Poudres, une difficile maîtrise

Très utiles pour stock­er, con­serv­er et con­di­tion­ner de nom­breuses sub­stances, les poudres présen­tent aus­si des risques en ter­mes d’hygiène et de sécu­rité et des pro­priétés physiques et mécaniques mal appréhendées. Afin d’aider les pro­fes­sion­nels qui les fab­riquent ou les utilisent, les spé­cial­istes de l’UTC organ­isent des stages de for­ma­tion afin d’apprendre à les car­ac­téris­er et mieux éval­uer leurs propriétés.

« Aujourd’hui, près de 80% des pro­duits sont à un moment ou l’autre de leur exis­tence con­di­tion­nés sous forme de poudre » affirme Khasha­yar Saleh, Directeur du départe­ment Génie des Procédés Indus­triels à l’UTC et spé­cial­iste de la physique et de la chimie des solides divisés. Indus­trie ali­men­taire, cos­mé­tique, chimie et phar­ma­cie ou com­bustible nucléaire, les poudres sont partout. Brutes ou com­pactées en tablettes, elles présen­tent de nom­breux avan­tages mais maîtris­er leurs util­i­sa­tions demande une exper­tise cer­taine. Le pre­mier béné­fice à trans­former en poudre cer­tains pro­duits est d’améliorer leurs con­di­tions de stock­age et de conservation.

Avantages : sécher, concentrer et séparer

« Le lait en poudre per­met de sup­primer 94% du vol­ume en eau du pro­duit » souligne Khasha­yar Saleh. Il con­stitue un exem­ple ordi­naire démon­trant les avan­tages de la forme « poudre » : facil­ité de stock­age et meilleure con­ser­va­tion. Les pro­duits cos­mé­tiques vont eux exploiter la finesse des poudres et la sen­sa­tion qui s’en dégage au touch­er. Elles per­me­t­tent aus­si de con­cen­tr­er les sub­stances et d’obtenir ain­si des pro­duits très con­cen­trés, par exem­ple en pig­ments. Les poudres sont aus­si util­isées par l’industrie phar­ma­ceu­tique afin de pro­duire des revête­ments de gélules intel­li­gents capa­bles de se dis­soudre et de libér­er les sub­stances actives unique­ment dans cer­taines con­di­tions. Ces dernières sont ain­si libérées plus sélec­tive­ment, aug­men­tant leur action et min­imisant les dos­es néces­saires. Autre qual­ité des poudres, elle donne la pos­si­bil­ité d’associer deux sub­stances antag­o­nistes dans un même pro­duit. « Les déter­gents mélan­gent sou­vent bases et acides ou les pro­duits de soins capil­laires des col­orants et des décol­orants » pré­cise Khasha­yar Saleh. La forme de poudre per­met de con­di­tion­ner ensem­ble ces dif­férents pro­duits dans des pro­por­tions par­faite­ment contrôlées.

Risques : un caractère explosif

Les poudres ont aus­si quelques incon­vénients ! En ter­mes d’hygiène et de sécu­rité, celles issues de pro­duits organiques deman­dent un peu d’attention. S’il est néces­saire de car­ac­téris­er la façon dont elles se dégradent afin d’éviter la con­som­ma­tion de pro­duits fre­latés, les poudres organiques ont une fâcheuse ten­dance à… explos­er ! Sucre, farine ou autres sont en effet sus­cep­ti­bles de servir d’explosifs par réac­tion chim­ique accélérée par la finesse et donc l’importance des sur­faces en con­tact avec l’oxygène de l’air. « Dans les usines de sucre ou de farine, des sys­tèmes de sécu­rité capa­bles de détecter des taux trop impor­tants de poudre dans l’air sont instal­lés » con­firme le spé­cial­iste des poudres à l’UTC, assur­ant que ces ques­tions sont pris­es très au sérieux par les industriels.

Des systèmes hétérogènes pas modélisables

Une autre dif­fi­culté con­cerne les écoule­ments et la rhéolo­gie des poudres. « La façon dont les poudres s’écoulent et com­ment elles se com­por­tent sous l’effets d’une con­trainte appliquée reste plutôt mal étudiée » souligne Khasha­yar Saleh. Par exem­ple, un défaut d’écoulement dans une ligne d’enrichissement de com­bustible nucléaire a rapi­de­ment des con­séquences extrême­ment fâcheuses. Moins dan­gereux mais néan­moins coû­teux, des com­porte­ments imprévis­i­bles dans les mécan­ismes de pro­jec­tion de pein­ture en poudre util­isés dans l’industrie auto­mo­bile peu­vent entraîn­er d’importants défauts et donc des coûts con­séquents pour l’industriel. « Les poudres con­stitues des sys­tèmes hétérogènes pour lesquels il n’existe pas d’équations capa­bles de les mod­élis­er comme il c’est le cas pour les flu­ides ou les gaz dont les com­porte­ments mécaniques sont bien mod­élisés » souligne Khasha­yar Saleh. Ce dernier pointe aus­si le fait que ces ques­tions sont sou­vent sous-estimées, les ingénieurs étant en général peu for­més sur ces sujets.

Des formations à l’UTC

L’absence de mod­èle physique général capa­ble de représen­ter ces sys­tèmes et la grande var­iété des prob­lé­ma­tiques ren­con­trées oblig­ent les ingénieurs à étudi­er les sit­u­a­tions au cas par cas. Dans cette optique, l’UTC pro­pose des stages afin de sen­si­bilis­er et for­mer des acteurs indus­triels con­fron­tés à l’utilisation de ces sub­stances. Ces for­ma­tions mod­u­laires font inter­venir dif­férents spé­cial­istes afin de don­ner des élé­ments per­me­t­tant de car­ac­téris­er les poudres et de sen­si­bilis­er les par­tic­i­pants à leurs com­porte­ments physiques et chim­iques. L’objectif con­siste au final à fournir des élé­ments sus­cep­ti­bles d’être util­isées comme moyens de con­trôle, d’analyse et d’amélioration d’un procédé.

Alors que Khasha­yar Saleh se réjouit d’accueillir pour ces stages qu’il organ­ise deux fois par an des pro­fes­sion­nels très motivés venant d’horizons extrême­ment dif­férents, il ne cache pas non plus son intérêt. Car la plu­part du temps, ces par­tic­i­pants vien­nent avec leurs ques­tions, mais aus­si avec leurs expéri­ences con­crètes qui enrichissent le savoir des chercheurs et formateurs. 

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