53 : Pour une ville durable
Professeure des universités, Manuela Sechilariu est directrice, depuis 2016, de l’unité de recherche Avenues. Elle est également directrice adjointe de SEEDS, un groupe de recherche (GDR) CNRS depuis 2018 et l’initiatrice et responsable jusqu’en 2018, dans le cadre de SEEDS, du groupe de travail (GT) Micro-réseaux au niveau national.
Créée en 2006, Avenues compte, en fonction du nombre de doctorants et chercheurs contractuels, près de 25 personnes. Une de ses particularités ? “C’est une équipe interdisciplinaire dont les compétences vont de la géographie/géomatique à l’aménagement et l’hydrologie, du génie mécanique au génie civil ou encore le génie électrique.”
“Nous nous intéressons aux systèmes urbains et, plus précisément, à la modélisation multi-échelle des systèmes urbains. À savoir, partir du bâtiment, poursuivre par le quartier puis la ville et enfin le territoire. Le tout étant en interaction avec l’humain qui occupe une place centrale”, explique Manuela Sechilariu.
Une particularité qui éclaire des travaux de recherche, conjuguant les sciences de l’ingénieur à celles des sciences humaines et sociales, menées par l’équipe d’Avenues. En somme, une intégration systémique des approches disciplinaires variées dont l’objet d’étude est le système urbain. L’objectif ? “Étudier en amont des systèmes urbains considérés comme des systèmes dynamiques complexes qui forment un système de systèmes étant donné la multitude de sous-systèmes engendrés. Ce qui nous intéresse essentiellement, ce sont les dynamiques urbaines générées par la diversité des systèmes impliqués et l’interaction entre ces systèmes et l’humain”, souligne-t-elle.
D’où l’importance accordée à la modélisation multi-échelle au sein d’Avenues autour de cinq thèmes.” Ces thèmes — micro-réseaux, transports, risque hydrologique, maquette numérique ou encore l’aménagement et les politiques urbaines, par exemple — ne sont nullement un catalogue de sujets.Nos recherches portent sur les imbrications de chaque thématique avec les autres et les liaisons bien précises existant entre elles, tant au niveau d’un bâtiment, d’un quartier, d’une ville ou encore d’un territoire donné. Elles portent également sur leur interaction avec les tensions sociétales contemporaines, telles la transition énergétique,la transition environnementale, la transition numérique et enfin la transition urbaine “, précise t‑elle.
Des compétences reconnues tant au niveau national qu’européen et international. Pour preuve ? Les projets en cours au niveau national. “Je pourrais citer par exemple Mobel_City dont nous avons été, en 2017, lauréat à la suite d’un appel à projet financé par l’ADEME et dont nous sommes les coordinateurs. Il porte sur la mise en place de micro-réseaux intelligents et l’implantation urbaine pour la mobilité électrique en ville. Un projet qui illustre autant les compétences accumulées au sein de l’unité que l’interdisciplinarité qui y règne, puisqu’il se trouve à la croisée des domaines des transports — mobilité électrique, des énergies renouvelables, de l’aménagement urbain et territoire durable. Nous sommes accompagnés par un partenaire industriel, SYSTRA, spécialisé dans les problématiques liées au transport à l’échelle nationale, mais aussi par l’Agglomération de la région de Compiègne (ARC)”, détaille Manuela Sechilariu. Mais aussi des projets à l’international tels COST,un projet européen, et, tout récemment, le projetPVPS-T17¹ initié par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) sur les contributions possibles des technologies photovoltaïques au transport.
“Le COST, dont on assure la vice-présidence à travers la chaire Mobilités intelligentes et dynamiques territoriales, est un projet européen qui vise notamment à étudier l’impact des futurs véhicules autonomes et connectés dans la mobilité urbaine et péri-urbaine. Dans le cadre du programme PVPS, nous sommes coordinateurs,au niveau national, du projet PV2E_Mobility qui représente la contribution française à la “tâche 17”, tandis qu’à l’international, nous sommes responsables de la “sous-tâche 2”. PV2E_Mobility, projet financé pendant 4 ans par l’ADEME, porte sur l’utilisation de l’énergie photovoltaïque dans les transports. Cela peut concerner tant les sources photovoltaïques embarquées dans les véhicules que les sources photovoltaïques stationnaires pour la recharge des véhicules. Là encore, nous avons des partenaires industriels tels Enedis, Tecsol, SAP Lab, Polymage, CEA. La “sous-tâche 2” dont nous assurons la coordination porte, quant à elle, sur le photovoltaïque stationnaire pour la recharge des véhicules électriques avec des partenaires tels la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie,les Pays-Bas, l’Espagne, l’Autriche, l’Allemagne,etc.”, conclut-elle.
¹ Photovoltaic Power Systems Programme
Géographe de formation, Nathalie Molines est maître de conférences à l’UTC depuis 2006. Elle travaille, au sein de l’unité de recherche Avenues, sur les problématiques liées à la ville durable et plus particulièrement sur les questions d’aide à la décision en gestion territoriale.
Son intérêt pour la problématique de ville durable ? “Cette notion est issue des théories de développement durable émises dans le rapport Brundtland¹, publié en1987. Il stipule, entre autres, que “le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs”. Un mode de développement qui se base sur trois piliers. À savoir, le pilier économique, le pilier environnemental et enfin le pilier social. Ce qui s’applique parfaitement au concept de ville durable au sens où il s’agit de trouver un juste équilibre entre les aspects économiques,environnementaux et sociaux rattachés à un territoire urbain. Mais cet équilibre est difficile à atteindre et l’aide à la décision territoriale apporte aux décideurs les éléments pour faire des choix en connaissance de cause”, explique-t-elle.
Ses axes de recherche principaux ? “Le premier concerne les questions d’urbanisme réglementaire et de ville durable. Le deuxième a trait aux impacts du changement climatique et enfin le troisième, aux problématiques liées à la transition énergétique des territoires. Trois axes imbriqués les uns aux autres”, précise-t-elle.Le premier porte sur le développement de modèles permettant d’évaluer, en amont, l’efficacité d’un plan local d’urbanisme (PLU), document stratégique définissant des orientations sur l’évolution de la ville à l’horizon de 10 à 15 ans. Un thème de recherche qui débouche, entre autres, sur des applications pratiques. “Par exemple, dans le cadre d’une thèse Cifre avec l’Agglomération de Toulouse que j’ai encadrée à l’UTC, nous sommes partis de trois grands thèmes : la densité urbaine, les aménités ou niveau de services offerts sur le territoire et l’aération des parcelles. À partir de là, nous avons passé en revue la réglementation, savoir en somme ce qui était autorisé ou pas, afin de voir si le projet répondait aux enjeux définis en amont par le politique”, assure Nathalie Molines.
Un axe de recherche qui se traduit également par des partenariats académiques. “Je travaille avec le laboratoire Eau et Environnement de l’université Gustave-Eiffel, spécialisé dans la modélisation hydrologique des eaux pluviales. Il s’agit de croiser nos deux compétences afin de vérifier dans quelle mesure les documents d’urbanisme permettent d’imaginer des villes capables de limiter les impacts du changement climatique, en particulier la gestion des eaux de pluie en facilitant l’infiltration à la parcelle et en réduisant les risques d’inondation. Une thèse, codirigée par nos deux labos et consacrée au climat urbain, notamment la limitation des îlots de chaleur et l’infiltration des eaux de pluie, sera lancée dès l’automne prochain”, souligne-t-elle.
Des projets sur les impacts du changement climatique ? “Un premier projet avec le laboratoire Eau et Environnement portait sur l’analyse prospective, à horizon de 20/30 ans, de la manière dont l’occupation des sols dans la région lyonnaise,entre autres l’étalement urbain, et le changement climatique risqueraient d’impacter les territoires. Nous avons travaillé sur différents scénarios intégrant à la fois des hypothèses d’occupation des sols et des hypothèses sur le changement climatique. Tout récemment, nous avons déposé un projet, dans le cadre des contrats de plan États-Régions, qui porte sur les impacts des changements environnementaux aussi bien sur la qualité de l’air que de l’eau ou encore sur la santé et la biodiversité à l’échelle des Hauts-de-France”, détaille-t-elle.
Dernier axe enfin, la transition énergétique des territoires. “Je travaille, avec une approche spatiale, tant sur la mobilité électrique que sur l’efficacité énergétique des bâtiments. Si l’on prend, par exemple, l’optimisation de l’installation des bornes de recharge, cela suppose d’avoir une connaissance fine des usages et des zones de polarité. Autrement dit, des zones de commerce,des zones de travail ou encore des zones de vie. Un autre aspect concerne l’énergie des bâtiments”, conclut Nathalie Molines.
¹ Rapport Brundtland
Maître de conférences en aménagement de l’espace et en urbanisme à l’UTC depuis 2019, Justin Emery est chercheur à l’unité de recherche Avenues.
Géographe — il se définit comme géographe quantitativiste urbain — Justin Emery a soutenu, en 2016, une thèse à l’université de Bourgogne. Le thème de cette dernière ? “J’ai développé un modèle de simulation du trafic routier urbain permettant de mieux mesurer la pollution atmosphérique automobile. Un modèle qui s’appuie sur des données, notamment des comptages routiers au niveau d’un espace”, explique-t-il.
Depuis, il s’est intéressé, en particulier, à la géographie urbaine et à la problématique des transports et mobilités, en y intégrant une approche quantitative. “Ce sont toutes les méthodes qui permettent de mesurer la relation de l’homme à l’espace urbain de manière normative. Ce qui exige l’utilisation de données. Celles-ci sont issues, dans le cas de ma thèse par exemple, de comptages routiers. Dans mes travaux actuels, je fais parfois appel à des enquêtes ; d’autres fois, à des données spatiales. Pour l’analyse des données, je m’appuie notamment sur la géo-computation, c’est-à-dire l’utilisation des outils numériques dans la représentation de l’espace tels que les systèmes d’information géographique (SIG) ou les systèmes multi-agents (SMA) ou encore les outils de traitements de données”, ajoute-t-il.
Des recherches qui s’articulent donc autour du couple transport/environnement. “Je pars des cadres théoriques que sont les systèmes complexes via la simulation multi-agents. Elles sont utilisées également, depuis une dizaine d’années, dans les sciences sociales, puisque les systèmes sociaux y sont analysés comme des systèmes complexes”, précise Justin Emery.
Qu’entend-on par système complexe ? “Par analogie, la ville fonctionne de fait comme une fourmilière. Si l’on prend cette dernière, on se rend compte qu’une fourmi toute seule n’est pas grand-chose mais que toutes les fourmis ensemble forment un système complexe, la fourmilière. La ville, ce sont des individus en interaction qui se déplacent, qui vont vers différentes aménités (domicile et travail) et forment ainsi un système urbain. Il s’agit donc d’inscrire la ville dans ses dynamiques spatiales ; ce qui induit de prendre en compte la problématique de transport et mobilités”, souligne-t-il.
Un des axes majeurs de ses recherches ? “J’essaie d’approfondir le cadre théorique des systèmes complexes pour l’étude et la visualisation des dynamiques spatiales, notamment en matière de transport et de trafic routier. Ce cadre est foncièrement interdisciplinaire, puisqu’il s’agit d’articuler les différentes échelles de la ville allant de l’individu aux bâtiments et infrastructures pour arriver à la ville. C’est en somme une vision multiscalaire”, affirme-t-il.
Un cadre théorique qui permet à Justin Emery de tester des applications pratiques. “Il s’agit, à partir des approches de modélisation, de tester des capacités opérationnelles et voir en quoi elles peuvent aider à la décision à l’échelle d’un espace urbain. À cela viennent s’ajouter toutes les approches d’enquêtes de territoire. Il s’agit de mieux comprendre la demande de transport, puis le fonctionnement du transport et enfin les facteurs qui influencent la demande de transport comme le besoin de se déplacer pour aller travailler, par exemple. Il s’agit également de mieux comprendre comment ces facteurs influencent la demande, comment le territoire fonctionne. D’autant que l’on sait qu’un territoire fonctionne à travers la mobilité et les transports. Or, on manque souvent de données normatives. On doit donc mettre en place des outils spécifiques et développer des enquêtes ad hoc pour mieux comprendre comment les populations se déplacent. Des enquêtes qui vont permettre la construction d’outils d’évaluation adaptés aux systèmes de transport et aux déplacements des habitants. On passe ainsi d’une logique classique“on construit d’abord une infrastructure et l’on voit ensuite si les gens l’utilisent” à une logique de “comment faire pour que la mobilité soit la plus fluide possible et adapter le transport à la mobilité” “, dit-il.
Une approche qu’il applique également à la problématique ville/climat. “Ayant travaillé avec des climatologues durant mon doctorat, j’ai eu à utiliser les systèmes d’information géographique,des outils qui m’ont permis de faire le lien entre la forme urbaine, l’urbanisme et leur impact sur l’environnement. C’est, par exemple, le cas de l’étude de l’îlot de chaleur urbain, ou comment la forme urbaine impacte la chaleur en ville par ses formes “, conclut-il.
Professeure des universités, Manuela Sechilariu est directrice, depuis 2016, de l’unité de recherche Avenues et spécialiste d’une des thématiques phares de l’unité. À savoir les micro-réseaux et la gestion de l’énergie.
Qu’entend-on par micro-réseaux ? “Un micro-réseau électrique est constitué d’un ensemble de sources d’énergie renouvelables et traditionnelles ayant pour but l’alimentation locale des charges, tels que les bâtiments ou les véhicules électriques. Ce qui,concernant les renouvelables, pose la question de l’intermittence de l’énergie et donc celle de son stockage et/ou la connexion au réseau public”, explique-t-elle.
L’idée derrière les micro-réseaux ? “Il s’agit,à travers les micro-réseaux, d’intégrer au mieux, au plus vite et massivement des énergies renouvelables à l’aide d’une régulation locale afin de soulager le réseau par rapport à sa régulation au niveau national et de maintenir l’équilibre entre la production et la consommation”, souligne-t-elle.
Comment fonctionnent les smart-grids ou réseaux intelligents ? “Prenons le réseau électrique national français, par exemple. Si l’on superpose à ce réseau des moyens de communication et de transmission de messages permettant de gérer,en temps réel, l’équilibre entre la production et la consommation, on parle alors de smart-grid. Les informations échangées, en temps réel, entre d’une part le producteur et le consommateur et d’autre part le consommateur qui peut également être “conso-acteur”, c’est-à-dire producteur d’énergie, et le producteur, apportent une aide à l’optimisation de la gestion de l’énergie aux opérateurs du réseau de transport et du réseau de distribution”, précise Manuela Sechilariu. Les objectifs visés par ces micro-réseaux ? “Il s’agit, en premier lieu, d’optimiser l’utilisation des différentes sources y compris le stockage et, en second lieu, de pouvoir alimenter, au mieux, les charges — bâtiments et véhicules, par exemple. Le tout à un coût énergétique le plus faible possible. Ce qui suppose de pouvoir augmenter la part des renouvelables consommée tout en minimisant l’impact négatif sur le réseau électrique. Des objectifs atteints grâce à des algorithmes permettant l’optimisation de la consommation en tenant compte des prévisions de production et de consommation à l’instant t. Des algorithmes capables donc d’analyser les données issues du réseau électrique intelligent, les données des différents acteurs et enfin des métadonnées telles les données météo, par exemple”, affirme-t-elle.
Reste à lever plusieurs verrous. “Le premier concerne le contrôle des incertitudes. Des incertitudes qui portent sur la maîtrise de la production, par exemple, puisque les sources renouvelables sont, par nature, dépendantes de la météo, ou encore celles entourant le niveau de consommation. Le deuxième, technologique, a trait aux interfaces communicantes à diverses échelles, puisqu’un réseau intelligent intégré à un bâtiment doit forcément communiquer avec le réseau public mais aussi, dans le cas d’une installation de recharge de véhicules électriques, avec les conducteurs afin d’optimiser le fonctionnement de la station électrique. Le dernier enfin concerne l’acceptabilité sociale. Celle-ci étant la condition primordiale pour pouvoir développer des services qui soient par la suite utilisés par les usagers”, détaille Manuela Sechilariu.
Des micro-réseaux qui, on le voit, interagissent fortement avec le thème de la mobilité mais aussi celui de la pertinence réglementaire et de la politique urbaine. “L’implantation des sources photovoltaïques comme celle des micro-réseaux ou encore du stockage doit, de ce fait,être en cohérence avec la planification d’un quartier, d’une ville ou d’un territoire. Nous nous situons dans des problématiques qui concernent les bâtiments et territoire à énergie positive”, précise-t-elle.
Des applications concrètes ? “Prenons les stations de charge et de décharge des véhicules qui offrent de nouveaux services tel le “Vehicle to Grid”. Il peut s’agir notamment d’un véhicule connecté à sa borne de recharge pour réaliser la charge de sa batterie et qui, à un moment donné décidé par les opérateurs du réseau public en accord avec le propriétaire, va décharger sa batterie vers le réseau pour pallier à un pic de consommation. L’énergie accumulée dans tous les véhicules électriques d’un territoire pourrait ainsi, lors d’un pic, éviter aux opérateurs de recourir au démarrage d’une centrale électrique thermique, par exemple “, conclut-elle.
Maître de conférences à l’UTC depuis 2005, Nassima Voyneau est spécialiste des risques hydrologiques, à l’unité de recherche Avenues.
Qu’entend-on par risques hydrologiques ? “Ce sont tous les risques naturels liés à l’eau. Ce sont, par exemple, les inondations,les pluies torrentielles, les remontées de nappes phréatiques ou encore les avalanches. Pour ma part, je m’intéresse surtout à la modélisation des inondations dues aux pluies, aux remontées de rivières ou à la montée du niveau marin. Ce qui exige des connaissances sur le fonctionnement du cycle de l’eau pour pouvoir le modéliser, mais aussi des connaissances en statistiques et probabilités. En effet, dès lors que l’on s’intéresse au risque, on doit intégrer la probabilité que ce risque se réalise ou pas”, explique-t-elle.
Son terrain de recherche ? “Je m’intéresse beaucoup au milieu urbain, puisque c’est là que se situe la vulnérabilité d’un territoire. Auparavant, l’aménagement urbain répondait essentiellement à des critères esthétiques et fonctionnels. Aujourd’hui, l’on essaie d’intégrer, en amont, le critère environnemental dans l’aménagement urbain, par exemple : la prise en compte du risque inondation et les moyens de le “minimiser” “, souligne-t-elle.
Parmi les outils utilisés ? “La modélisation permet la compréhension d’un phénomène hydrologique et sa simulation à l’aide d’équations mathématiques. Dans le cas du risque inondation par exemple, on se base sur des données historiques de pluviométrie et de débit. Cela nous permet de créer des scénarios hydrométéorologiques et de voir l’impact de chacun sur le territoire concerné. Cela nous permet également de faire des projections à long terme. La modélisation des inondations permet enfin de comprendre le fonctionnement du territoire par rapport à ce risque et de construire des solutions à même de l’en préserver. Ainsi, si l’on prend un scénario catastrophe, en termes hydrométéorologiques, l’on va pouvoir, entre autres, analyser son impact sur le réseau routier ou encore évaluer des parcours optimaux pour l’acheminement des secours… Il s’agit en somme de prévenir le risque pour mieux le gérer”, précise Nassima Voyneau.
Des travaux de recherche récents ? “Une thèse, soutenue en décembre 2019, que j’ai co-encadrée avec Philippe Sergent du Cerema. Elle porte sur la modélisation du risque inondation dans la ville du Havre. Avec une particularité : il s’agissait de modéliser des inondations générées par la conjonction de deux phénomènes. À savoir la montée du niveau de la mer conjugué à de fortes pluies. On y a intégré également les incertitudes liées au changement climatique”, explique-t-elle.
Des projets concrets ? “Dans le cadre du projet Sao Polo, réalisé en partenariat avec d’autres laboratoires (CETMEF, EDF, université du Havre…), nous avons notamment travaillé sur l’adaptation des villes côtières, dont Bordeaux,Le Havre ou encore Saint-Malo, aux inondations. Avec des questions à la clé : cette adaptation doit-elle passer par la surélévation des digues existantes ou par le retrait des habitations du rivage, par exemple ? Bien entendu, chaque ville ayant ses caractéristiques propres, les scénarios créés sont différents et les solutions proposées différenciées. Nous avons également travaillé, dans le cadre d’une thèse CIFRE avec la RATP, sur la modélisation de l’inondation du métro de Paris par la crue de 1910. Il fallait identifier les zones impactées, les stations à fermer, etc.”, détaille-t-elle.
L’on voit bien que la thématique des inondations entre fortement en résonance avec celle de l’aménagement urbain. “On sait qu’en urbanisant, on va impacter le cycle de l’eau, en diminuant la capacité d’infiltration des sols en “bitumant”. Ce qui crée des ruissellements superficiels en abondance et favorise les inondations. Aujourd’hui, tant les aménageurs que les pouvoirs publics préfèrent intégrer le risque en amont, dès la phase de conception d’un projet d’aménagement urbain de manière à proposer des aménagements qui ne modifient pas le cycle de l’eau. On parle alors de gestion des pluies à la source. On voit ainsi apparaître quelques bureaux d’études qui proposent non pas des solutions pour lutter contre les inondations mais des aménagements urbains qui intègrent des zones d’infiltration. Celles-ci ont deux avantages : alimenter la nappe phréatique tout en diminuant les ruissellements superficiels, souvent cause d’inondations”, conclut-elle.