lic en accord avec le pro­prié­taire, va décharg­er sa bat­terie vers le réseau pour pal­li­er à un pic de con­som­ma­tion. L’én­ergie accu­mulée dans tous les véhicules élec­triques d’un ter­ri­toire pour­rait ain­si, lors d’un pic, éviter aux opéra­teurs de recourir au démar­rage d’une cen­trale élec­trique ther­mique, par exem­ple “, conclut-elle.

Maître de con­férences à l’UTC depuis 2005, Nas­si­ma Voyneau est spé­cial­iste des risques hydrologiques, à l’unité de recherche Avenues.

Qu’en­tend-on par risques hydrologiques ? “Ce sont tous les risques naturels liés à l’eau. Ce sont, par exem­ple, les inondations,les pluies tor­ren­tielles, les remon­tées de nappes phréa­tiques ou encore les avalanch­es. Pour ma part, je m’in­téresse surtout à la mod­éli­sa­tion des inon­da­tions dues aux pluies, aux remon­tées de riv­ières ou à la mon­tée du niveau marin. Ce qui exige des con­nais­sances sur le fonc­tion­nement du cycle de l’eau pour pou­voir le mod­élis­er, mais aus­si des con­nais­sances en sta­tis­tiques et prob­a­bil­ités. En effet, dès lors que l’on s’in­téresse au risque, on doit inté­gr­er la prob­a­bil­ité que ce risque se réalise ou pas”, explique-t-elle.

Son ter­rain de recherche ? “Je m’in­téresse beau­coup au milieu urbain, puisque c’est là que se situe la vul­néra­bil­ité d’un ter­ri­toire. Aupar­a­vant, l’amé­nage­ment urbain répondait essen­tielle­ment à des critères esthé­tiques et fonc­tion­nels. Aujour­d’hui, l’on essaie d’in­té­gr­er, en amont, le critère envi­ron­nemen­tal dans l’amé­nage­ment urbain, par exem­ple : la prise en compte du risque inon­da­tion et les moyens de le “min­imiser” “, souligne-t-elle.

Par­mi les out­ils util­isés ? “La mod­éli­sa­tion per­met la com­préhen­sion d’un phénomène hydrologique et sa sim­u­la­tion à l’aide d’équa­tions math­é­ma­tiques. Dans le cas du risque inon­da­tion par exem­ple, on se base sur des don­nées his­toriques de plu­viométrie et de débit. Cela nous per­met de créer des scé­nar­ios hydrométéorologiques et de voir l’im­pact de cha­cun sur le ter­ri­toire con­cerné. Cela nous per­met égale­ment de faire des pro­jec­tions à long terme. La mod­éli­sa­tion des inon­da­tions per­met enfin de com­pren­dre le fonc­tion­nement du ter­ri­toire par rap­port à ce risque et de con­stru­ire des solu­tions à même de l’en préserv­er. Ain­si, si l’on prend un scé­nario cat­a­stro­phe, en ter­mes hydrométéorologiques, l’on va pou­voir, entre autres, analyser son impact sur le réseau routi­er ou encore éval­uer des par­cours opti­maux pour l’a­chem­ine­ment des sec­ours… Il s’ag­it en somme de prévenir le risque pour mieux le gér­er”, pré­cise Nas­si­ma Voyneau.

Des travaux de recherche récents ? “Une thèse, soutenue en décem­bre 2019, que j’ai co-encadrée avec Philippe Ser­gent du Cere­ma. Elle porte sur la mod­éli­sa­tion du risque inon­da­tion dans la ville du Havre. Avec une par­tic­u­lar­ité : il s’agis­sait de mod­élis­er des inon­da­tions générées par la con­jonc­tion de deux phénomènes. À savoir la mon­tée du niveau de la mer con­jugué à de fortes pluies. On y a inté­gré égale­ment les incer­ti­tudes liées au change­ment cli­ma­tique”, explique-t-elle.

Des pro­jets con­crets ? “Dans le cadre du pro­jet Sao Polo, réal­isé en parte­nar­i­at avec d’autres lab­o­ra­toires (CETMEF, EDF, uni­ver­sité du Havre…), nous avons notam­ment tra­vail­lé sur l’adap­ta­tion des villes côtières, dont Bordeaux,Le Havre ou encore Saint-Malo, aux inon­da­tions. Avec des ques­tions à la clé : cette adap­ta­tion doit-elle pass­er par la surélé­va­tion des digues exis­tantes ou par le retrait des habi­ta­tions du rivage, par exem­ple ? Bien enten­du, chaque ville ayant ses car­ac­téris­tiques pro­pres, les scé­nar­ios créés sont dif­férents et les solu­tions pro­posées dif­féren­ciées. Nous avons égale­ment tra­vail­lé, dans le cadre d’une thèse CIFRE avec la RATP, sur la mod­éli­sa­tion de l’i­non­da­tion du métro de Paris par la crue de 1910. Il fal­lait iden­ti­fi­er les zones impactées, les sta­tions à fer­mer, etc.”, détaille-t-elle.

L’on voit bien que la thé­ma­tique des inon­da­tions entre forte­ment en réso­nance avec celle de l’amé­nage­ment urbain. “On sait qu’en urban­isant, on va impacter le cycle de l’eau, en dimin­u­ant la capac­ité d’in­fil­tra­tion des sols en “bitu­mant”. Ce qui crée des ruis­selle­ments super­fi­ciels en abon­dance et favorise les inon­da­tions. Aujour­d’hui, tant les amé­nageurs que les pou­voirs publics préfèrent inté­gr­er le risque en amont, dès la phase de con­cep­tion d’un pro­jet d’amé­nage­ment urbain de manière à pro­pos­er des amé­nage­ments qui ne mod­i­fient pas le cycle de l’eau. On par­le alors de ges­tion des pluies à la source. On voit ain­si appa­raître quelques bureaux d’é­tudes qui pro­posent non pas des solu­tions pour lut­ter con­tre les inon­da­tions mais des amé­nage­ments urbains qui intè­grent des zones d’in­fil­tra­tion. Celles-ci ont deux avan­tages : ali­menter la nappe phréa­tique tout en dimin­u­ant les ruis­selle­ments super­fi­ciels, sou­vent cause d’i­non­da­tions”, conclut-elle.

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