La mécatronique, moteur des technologies modernes

La méca­tron­ique, alliance de la mécanique et de l’électronique, est aujourd’hui au cœur de l’innovation. Présente dans tous les secteurs, elle per­met à de sim­ples objets du quo­ti­di­en mais aus­si à des sys­tèmes plus com­plex­es comme les avions, satel­lites ou encore les voitures, de réalis­er des prouess­es. À l’occasion de la con­férence Mecha­tron­ics REM 2016, rassem­ble­ment des grands acteurs inter­na­tionaux de cette dis­ci­pline qui s’est tenu à l’UTC en juin dernier, nous en avons prof­ité pour nous entretenir avec les deux inter­venants prin­ci­paux, Jamie Paik et Michaël Gau­thi­er, qui nous dressent un bilan des avancées et nous livrent leur vision de la méca­tron­ique pour les années à venir.

La mécatronique, une histoire de synergie

La méca­tron­ique est une dis­ci­pline qui allie la mécanique, l’électronique, l’automatique et l’informatique. Elle impacte sur la con­cep­tion et la fab­ri­ca­tion d’un pro­duit dans le but de l’optimiser et de lui faire réalis­er de nou­velles fonc­tion­nal­ités. Elle cor­re­spond ain­si à un besoin indus­triel réel, lié à notre société de con­som­ma­tion tou­jours plus gour­mande en inno­va­tions tech­nologiques. Inter­na­tionale, elle s’insère aujourd’hui partout et est à l’origine de nom­breuses avancées qui font la une de nos jour­naux, telles que les voitures autonomes pour ne citer qu’elles.

L’UTC, un acteur clé pour la mécatronique en France

L’UTC dis­pose de forces impor­tantes pour ray­on­ner dans le domaine de la méca­tron­ique et être un inter­locu­teur priv­ilégié de nom­breux indus­triels. Dès 2008, elle s’est ain­si asso­ciée au CETIM (Cen­tre Tech­nique des Indus­tries Mécaniques) pour créer un Insti­tut de Méca­tron­ique regroupant un pôle de for­ma­tion, de R&D et de trans­fert. Dans le domaine de la for­ma­tion, plusieurs pos­si­bil­ités sont offertes aux étu­di­ants selon leur diplôme, à l’instar de la fil­ière ingénieure MARS (Méca­tron­ique, Action­neurs, Robo­t­i­sa­tion & Sys­tèmes) ou de la spé­cial­ité de Mas­ter SMA (Sys­tèmes Méca­tron­iques et Mécanique Avancée). Grâce à son Cen­tre d’innovation, l’UTC dis­pose de moyens de pro­to­ty­pages, élé­ment clé de la méca­tron­ique, idéale­ment conçus pour répon­dre à tous les besoins et tra­vailler au plus près des entreprises.

En out­re, une Chaire Hydraulique-Méca­tron­ique a été créée en 2009, s’appuyant sur les com­pé­tences de l’UTC et du CETIM, afin d’élargir le réseau de ressources tech­nologiques, en lien direct avec les indus­triels. Une plate­forme tech­nique dédiée, inau­gurée en 2014, vient ren­forcer la Chaire en regroupant les out­ils de con­cep­tion-sim­u­la­tion et des moyens d’expérimentation. Par la for­ma­tion d’ingénieurs et des actions de recherche col­lec­tive, l’UTC pos­sède donc une offre de com­pé­tences et de presta­tions à forte valeur ajoutée pour les entre­pris­es nationales et inter­na­tionales, dont les besoins ne cessent de grandir.

Une conférence, trois évènements

Cette con­férence Mecha­tron­ics REM 2016 a per­mis de faire un état des lieux du domaine et de présen­ter les travaux des dif­férents acteurs. Mais der­rière cette con­férence se déroulaient en fait trois évène­ments bien dis­tincts : le 11e Con­grès fran­co-japon­ais sur la méca­tron­ique, le 9e Con­grès Europe-Asia sur la méca­tron­ique et la 17e Con­férence Inter­na­tionale sur les REM (Research and Edu­ca­tion in Mecha­tron­ics). « La con­férence Mecha­tron­ics REM était à la base une réu­nion des deux pre­miers évène­ments », pré­cise Michaël Gau­thi­er, Directeur du Départe­ment AS2M (Automa­tique et Sys­tèmes Micro-Méca­tron­iques) à l’Institut FEMTO-ST de Besançon. « Ça a beau­coup de sens désor­mais de cou­pler la recherche et la péd­a­gogie. Les étu­di­ants vont régulière­ment dif­fuser les con­tenus péd­a­gogiques dans les indus­tries et cela représente un fort effet de levi­er, c’est la dif­fu­sion des con­nais­sances donc c’est impor­tant de main­tenir un cer­tain niveau. Avec les nou­velles appli­ca­tions indus­trielles, ce mélange recherche/enseignement per­met égale­ment un trans­fert vers le monde économique, la société civile de façon générale et c’est très effi­cace ! ». « Il y a 30 ans, peu d’importance était attribuée à ces sujets. Aujourd’hui, on cherche des solu­tions inter­dis­ci­plinaires », ajoute Jamie Paik, Direc­trice du Lab­o­ra­toire de Robo­t­ique Recon­fig­urable (RRL) à l’EPFL, en Suisse.

Quelle place pour la mécatronique aujourd’hui ?

De nos jours, la méca­tron­ique est présente qua­si­ment partout, dans l’activité spa­tiale (satel­lites…), l’aéronautique (ges­tion de la sta­bil­ité…), les véhicules (ESP, ABS…), les biens de con­som­ma­tion (machines à laver, imp­ri­mantes…), ou encore les biens d’équipement (adapt­abil­ité des moyens de pro­duc­tion, ges­tion en ligne de la qual­ité…). « L’idée dans la vie de tous les jours, c’est que les com­posants physiques intè­grent de plus en plus de par­ties élec­tron­iques, des cap­teurs, des action­neurs avec poten­tielle­ment une inter­face infor­ma­tique ou opéra­tionnelle pour l’homme. Un cas d’exemple sym­bol­ique reste la voiture : il y a 20 ans, c’était un objet essen­tielle­ment mécanique, les répara­teurs dans les garages étaient des mécani­ciens. Main­tenant, quand vous allez au garage, on la branche sur une inter­face pour con­naître la panne. Donc il y a eu une révo­lu­tion com­plète, on a inté­gré pro­gres­sive­ment de l’électronique, cer­tains diront de l’intelligence, en tout cas du cap­tage d’informations sur des élé­ments mécaniques », explique Michaël Gau­thi­er. « C’est une ten­dance glob­ale, de moins en moins d’éléments sont pure­ment mécaniques, notam­ment avec les objets con­nec­tés qui s’installent de plus en plus dans nos vies. Il faut main­tenant faire un tra­vail de con­cep­tion qui asso­cie la mécanique à l’électronique de com­mande et cela demande des com­pé­tences très par­ti­c­ulières, d’où l’importance de l’enseignement pour avoir suff­isam­ment de bases dans les deux domaines afin d’assurer cette syn­thèse », ajoute-t-il.

Des avancées déjà très concrètes

Au sein de leurs lab­o­ra­toires respec­tifs, Jamie Paik et Michaël Gau­thi­er dévelop­pent des sys­tèmes qui révo­lu­tion­nent nos vies et qui s’appliquent à de nom­breux secteurs. A l’EPFL, Jamie Paik tra­vaille ain­si notam­ment sur les soft robots. « Ce sont des « robots mous », en sil­i­cone ou en caoutchouc par exem­ple. C’est assez facile à fab­ri­quer donc il y a beau­coup de pro­jets en mécanique ou robo­t­ique, mais c’est dif­fi­cile de déter­min­er la taille, la notion d’échelles est vrai­ment prob­lé­ma­tique. » explique-t-elle. « Une de nos appli­ca­tions est une cein­ture avec des action­neurs qui per­me­t­tent aux per­son­nes atteintes de trou­bles mus­cu­laires dans la région abdom­i­nale ou aux jambes de retrou­ver une cer­taine mobil­ité, grâce à la rigid­ité ajoutée ain­si locale­ment avec la cein­ture. C’est impor­tant pour des gestes au quo­ti­di­en, comme le sim­ple fait d’utiliser des escaliers ! C’est donc une tech­nolo­gie assez sou­ple, non-inva­sive. On cherche main­tenant à réduire le poids de l’installation et à dévelop­per un sys­tème d’alimentation portable. Nous tra­vail­lons égale­ment sur les ‘robogamis’. Basé sur le con­cept de l’origami, il s’agit d’un robot plat, en 2D comme une feuille de papi­er, de petite dimen­sion qui, vir­gule par des action­neurs, va venir se dépli­er pour for­mer une struc­ture en 3D. Par la pro­gram­ma­tion, on peut ain­si con­trôler les séquences et de quelle manière le pliage peut être trans­for­mé. Nous avons notam­ment tra­vail­lé avec Chris­tine Prelle à l’UTC pour les action­neurs util­isés. Les appli­ca­tions con­cer­nent le domaine médi­cal, avec des robots chirur­gi­caux mais peut aus­si s’adapter aux satel­lites par exem­ple ou à l’électronique per­son­nelle. La source d’énergie demeure là encore l’étape à franchir afin d’obtenir des sys­tèmes porta­bles », pré­cise-t-elle.

Chez FEMTO-ST, Michaël Gau­thi­er tra­vaille quant à lui sur de la « micro-méca­tron­ique », com­pres­sion entre méca­tron­ique et microsys­tèmes, donc des sys­tèmes de petite taille. « Nous con­cevons des robots de taille moyenne, cen­timétrique, que l’on peut pos­er sur une table, qui vont agir sur de tout (ADVERBE) petits com­posants, de taille micro- voire nanométrique : c’est la micro-nano-manip­u­la­tion. Nous tra­vail­lons égale­ment sur de petits com­posants très inté­grés dont les appli­ca­tions typ­iques sont liées à la chirurgie non inva­sive. Par exem­ple, nous avons dévelop­pé un endo­scope act­if qui per­met de faire de la découpe laser de nod­ules can­céreux sur les cordes vocales. Le sys­tème embar­qué de 2 cm3 com­prend ain­si deux caméras, deux moyens d’éclairage, un sys­tème d’actionnement et un miroir pour posi­tion­ner le laser. Le chirurgien vient ensuite dessin­er sur une image le tracé de sa découpe, et le robot repro­duit son geste. Il y a donc un gros tra­vail d’optimisation pour pou­voir trou­ver la bonne con­cep­tion, car on a très peu d’espace. Nous faisons donc des robots qui assem­blent de petits com­posants, de la manip­u­la­tion de très petits objets et égale­ment des objets de très petite taille. » précise-t-il.

Il s’agit donc de ren­dre les sys­tèmes plus petits et plus intel­li­gents, mais surtout plus dex­tres, pour des opéra­tions plus com­plex­es. « Dans le cadre d’une opéra­tion chirur­gi­cale, nous souhaitons dévelop­per des robots qui ont la capac­ité de se déplac­er dans de faibles angles pour accéder à cer­taines zones pour avoir plus de lib­erté, de mobil­ité. La dex­térité est ain­si forte­ment demandée dans les appli­ca­tions, on voit cela par exem­ple sur des com­pres­sions d’ovocytes humains, des ovules sur lesquels on vient appli­quer une pres­sion sachant qu’ils changent mécanique­ment de pro­priété au cours de leur mat­u­ra­tion. On teste alors la raideur mécanique pour savoir s’ils sont plus ou moins sou­ples. Nous avons ajouté à cela de l’intelligence, car au-delà du cap­teur, il y a un traite­ment d’informations qui per­met d’établir une sorte de pronos­tic de réus­site de la fécon­da­tion, mesuré par l’effet mécanique. Nous pou­vons ain­si déter­min­er quels ovo­cytes sont prêts à être fécon­der, ou si au con­traire, il vaut mieux atten­dre. C’est donc une par­tie qui est très liée au traite­ment des don­nées, à de la clas­si­fi­ca­tion. »

Un autre cas d’application con­cerne le micro-assem­blage, sur lequel tra­vaille Michaël Gau­thi­er avec la start­up Per­si­pio Robot­ics, dont il est un des cofon­da­teurs. « Il s’agit là de faire du micro-assem­blage, de l’assemblage pure­ment indus­triel de petits com­posants pour l’horlogerie ou la micro-élec­tron­ique, dont la taille car­ac­téris­tique est en dessous du mil­limètre. Il y a égale­ment des travaux à l’échelle nanométrique, dont le marché est en pleine émer­gence. Nous opérons sous un micro­scope à bal­ayage élec­tron­ique (MEB) qui per­met de tra­vailler à ces réso­lu­tions et même bien en dessous, à l’échelle de l’atome ! » Des robots de micro­ma­nip­u­la­tion sont util­isés pour faire des opéra­tions d’assemblage et ser­vent par exem­ple à la fab­ri­ca­tion de cap­teurs chim­iques pour du con­trôle envi­ron­nemen­tal, cap­teurs qui présen­tent alors une très grande sen­si­bil­ité de mesure.

Des révolutions attendues grâce à la mécatronique

« Il y a claire­ment un pan bio­médi­cal », explique Michaël Gau­thi­er, « il y a encore beau­coup de développe­ment à faire sur les out­ils chirur­gi­caux mais dans 25 ans, nous arriverons sans doute à réalis­er des opéra­tions que l’on ne sait pas faire aujourd’hui, grâce à des robots encore plus mani­ables, plus fonc­tion­nels. Pour le moment, tout est lié à la dex­térité de la main du chirurgien, qui a ses lim­ites. » Michaël Gau­thi­er envis­age égale­ment une révo­lu­tion de la phar­ma­cie : « nous allons sub­stituer les médica­ments con­ven­tion­nels, de nature chim­ique, par des médica­ments com­plète­ment biologiques. C’est-à-dire qu’il ne s’agira plus d’utiliser de la drogue, de la chimie au sens large, mais plutôt des cel­lules comme médica­ments en tant que tel. Sachant que les cel­lules sont des objets qui font quelques dizaines de micromètres, les isol­er et les cul­tiv­er demeure dans le champ de la micro robo­t­ique. » Des avancées sont égale­ment à prévoir dans le monde indus­triel : « il y a un gros besoin de minia­tur­i­sa­tion sur plein de com­posants ! Prenez le cas du télé­phone, il a presque grossi ces dernières années. Il intè­gre de plus en plus de fonc­tions et les com­posants à l’intérieur ont ten­dance à dimin­uer en taille. Pour le moment, il y a donc des opéra­tions sur des sys­tèmes com­plex­es et l’assemblage est fait à la main parce qu’il n’y a pas d’autres solu­tions ! On a sou­vent ten­dance à penser que tout est robo­t­isé aujourd’hui, mais on touche en fait à la lim­ite de la manip­u­la­tion manuelle. D’autant plus que lorsque vous prenez un objet avec la main, il y a un trem­ble­ment naturel d’environ 50 micromètres, imper­cep­ti­ble. On ne peut donc pas manip­uler des objets en dessous de cette taille et cela implique d’utiliser un robot très pré­cis sous micro­scope qui, lui, pour­ra réalis­er la manœu­vre. Avec la révo­lu­tion de la micro-robo­t­ique, nous allons ain­si lever cette bar­rière et le marché va devenir très impor­tant. Je pense qu’il y aura un effet boule de neige : la pro­duc­tion de robots rend l’assemblage pos­si­ble. Cela étant, des sys­tèmes seront donc conçus par ce procédé et la demande en micro-robots va explos­er. Il y aura selon moi une crois­sance jumelée entre les développe­ments de pro­duits et les développe­ments de robots ! Nous avons en fait cassé une sorte de logique, il n’y avait pas de tech­nolo­gie pour ça, donc pas de marché. Nous avons créé la tech­nolo­gie et le marché est en train de suiv­re. Cela s’est déjà vu dans l’histoire avec les imp­ri­mantes par exem­ple ou les ordi­na­teurs. Il y a quelques années, on ne savait pas à quoi ils pour­raient nous servir. Aujourd’hui, nous en avons tous chez nous ou au bureau. »

Pour Michaël Gau­thi­er, il existe encore une vision plus futur­iste : la révo­lu­tion de l’impression 3D, qui existe déjà, mais qui per­me­t­tra de con­cevoir des objets con­nec­tés mod­u­la­bles, avec un sys­tème élec­tromé­canique embar­qué. « C’est sans doute le marché le plus grand pub­lic, où les gens imprimeront des pro­duits du quo­ti­di­en directe­ment. » Enfin, l’avenir sera égale­ment sans doute lié à l’industrie spa­tiale, où l’intérêt de la micro-robo­t­ique sera de dimin­uer la taille et le poids des com­posants, le poids étant directe­ment lié au coût d’envoi.

Pour Jamie Paik, « il y a 10 ou 20 ans, c’était plutôt l’électronique qui était sur le devant de la scène avec des processeurs de plus en plus rapi­des par exem­ple. Main­tenant, c’est le besoin mécanique qui prend le dessus car ils doivent sup­port­er toute cette élec­tron­ique. C’est une ques­tion de mode académique qui change tous les ans, en fonc­tion des pays et des finance­ments. Per­son­nelle­ment, je ne veux pas trop voir de dif­férence avec aujourd’hui, mais je pense que les recherch­es seront plutôt faites pour faciliter la vie des gens. Ça sera sans doute de gros change­ments mais qui se fer­ont de manière très lisse et dis­crète, comme avec l’arrivée des smart­phones par exem­ple. Le domaine médi­cal sera vraisem­blable­ment plus en avance, pour per­me­t­tre aux patients de sor­tir plus tôt de l’hôpital ou pour leur réé­d­u­ca­tion, les proces­sus de traite­ments seront améliorés. Les chais­es roulantes aus­si, par exem­ple, auront droit à leur développe­ment, pour aider tou­jours plus les per­son­nes hand­i­capées. Mais il faut avant tout que nous trou­vions de nou­veaux modes de con­cep­tion, pour ren­dre les robots sans dan­ger pour les humains » conclut-elle.

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Avril 2025 - N°65

Biomécanique pour la santé : des modèles d’intelligence artificielle spécifiques

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