Un dispositif stop-Covid
Martin Mogeneyer, enseignant-chercheur à l’UTC au laboratoire TIMR, spécialisé dans les systèmes de particules, et le professeur Jérôme Robert, chef du service de bactériologie et responsable de l’équipe d’hygiène à la Pitié-Salpêtrière, ont, chacun dans leur domaine, apporté leur concours au dispositif « stop-Covid » mis en place dans le restaurant Allard du chef Alain Ducasse.
C’est lors du premier confinement que ces deux chercheurs se rencontrèrent, du moins virtuellement, puisque les déplacements étaient impossibles. La raison de cette prise de contact ? « Il s’agissait de travailler, avec l’équipe de Martin Morgeneyer, sur la problématique liée aux aérosols et aux gouttelettes associées au Covid dans l’air. Un projet destiné à gérer au mieux la sécurité sanitaire des malades de l’hôpital. En effet, depuis le début de la crise Covid-19, j’aide les collègues des différents services à organiser la prévention des infections et à mieux prendre en charge les malades Covid », assure Jérôme Robert.
Martin Morgeneyer abonde dans son sens : « La collaboration se fit tout naturellement et l’on a commencé à faire de “l’expérimental” avant même d’assurer la partie paperasse du projet dans un bon esprit de “tous confinés”. On a juste retroussé nos manches et réfléchi à ce que nous pouvons, nous ingénieurs, faire avec les médecins qui sont en première ligne. »
Une collaboration qui s’accéléra avec l’aventure du restaurant Allard d’Alain Ducasse, une institution au coeur du Quartier Latin. C’est en effet l’équipe de Martin Mogeneyer qui fut sollicitée en aval afin de tester et valider la qualité du dispositif retenu. « Alain Ducasse a vite compris que les gestes barrière et la distanciation réduiraient drastiquement le nombre de tables disponibles. En tant que spécialistes des systèmes de particules, nous avons développé un système qui nous permettait de simuler toutes les permutations possibles. Simuler en somme tous les chemins de contamination potentiels par aérosols de table à table en reproduisant les divers comportements de personnes attablées. Il y a celles, par exemple, qui devisent tranquillement, d’autres qui parlent fort ou encore qui rient à gorge déployée. Les tests ont montré que la qualité de l’air était optimale concernant les particules en suspension mais aussi, effet collatéral, les allergènes », détaille Martin Morgeneyer.
Mais l’aventure commença bien en amont, puisque Alain Ducasse fit appel, dès le 24 avril, au designer Patrick Jouin qui lui a notamment dessiné la salle de restaurant du Plaza Athénée et à l’architecte Arnaud Delloye pour réfléchir à une solution qui permettrait de sauver le modèle économique du restaurant. Une solution qui ne pouvait émerger que par une collaboration intense entre son équipe, des médecins mais aussi des spécialistes des particules.
« Ce dernier a sollicité le professeur Thomas Similowski, qu’il connaissait bien, afin de réfléchir à la problématique “Covid et restaurant”. Pneumologue, spécialiste des maladies respiratoires, Thomas Similowski m’a alors demandé de l’épauler en tant que spécialiste de la prévention », explique Jérôme Robert.
La décision d’Alain Ducasse de commencer par ce restaurant symbole du Quartier Latin ? « Il aurait pu prendre un grand restaurant dans un grand hôtel, par exemple, mais il a fait ce choix, car il y a des milliers de restaurants de cette taille en France. Son seul souci étant la sécurité des clients, il voulait trouver une solution pour qu’ils se sentent vraiment rassurés et que cette solution soit reproductible. On est partis du postulat que l’hygiène des mains et les gestes barrière étaient maîtrisés, mais que la ventilation aérienne et les mouvements d’air dans un lieu clos pouvaient faciliter la circulation du virus d’une table à l’autre. Les postillons peuvent être arrêtés mécaniquement. D’où l’idée de paravents entre chaque tablée. Restait le problème des petites particules qui, elles, restent longtemps dans l’air et peuvent donc circuler par la ventilation mécanique ou les courants d’air. Nous avons alors, avec l’architecte, pensé à une sorte de hotte, dotée de filtres similaires à ceux des blocs opératoires, qui aspirerait l’air au-dessus de chaque table. Encore fallait-il démontrer que cela marche. C’est là que sont entrés en scène Martin Morgeneyer et son équipe », souligne Robert Jérôme.
Un dispositif stop-Covid qui a été valorisé, notamment par Uteam, filiale de l’université de technologie de Compiègne et l’Institut national de recherche et de sécurité. « Une innovation qu’Alain Ducasse veut ouverte afin qu’elle puisse servir au plus grand nombre et qui pourrait être dupliquée dans tous les lieux accueillant du public, par exemple », conclut Martin Morgeneyer.