Optimisation mathématique : faire voler des ballons et détecter des anomalies cardiaques
Pour Johan Mathe, jeune ingénieur diplômé de l’UTC et passionné par les méthodes d’optimisation mathématique, des problèmes complexes de natures très différentes se résolvent à l’aide d’une méthode similaire : optimiser un système pour fournir un résultat acceptable. Un modèle qu’il applique pour déplacer à l’aide du vent des ballons antennes pour Google ou pour élaborer un algorithme de reconnaissance de malformations cardiaques à partir d’ultrasons.
Google ne fait pas comme les autres ? Dans les laboratoires de recherche de Google X à San Francisco, un nouveau projet acquière ses lettres de noblesse non pas quand l’équipe de développement réussit à démontrer sa faisabilité mais quand elle échoue à démontrer son infaisabilité ! « Pour le projet Loon, visant à connecter les 4 milliards de personnes aujourd’hui non connectées par le biais de ballons stratosphériques gonflés à l’hélium, l’équipe initiale d’une dizaine d’ingénieurs s’est évertuée à démontrer l’impossibilité de positionner avec suffisamment de précision les centaines de ballons nécessaires » explique Johan Mathe, diplômé de l’UTC et ancien ingénieur pour l’équipe Loon.
Faire varier l’altitude pour utiliser les vents est le seul moyen de déplacement dont les ingénieurs disposent pour déplacer et positionner avec précision ces ballons antennes relais pour la téléphonie mobile. Pendant plusieurs années l’équipe s’est donc évertuée, en modélisant et en expérimentant, à démontrer l’extrême difficulté de positionner ainsi ces ballons d’une quinzaine de mètres de diamètres et évoluant à une vingtaine de kilomètres d’altitude. « Le projet a failli capoter car il s’avérait difficile d’obtenir une précision de plus de 200 km, alors que ces ballons antennes n’émettent que dans un rayon de 40 km » souligne Johan Mathe.
Une approche locale
Alors que l’équipe est sur la bonne voie pour démontrer l’infaisabilité du programme, deux innovations viennent changer la donne. « La première idée a consisté à profiter des couches de vents atmosphériques en changeant l’altitude du ballon afin de lui permettre de louvoyer » explique Johan Mathe à l’origine de l’algorithme permettant au ballon de remonter un vent a priori contraire. Maîtriser ainsi les différentes strates demande une connaissance précise des conditions météorologiques locale. La seconde idée consiste donc à utiliser des ballons équipés de capteurs chargés de fournir ces informations.
Résultat, une précision de 500 mètres est atteinte lors d’un vol de 15 jours entre la Nouvelle Zélande et le Chili. Le vol a été poursuivi pendant trois mois, permettant au ballon de faire plusieurs fois le tour de la terre.
Des ballons à la détection de malformations cardiaques
Un succès pour Google et aussi pour les méthodes d’optimisation mathématiques mises en œuvre par Johan Mathe pour calculer des trajectoires dans un contexte aussi complexe et incertain. « Les outils d’optimisation utilisés sont susceptibles de s’appliquer à toutes sortes de problèmes de nature très différentes » explique l’ingénieur qui choisit de quitter Google pour s’atteler à un tout autre domaine : détecter à l’aide d’outils d’échographie des anomalies cardiaques afin de prévenir de futures maladies. Sensibilisé sur le sujet par des antécédents familiaux, il rejoint alors la start-up Baylabs développant des algorithmes de reconnaissance basés sur des procédés de « deep learning », des méthodes d’apprentissage automatique innovantes. « Ces procédés s’appuient sur des outils de reconnaissance visuelle très performants, aujourd’hui utilisés dans des domaines aussi variés que le développement de véhicules autonomes ou les logiciels de gestion de photos » souligne Johan Mathe. Pour lui, reconnaître une anomalie consiste alors à optimiser un résultat parmi un ensemble de possibles.
L’échographie étant un moyen peu onéreux d’investigation, le développement d’un outil de reconnaissance capable d’aider des praticiens non spécialisés, comme les médecins généralistes, à détecter facilement des anomalies cardiaques constitue une avancée non négligeable. D’autant que les maladies du cœur constituent une importante cause de mortalité et que de nombreuses anomalies ne sont aujourd’hui détectables qu’à l’aide d’outils onéreux, maniés par des spécialistes.
De la téléphonie par ballons stratosphériques à la détection de malformations du cœur, l’optimisation mathématique montre toute sa magie en fournissant un même formalisme susceptible d’appréhender des réalités physiques très différentes.