43 : Les docteurs, acteurs clés de l’innovation
Dans un monde où l’innovation – en particulier technologique – occupe une place croissante, les compétences des docteurs spécialistes des sciences de l’ingénieur et notamment des docteurs ingénieurs apparaissent de plus en plus stratégiques. L’UTC entend préparer ses étudiants à cette nouvelle donne.
Dans un monde où l’innovation – en particulier technologique – occupe une place croissante, les compétences des docteurs spécialistes des sciences de l’ingénieur et notamment des docteurs ingénieurs apparaissent de plus en plus stratégiques. L’UTC entend préparer ses étudiants à cette nouvelle donne.
L’UTC compte quelque 330 doctorants, dont environ 60 % d’étrangers, et délivre entre 60 et 80 doctorats par an. Son objectif : étoffer ce vivier de doctorants, mais aussi le nombre de ses étudiants ingénieurs poursuivant en doctorat à l’UTC ou dans d’autres universités. Dans une économie de la connaissance, de plus en plus globalisée et aux prises avec des défis majeurs (transition climatique, épuisement des ressources naturelles, etc.), la recherche et l’innovation deviennent en effet un moteur essentiel de création de valeur. Et doctorants et docteurs en sont des acteurs clés.
« Les doctorants sont les forces vives des laboratoires universitaires, souligne Bruno Bachimont, directeur à la recherche de l’établissement. Ce sont pratiquement les seuls à se consacrer à la recherche à plein temps et à pouvoir approfondir un sujet dans la durée. Dans toutes les grandes universités de technologie très actives en recherche, ils représentent au moins 20 % de la population étudiante. à l’UTC, ce ratio est inférieur à 10 %, d’où l’importance de l’augmenter pour renforcer nos capacités de recherche. »
Un passeport de plus en plus prisé des entreprises
Une fois le doctorat en poche, les débouchés offerts dans les universités et la recherche publique sont certes restreints, quoique non négligeables, et, en France comme dans tous les pays de l’OCDE, il faut souvent plusieurs années avant d’accéder à un poste stable. En revanche, l’importance prise par l’innovation devrait inciter les entreprises à ouvrir plus largement leurs portes aux docteurs, et particulièrement aux spécialistes des sciences de l’ingénieur. « Pour innover, il faut être capable d’apporter des réponses originales à des problèmes non encore résolus en mobilisant des connaissances et des outils qui figurent déjà sur étagère, explique Olivier Gapenne, directeur général adjoint de l’UTC. Pour schématiser, c’est ce à quoi sont formés les ingénieurs. Mais il faut aussi, et il faudra de plus en plus être en capacité de s’attaquer à des questions pour lesquelles l’existant ne suffit pas et dont les réponses exigent de construire des outils et des connaissances nouvelles. C’est justement une des compétences qu’acquièrent les doctorants en se formant à et par la recherche. »
De l’avis des spécialistes, en France, où le prestige du diplôme d’ingénieur a longtemps masqué l’intérêt du plus haut grade universitaire, la donne est d’ailleurs en train de changer. « De plus en plus de grands groupes connaissent les compétences des docteurs et y font appel, observe Vincent Mignotte, directeur de l’Association Bernard Gregory (ABG), structure qui, depuis près de quarante ans, travaille à rapprocher le monde des docteurs de celui des entreprises. La nouveauté, désormais, c’est que les PME-PMI aussi recrutent des docteurs. Elles sont très souvent confrontées à des défis d’innovation dans un contexte de concurrence mondiale et ont besoin de collaborateurs capables de penser hors du cadre. Aujourd’hui, la majorité des offres de thèses et d’emplois que nous publions sur notre site émane d’ailleurs de PME. Les grands groupes qui, il y a quinze ans, étaient nos principaux clients s’adressent souvent directement aux écoles doctorales. »
Un constat que partage Clémence Chardon, responsable du pôle recrutement d’Adoc Talent Management, cabinet de recrutement spécialiste des docteurs. « De plus en plus d’entreprises recrutent des docteurs. Celles qui nous contactent sont plutôt des PME et des start-up, et travaillent principalement dans des domaines techniques et scientifiques : aéronautique, biotechnologies, data sciences… »
Par ailleurs, à la différence des diplômes d’ingénieurs, pour certains méconnus à l’étranger, le doctorat est reconnu partout au monde. Il s’agit donc aussi d’un passeport précieux pour faire une carrière de haut niveau à l’international. « Dans certains pays, il paraît incongru de confier un poste de manager à quelqu’un qui n’a pas un PhD, même s’il est diplômé d’une école d’ingénieurs prestigieuse, note Vincent Mignotte. C’est aussi une des raisons pour lesquelles les multinationales françaises recrutent davantage de docteurs. »
Initier les futurs ingénieurs à la recherche
Ces tendances profitent tout particulièrement aux docteurs disposant aussi d’un diplôme d’ingénieur. Ce sont par exemple les principaux bénéficiaires du dispositif « jeunes docteurs » du crédit d’impôt recherche, dont la dernière réforme, en 2008, a nettement accru l’incitation fiscale accordée aux entreprises embauchant un docteur nouvellement diplômé à un poste de chercheur en CDI*.
Aujourd’hui, seuls 4 % des ingénieurs diplômés de l’UTC poursuivent en doctorat à l’UTC. Pour augmenter ce taux, l’université réfléchit à un plan d’actions destiné à sensibiliser et initier ses étudiants à la recherche dès le début du cycle d’ingénieur – par exemple, en leur confiant de petits projets de recherche ou en les incitant à faire un de leurs stages d’un semestre dans un laboratoire interne ou externe. « L’enjeu est aussi de mieux armer les étudiants qui ne continueront pas au-delà du diplôme d’ingénieur, souligne Olivier Gapenne. Face aux évolutions en cours, il est important de leur faire comprendre qu’ingénieur et chercheur sont deux métiers certes différents, mais pas exclusifs ni contradictoires. Et qu’ils ont tout intérêt, dans le cadre d’un projet en entreprise, à savoir se mettre dans la position d’un chercheur capable de dialoguer avec des collègues docteurs ou des universitaires et de s’impliquer eux-mêmes dans le processus de production de connaissances. »
Pour attirer plus de doctorants, y compris d’autres établissements, et donner davantage de visibilité aux recruteurs sur la qualité de leur formation, l’université mise également sur la politique de marque qu’elle déploie depuis plusieurs années pour faire du titre de docteur de l’UTC un label aussi reconnu que l’est son diplôme d’ingénieur. Comme toutes les écoles doctorales, celle de l’établissement a par exemple mis en place des formations destinées à renforcer l’employabilité des futurs docteurs. L’objectif est notamment de leur donner une ouverture sur le monde de l’entreprise, ce qui est classique. Mais, et c’est plus original, il s’agit aussi de leur faire prendre conscience de la nécessité, tout en étant experts de leur sujet, de se forger une culture scientifique et technologique solide dans leur discipline.
« Qu’ils se dirigent vers le monde de l’entreprise ou vers la recherche publique, la plupart ne seront sans doute pas embauchés sur leur sujet de thèse, mais sur un domaine voisin, explique Bruno Bachimont. Il faut donc qu’ils aient la capacité de rebondir sur de nouveaux sujets. En outre, ils seront de plus en plus confrontés à des problèmes complexes, irréductibles à une approche unique. Enfin, les entreprises ont besoin d’experts non seulement très pointus, pour lever des verrous technologiques précis, mais aussi visionnaires, pour anticiper les évolutions dans leur discipline et favoriser l’innovation. Autrement dit, pour les docteurs, plus de professionnalisation signifie avant tout plus de science. »
Zéro chômeur parmi les jeunes docteurs de l’UTC
La politique de marque de l’UTC passe aussi par la valorisation de ses docteurs. C’est notamment l’objet du prix de thèse Guy Deniélou, dont la dernière édition a eu lieu le 7 avril 2017. Chaque année, il donne un coup de projecteur sur l’excellence de la recherche technologique de l’université et celle de ses jeunes chercheurs, en couronnant quatre jeunes docteurs fraîchement diplômés, dont les travaux ont été particulièrement remarqués par le jury.
A lire les témoignages des docteurs de l’UTC figurant dans les pages qui suivent, la qualité de leur formation est d’ailleurs reconnue : la plupart ont été recrutés très rapidement, souvent même avant leur soutenance de thèse. Ce que confirment les enquêtes de l’école doctorale de l’UTC. Globalement, les diplômés de 2010 à 2015 ont trouvé leur premier emploi en deux à trois mois et, trois ans après leur sortie de l’université, aucun des docteurs de 2010, 2011 et 2012 n’était au chômage. 46 % travaillaient dans la fonction publique et 46% dans le secteur privé, la majorité en tant qu’enseignants-chercheurs, chercheurs ou ingénieurs, et avec un emploi stable. n
* Évaluation de l’impact du dispositif “jeunes docteurs” du crédit d’impôt recherche — Rapport au MENESR, octobre 2015.
Le devenir professionnel des docteurs en France
Une plus-value très nette du doctorat par rapport au master 2
La France délivre quelque 14 000 doctorats par an, dont 40% à des étrangers. La dernière enquête du Céreq (Centre d’études et de recherches sur les qualifications) sur le devenir à trois ans des docteurs de nationalité française et résidant en France porte sur les diplômés de 2010 (hors secteur de la santé).
En 2013, leur taux de chômage, toutes disciplines comprises, reste relativement élevé : 9%. Néanmoins, il a baissé de deux points en une décennie. Et, surtout, il est inférieur à celui des titulaires d’un master 2, qui se situe à 12% depuis 2010, alors qu’il était de 7% en 2007.
En revanche, il demeure supérieur à celui des diplômés d’écoles d’ingénieurs (4%). Toutefois, la situation est très contrastée selon les disciplines des docteurs.
Avantage à l’informatique, à l’électronique et aux sciences de l’ingénieur
Les docteurs en informatique, électronique et sciences de l’ingénieur sont ceux dont le délai d’accès au premier emploi est le plus court, et qui, trois ans après leur diplôme, affichent le taux de chômage le plus faible et sont le moins souvent en emploi à durée déterminée. La part de ceux qui sont au chômage et en emploi à durée déterminée est certes plus élevée que chez les titulaires d’un diplôme d’ingénieurs, ce qui s’explique principalement par la difficulté d’accès à un emploi stable dans la recherche publique pour ceux qui ont choisi cette voie. Mais ils sont quasiment tous cadres et font jeu égal avec les ingénieurs en termes de salaire médian.
Diplôme d’ingénieur + doctorat : le duo gagnant
Les docteurs également titulaires d’un diplôme d’ingénieur s’insèrent plus facilement dans l’emploi que les docteurs diplômés dans les mêmes spécialités qu’eux mais n’étant pas ingénieurs. En 2013, trois ans après l’obtention de leur doctorat, les premiers n’étaient que 5% à être au chômage et 17% en emploi à durée déterminée. En revanche, les seconds étaient 12% à être au chômage et 40% en emploi à durée déterminée.
Sources :
• L’insertion à trois ans des docteurs diplômés en 2010 — Résultats de l’enquête Génération 2010, interrogation 2013, Céreq, décembre 2015.
• L’état de l’emploi scientifique en France — Rapport 2016, Direction générale de l’enseignement supérieur et de la recherche, Direction générale de la recherche et de l’innovation.
Sector Group est une société d’études et de conseil intervenant en particulier dans la maîtrise des risques. Cette PME de 120 personnes emploie quatre docteurs et a recruté un doctorant dans le cadre d’une convention industrielle de formation par la recherche (Cifre*) avec le laboratoire Heudiasyc de l’UTC. Explications de son président, Jean-François Barbet.
Pourquoi les compétences des docteurs vous intéressent-elles ?
Je ne suis pas moi-même docteur, mais ingénieur et ancien chercheur : j’ai débuté ma vie professionnelle à la direction des études et recherches d’EDF, sur la mise en œuvre des études probabilistes de sûreté dans le nucléaire. Cette expérience et la suite de ma carrière m’ont convaincu que passer par la recherche est très important pour développer une activité intégrant l’innovation. Parce qu’ils ont été formés à et par la recherche, les docteurs ont d’emblée une capacité à oser les ruptures, à explorer ce qui ne figure pas encore dans les enseignements ni dans les référentiels des industriels, alors qu’en général, un jeune ingénieur n’a pas été préparé à cette posture.
En quoi est-ce important dans votre activité ?
Nous travaillons dans des secteurs très divers : énergie, ferroviaire, automobile, aéronautique… La moitié de nos projets porte sur des installations existantes (par exemple, renforcer la sûreté des centrales nucléaires en intégrant le retour d’expérience), l’autre moitié sur des sujets nouveaux, comme l’autonomie croissante des véhicules. Dans nos métiers, il est indispensable d’avoir une activité de R&D importante, tant pour répondre aux demandes de nos clients d’aujourd’hui que pour assurer notre pérennité : il faut apprendre chaque jour à faire ce qui intéressera nos marchés demain. En outre, la culture de la recherche est aussi une culture du doute, ce qui est fondamental en maîtrise des risques.
Sur quoi travaille votre doctorant en Cifre ?
Sur des modèles mathématiques de maintenance prédictive : des outils d’aide à la décision pour prévoir de façon fine quand il faut intervenir sur un système, notamment en tenant compte de ses conditions réelles d’utilisation. Pour nous, l’intérêt d’une Cifre est double. Nous avons pratiquement en permanence des projets de recherche en partenariat avec des universités : recruter un doctorant est un autre moyen d’entretenir des liens forts avec le monde académique pour nourrir notre R&D. Mais l’objectif est aussi de l’embaucher après sa thèse. C’est d’autant plus important que les PME ont encore du mal à attirer des scientifiques de haut niveau, qui préfèrent souvent intégrer un grand compte. n
* La Cifre permet à une entreprise de bénéficier d’une subvention de l’État pour recruter un doctorant, dont les travaux de recherche sont encadrés par un laboratoire public.
Après une thèse dans le domaine des aides à la conduite, Clément Zinoune a intégré une équipe dédiée au véhicule autonome à la direction de la recherche de Renault.
Un diplôme d’ingénieur en génie mécanique de l’UTC, spécialité mécatronique et robotisation des systèmes et, en parallèle, un master sur la dynamique de vol et le contrôle des drones à l’université britannique de Cranfield. Clément Zinoune aurait pu s’arrêter là… Mais, à Cranfield, il a passé un semestre sur un projet de recherche qui l’a convaincu de poursuivre en doctorat. Un choix plus que judicieux.
En 2011, il a été recruté en Cifre par Renault pour réaliser une thèse sur les aides à la conduite, sous la direction de Philippe Bonnifait, du laboratoire Heudiasyc. « A l’époque, Renault s’orientait vers des aides exploitant les informations fournies par la cartographie du système de navigation du véhicule : par exemple, avertir automatiquement le conducteur s’il aborde trop vite un virage qui, sur la carte, apparaît serré. Or les cartes des systèmes de navigation comportent des erreurs. Mes recherches ont donc porté sur l’élaboration d’une méthodologie destinée à les identifier et à les corriger : lorsque le véhicule passe plusieurs fois au même endroit, il compare la trajectoire réelle à celle indiquée par le système de navigation, ce qui permet de rectifier la cartographie et de fiabiliser les aides à la conduite. Je ne voulais pas faire de la recherche pure et dure, à 100 % dans un laboratoire, mais travailler sur des sujets innovants tout en restant en lien avec l’industrie : pour moi, ce contrat Cifre a été un compromis idéal. »
Un tremplin efficace
Clément Zinoune a soutenu sa thèse en 2014 et a immédiatement été embauché à la direction de la recherche de Renault, dans une équipe nouvellement créée et dédiée à un sujet très stratégique : le véhicule autonome. « Au début nous n’étions que deux et j’étais chargé de développer l’utilisation de la cartographie pour le véhicule, ce qui était en lien direct avec ma thèse, mais aussi d’étudier quelle intelligence mettre dans la voiture pour sa navigation, ce qui était plus nouveau pour moi. Maintenant, nous sommes quinze et je coordonne le développement des différentes briques constituant l’intelligence du véhicule, chacune ayant un pilote. »
Pour certaines briques, en particulier la localisation de la voiture et la perception de son environnement, Renault travaille avec Heudiasyc, qui a fait du véhicule autonome un thème phare de ses recherches. Une coopération qui, en mars 2017, a donné lieu à la création d’un laboratoire commun aux deux partenaires, SivaLab (voir page 2) et dont le jeune chercheur est partie prenante.
Sa thèse en mathématiques appliquées concernait l’aéronautique. Depuis dix ans, Michel Boussemart travaille à DCNS, groupe spécialiste des systèmes navals de défense.
Après un diplôme d’ingénieur en génie informatique et un DEA (équivalent d’un master 2 actuel) en contrôle des systèmes à l’UTC, Michel Boussemart a effectué son doctorat en Cifre à la Snecma (aujourd’hui une des sociétés du groupe Safran), sous la direction de Nikolaos Limnios, du laboratoire de mathématiques appliquées de Compiègne (LMAC). Sa thèse, soutenue en 2001, portait sur le développement d’une théorie et de méthodes de calcul stochastique et d’aide à la décision destinées à optimiser les architectures et la maintenance des calculateurs de régulation des turboréacteurs d’avion.
« En général, quand on prépare un diplôme d’ingénieur, c’est pour intégrer rapidement le monde de l’entreprise. On ne sait pas forcément en quoi consiste le travail des chercheurs et on a tendance à les imaginer coupés du monde dans leur laboratoire. Personnellement, j’ai eu la chance que Nikolaos Limnios traite dans ses cours de cas concrets de recherche en mathématiques pour l’industrie. Cette dimension appliquée de la recherche m’intéressait. C’est ce qui m’a poussé à faire une thèse en Cifre, grâce à laquelle j’ai appris à m’appuyer sur des méthodes scientifiques rigoureuses pour développer des réponses nouvelles à des problématiques industrielles. »
Un profil qui fait la différence
Une compétence qu’il n’a pourtant pas exploitée immédiatement. A l’issue de sa thèse, la crise provoquée dans l’aéronautique par les attentats du 11 septembre 2001, mais aussi la volonté d’élargir son spectre d’activités l’ont conduit à reconfigurer sa carrière. Et, durant quelques années, Michel Boussemart a suivi un parcours classique d’ingénieur dans différentes entreprises.
Puis, en 2007, il a intégré le groupe DCNS. « J’étais architecte SLI (soutien logistique intégré), chargé de concevoir l’ensemble du système de maintenance d’un sous-marin, et j’avais plutôt été recruté comme ingénieur. Mais, peu à peu, j’ai apporté à mon poste cette dimension supplémentaire de recherche appliquée avec laquelle je souhaitais renouer. Depuis 2013, je pilote un projet confidentiel, comportant une forte composante logicielle, pour lequel mon profil de docteur a clairement été un plus par rapport aux autres candidats. Aux yeux de mes recruteurs, il s’agissait par exemple d’un atout pour optimiser des architectures ou bien la maintenance du système. Mais je mets aussi à profit ma formation de chercheur en intervenant dans des congrès scientifiques sur des questions industrielles comme la sûreté de fonctionnement. C’est un moyen de contribuer au rayonnement de DCNS, tout en menant une veille sur les connaissances nouvelles susceptibles d’alimenter ses innovations. »
Lénaïk Leyoudec a réalisé son doctorat en sciences de l’information et de la communication sous la direction de Bruno Bachimont, du laboratoire Heudiasyc, dans le cadre d’une thèse Cifre associant le laboratoire Costech et une start-up. Aujourd’hui, il est consultant dans cette entreprise.
Perfect Memory est une start-up fondée en 2008 par un ingénieur diplômé de l’UTC, Steny Solitude. Son territoire : le marché en plein essor de la gestion de contenus. Elle a développé une plateforme technologique pour collecter des données brutes et les transformer en actifs numériques, autrement dit en connaissances exploitables dans de multiples domaines (marketing, commerce, gestion de documentation…), et compte des clients dans des secteurs aussi divers que les médias, la distribution, la banque-assurance ou la défense.
Lénaïk Leyoudec l’a découverte en 2012, alors qu’il achevait un master en histoire et histoire de l’art, spécialité valorisation du patrimoine culturel. « J’avais choisi de consacrer mon mémoire de recherche à la valorisation du patrimoine audiovisuel privé, c’est-à-dire les films de famille. A l’époque, Perfect Memory, travaillait dans ce domaine et avait conçu un outil de gestion de la mémoire familiale : Famille™. J’y ai effectué mon stage de fin d’études. »
Quand la sémiotique nourrit la recherche technologique
C’est à cette occasion qu’a germé l’idée de réaliser une thèse en Cifre sur l’éditorialisation du film de famille, avec une approche originale, dans la droite ligne des travaux de Costech : mobiliser les sciences humaines et sociales, et en particulier la sémiotique, pour produire des recommandations éditoriales et ergonomiques destinées à améliorer le service Web Famille™.
« L’objectif était de fournir aux utilisateurs une interface les aidant à annoter leurs archives audiovisuelles pour favoriser la circulation du souvenir dans l’espace familial, explique Lénaïk Leyoudec. Pour cela, j’ai étudié un corpus d’une vingtaine de films, plan par plan, et identifié des marqueurs récurrents, que j’ai décomposés en signes et analysés pour proposer de nouvelles fonctionnalités sur l’application Web Famille™. Par exemple, le regard caméra (le fait que la personne filmée regarde la caméra) est un élément récurrent. J’ai conçu une fonction détectant automatiquement ce marqueur, pour que l’utilisateur puisse annoter le film en expliquant pourquoi, à ce moment-là, le personnage regarde la caméra. »
« Ces recherches ont donné des fondements scientifiques aux travaux de Perfect Memory, ce qui, par la suite, pourra déboucher sur des brevets, souligne Steny Solitude. La problématique d’annotation qu’a étudiée le doctorant vaut également pour le marché du Business to Business. Quand on se pose cette question sur des documents aussi muets que des films de famille et qu’il s’agit ensuite d’imaginer une solution pour un grand groupe qui a des millions de documents à annoter, une grande partie des difficultés est déjà résolue. »
Construire son employabilité
Lénaïk Leyoudec, qui a soutenu sa thèse en janvier 2017, a été recruté en CDI comme consultant en sémiotique et expérience utilisateur pour le design des solutions développées par la start-up. « Pour une large part, j’ai construit mon employabilité durant ma Cifre, car j’avais déjà des missions opérationnelles à Perfect Memory. Cela n’a pas été simple : le monde de l’entreprise n’a rien à voir avec le milieu universitaire, et, dans une start-up, personne n’a vraiment le temps de vous aider à vous adapter au contexte professionnel. Mais cette expérience m’a permis de garder mon cap : je continue à travailler dans mon domaine, alors que, souvent, après cinq ans d’études ou plus, les diplômés en sciences humaines et sociales s’orientent vers un tout autre secteur que leur discipline d’origine. »
Mohamed Sabt est un des quatre lauréats du prix de thèse Guy Deniélou 2017 de l’UTC. Ses travaux ont déjà eu de premières retombées pratiques, en mettant en évidence des failles dans la sécurité de deux systèmes dont Android, et lui ont ouvert les portes d’une start-up.
Originaire de Bahrein, Mohamed Sabt est arrivé à Compiègne en 2007. Six mois de français intensif, un diplôme d’ingénieur en génie informatique, et un master sur les systèmes de transport intelligents… Puis, en 2013, il a intégré Orange Labs, le centre de R&D d’Orange, pour un doctorat en Cifre sous la direction d’Abdelmadjid Bouabdallah, du laboratoire Heudiasyc.
Sa thèse, soutenue en décembre 2016, a porté sur la sécurité des smartphones pour les applications sensibles telles que le paiement. « Dans un premier temps, j’ai étudié les limites des technologies actuelles en utilisant l’approche de la sécurité prouvée : une sous-branche des mathématiques appliquées, qui permet de démontrer qu’un système est sécurisé ou, au contraire, de mettre à jour ses failles. Avec cette méthode, j’ai identifié des vulnérabilités dans deux systèmes largement déployés : l’entrepôt de clés d’Android (qui protège les clés cryptographiques du système d’exploitation) et les protocoles sécurisés SCP de GlobalPlateform, un consortium de leaders de la carte à puce. Six mois avant la publication de ces résultats, j’ai informé l’équipe de sécurité d’Android pour qu’elle puisse corriger la faille et contacté GlobalPlateform, qui a mis en place une task force pour prendre en compte mes analyses. »
Un profil qui fait la différence
Reste que prouver la sécurité d’un système complexe en faisant uniquement appel aux mathématiques prend beaucoup de temps. Or les technologies mobiles évoluent très vite. Mohamed Sabt a donc exploré une voie complémentaire. « Pour mieux protéger les applications sensibles d’un smartphone, il est possible de les faire tourner sur un environnement d’exécution de confiance (TEE en anglais), qui est implanté sur un composant matériel spécifique et s’exécute en parallèle du système d’exploitation principal (par exemple, Android). De cette manière, en cas d’attaque du système principal, elles sont préservées. Pour optimiser cette solution, j’ai proposé une méthodologie fondée sur un système de cryptographie très avancé qui permet de sécuriser encore davantage les applications fonctionnant sur un TEE. »
Ce que lui a apporté ce travail ? « Des connaissances techniques approfondies, bien sûr, mais pas seulement. Faire une thèse, c’est s’attaquer à un problème que personne n’a encore résolu ; se confronter à la gestion d’un premier gros projet de recherche de trois ans ; acquérir une culture de l’analyse critique en dépouillant des publications scientifiques souvent contradictoires ; apprendre à rédiger soi-même des publications scientifiques très pointues… » Autant de compétences que Mohamed Sabt a choisi de mettre au service d’une start-up fondée par des anciens d’Orange Labs : Dejamobile, qui développe en particulier des solutions de paiement mobile. « Ma mission est à la fois d’apporter un œil expert sur les applications à court terme de Dejamobile et d’anticiper les avancées technologiques à moyen terme pour conserver une longueur d’avance en sécurité. Dans une entreprise, on ne fait pas de recherche pure et dure. Et, au moins dans un premier temps de ma carrière, c’est ce que je souhaitais : m’orienter vers la recherche appliquée. Avec cet avantage que le propre d’une start-up est de prendre des risques pour déployer rapidement des solutions innovantes. »
Questions à Abdelmadjid Bouabdallah
Professeur à l’UTC, directeur du département Génie informatique et chercheur à Heudiasyc
Quel était l’enjeu de la thèse de Mohamed Sabt pour Heudiasyc ?
La cybersécurité est une thématique stratégique sur laquelle Heudiasyc détient des compétences reconnues depuis une quinzaine d’années. L’équipe a conçu plusieurs solutions innovantes dans ce domaine, dont une en cours de développement dans le cadre d’un projet de start-up. La thèse de Mohamed Sabt, qui présentait plusieurs challenges dans un domaine nouveau, a conforté cette expertise et l’importance de notre collaboration avec Orange Labs. C’est un partenaire avec lequel nous travaillons sur les réseaux et la sécurité des communications depuis 1998 et qui recrute des doctorants, notamment de l’UTC.
Comment sensibiliser les étudiants ingénieurs à l’intérêt d’un doctorat ?
Je crois qu’il faut les mettre sur les rails de la recherche très en amont du doctorat. Mohamed Sabt en est un bon exemple. Lorsqu’il était étudiant ingénieur, nous lui avons d’abord proposé un petit projet de recherche sur la sécurité des transactions avec un mobile, dans le cadre d’un travail mené avec Orange, puis, par la suite, un stage de recherche chez Orange. Comme il a manifesté un grand intérêt pour la recherche, nous avons réfléchi avec Orange Labs à un sujet de thèse intéressant pour lui. Il s’agit d’une approche que nous développons pour quelques-uns de nos étudiants au potentiel évident.
Toute personne exerçant une activité professionnelle depuis au moins trois ans peut solliciter l’obtention d’un diplôme d’Etat par la validation des acquis de l’expérience (VAE). Ingénieur chez Safran, Florent Bouillon, 45 ans, a choisi cette voie pour préparer un doctorat sous la direction de Zoheir Aboura, du laboratoire Roberval.
Pourquoi vous être engagé dans un doctorat ?
Après mon diplôme d’ingénieur, j’avais choisi d’entrer à l’Aérospatiale, attiré par des programmes comme Ariane 5, et, depuis, j’ai fait toute ma carrière dans la R&D. Aujourd’hui, je suis ingénieur en développement et calcul de structure chez Safran Ceramics, le centre d’excellence de Safran sur les matériaux composites résistant à de très hautes températures. Mon projet de doctorat a germé en discutant avec des collègues : les étrangers, qui ne connaissent pas vraiment le diplôme d’ingénieur à la française, s’étonnaient que je ne sois pas docteur, et, en France, beaucoup trouvaient que mon approche était davantage celle d’un docteur que d’un ingénieur classique partant de l’existant. Peu à peu, l’idée a fait son chemin. En voyant la VAE se développer, j’ai décidé de sauter le pas.
Comment obtient-on ce diplôme par la VAE ?
J’ai rédigé un mémoire de 170 pages intitulé “Contribution au développement de méthodologies pour la justification et la certification de matériaux composites pour structures aéronautiques”, que je soutiendrais en juin. Il s’agit d’une synthèse classique des recherches et travaux réalisés au cours de ma carrière. Elle présente les méthodes et démarches développées pour valider que le comportement d’une structure réalisée dans un nouveau matériau composite respecte bien les contraintes en service et les normes de sécurité spécifiques de l’aéronautique. L’objectif étant de démontrer que ce travail mené dans un cadre professionnel est de même niveau que celui d’un doctorant classique. Mais un mémoire de VAE compte un aspect supplémentaire par rapport à une thèse conventionnelle. Il est demandé au candidat une analyse de son expérience au-delà des résultats scientifiques. Prendre le temps de réfléchir à son parcours n’est pas une chose aisée, mais c’est extrêmement enrichissant.
Au final, l’ensemble est un exercice exigeant. Je pensais y parvenir en un an et demi maximum ; en fait, j’y ai passé trois ans, d’autant qu’en même temps, j’ai pris en charge un projet de Safran Ceramics en lien avec mon doctorat, mais très prenant : piloter la certification de la première pièce au monde en matériau composite à matrice céramique mise en service sur le moteur d’un avion civil.
Pourquoi avez-vous sollicité Roberval pour diriger votre mémoire ?
Je travaillais déjà sur des projets de recherche associant Safran et ce laboratoire, et je pilotais des doctorants « Cifre » dirigés par Roberval. C’est un laboratoire dont je partage la vision, parce qu’il n’érige pas de mur entre recherche académique et innovation. Chez Safran, la R&D fait partie de notre ADN. Notre position sur le podium français des déposants de brevets en est un marqueur fort. Pour nous différencier de la concurrence, nous avons l’obligation d’innover et, pour cela, de mener des recherches dont la finalité est nécessairement appliquée, mais qui soulèvent aussi des questions fondamentales. Notre démarche est donc faite d’allers et retours entre recherche et innovation. L’UTC s’inscrit bien dans cet esprit. Mon choix est aussi lié aux relations tissées avec l’équipe de Roberval et en particulier avec le professeur Aboura. Avec eux, je me sentais en confiance pour réaliser ce travail.
Quels bénéfices pensez-vous retirer de ce doctorat ?
Avant tout, un plaisir et une fierté personnels, ce qui était ma motivation première. Ensuite, le titre de docteur est reconnu à l’international. D’autre part, pour favoriser l’innovation, Safran a mis en place une filière d’experts, qui comporte trois niveaux : expert à l’échelle d’une des sociétés du Groupe, expert Groupe et expert émérite. Je suis expert société et, même si ce n’est pas un sésame indispensable, le doctorat est un élément de preuve qui peut m’aider à devenir expert Groupe. Mais, surtout, mon objectif – et celui de Safran – est de travailler en interaction avec les milieux académiques et non de leur sous-traiter des projets de recherche sur le mode client/fournisseur. En faisant l’effort de devenir docteur, je me suis donné les moyens d’aller plus loin dans cette démarche, plus enrichissante pour moi comme pour l’entreprise et les laboratoires dont elle est partenaire.
Vous recrutez vous-même des doctorants : quels profils recherchez-vous ?
Safran apprécie les docteurs et recrute beaucoup de doctorants en Cifre. Souvent, dans les pôles de recherche, il s’agit essentiellement de jeunes déjà titulaires d’un diplôme d’ingénieur, car cette double compétence est un atout, et, à l’issue de leur thèse, plusieurs d’entre eux sont embauchés par le Groupe. Mais il n’est pas toujours évident de trouver des candidats.
Benoît Dylewski fait partie des lauréats du prix de thèse Guy Deniélou 2017. Il a effectué son doctorat au laboratoire Roberval, dans le cadre d’un projet impliquant la RATP, qui, depuis, l’a recruté.
Avec l’augmentation de la capacité des trains et donc de leur chargement, les problèmes de fissuration des rails par fatigue de contact de roulement se sont amplifiés. Comment prévenir ce risque susceptible d’entraîner la rupture d’un rail ? C’est la question à laquelle Benoît Dylewski a consacré sa thèse. Un sujet majeur pour les réseaux ferroviaires, comme pour l’UTC, qui mène de nombreux de projets en lien avec ce secteur et fait partie des membres fondateurs de l’Institut de recherche technologique Railenium, un des Investissements d’avenir.
Cette thèse s’inscrivait ainsi dans le cadre d’un projet de Railenium initié par Roberval, Cervifer, et a été dirigée par deux chercheuses de ce laboratoire, Salima Bouvier et Marion Risbet. « Mon travail concernait un lot de Cervifer piloté, côté industriel, par la RATP, explique Benoît Dylewski. J’ai réalisé des analyses expérimentales sur des échantillons de rails prélevés sur le RER pour caractériser leurs évolutions microstructurales, physicochimiques et mécaniques à mesure de l’accumulation des chargements supportés. Ensuite, j’ai croisé ces résultats avec des simulations numériques. Ces études ont permis d’améliorer notre compréhension des phénomènes de déformation progressive et de fissuration des rails, ce qui était le principal objectif, mais aussi de préconiser des solutions pour améliorer la maintenance prédictive et éviter une fissuration en profondeur. »
Une vraie plus-value
Pour Benoît Dylewski, ces trois années de doctorat ont été particulièrement riches : « Outre une spécialisation dans un domaine d’expertise, j’ai acquis la maîtrise de techniques d’analyse expérimentale que je n’avais fait que découvrir durant ma formation d’ingénieur. J’ai aussi eu une expérience approfondie de la recherche partenariale entre un laboratoire universitaire et un industriel. Je suis intervenu dans des congrès scientifiques internationaux et j’ai enseigné à l’UTC, ce qui m’a appris à vulgariser mon travail de recherche. C’est une vraie plus-value par rapport à mon diplôme d’ingénieur. »
Avant même sa soutenance, en décembre 2016, le jeune docteur a d’ailleurs été recruté par le Laboratoire essais et mesures (LEM) de la RATP. Cette structure, qui compte trois pôles – mécanique, électricité et physicochimie –, réalise une palette très variée d’essais et mesures sur toutes les composantes du transport urbain (matériels roulants, infrastructures, équipements, stations…) : essais en laboratoire, par exemple pour vérifier que les pièces proposées par les fournisseurs respectent les spécifications ou encore pour analyser les causes de défaillance d’une pièce… Mais aussi essais sur site, par exemple pour homologuer de nouveaux matériels roulants ou pour mesurer la qualité de l’air dans le métro. Benoît Dylewski est ingénieur d’essais et analyses de défaillances en métallurgie au pôle mécanique du LEM. « En commençant mon doctorat, je ne savais pas si je me dirigerai vers l’industrie ou vers un poste d’enseignant-chercheur. Finalement, après trois ans en laboratoire, le monde industriel m’attirait davantage. Mais je n’exclus pas, plus tard dans ma carrière, de revenir à la recherche académique. » n
Questions à Rémy Foret, Directeur du Laboratoire essais et mesures de la RATP
Fin 2016, outre Benoît Dylewski, le LEM, qui emploie 70 personnes, a recruté trois docteurs. Est-ce une politique délibérée ?
Nous n’avons pas une volonté affichée de recruter des docteurs plutôt que des ingénieurs, mais ce n’est pas un hasard si nous en embauchons. Leur technicité, leurs compétences en termes d’analyse, d’abstraction, leur capacité à se poser des questions nous intéressent. Nous avons en particulier besoin de personnes capables d’analyser les données complexes issues de nos essais. En outre, pour conserver notre légitimité dans l’entreprise, nous devons innover, concevoir de nouvelles méthodologies, de nouveaux moyens d’essais, ce qui suppose de réaliser un état de l’art des technologies, des études de faisabilité, des développements… Ce sont des tâches qui peuvent s’apparenter à de la recherche, pour lesquelles les compétences d’un docteur sont importantes.
Quels profils privilégiez-vous ?
Lorsque nous recrutons, nous soumettons aux candidats un questionnaire permettant d’évaluer leurs compétences techniques, leur expertise scientifique et leur potentiel en management. Nos critères techniques et scientifiques sont très exigeants et un ingénieur n’ayant qu’une expérience en gestion de projet risque de ne pas y répondre. Mais un docteur qui a un profil de chercheur pur et dur, peu de dispositions pour le management et surtout aucune expérience du monde industriel, ne passerait a priori pas non plus. Ce qui nous intéresse ce sont plutôt des docteurs qui ont aussi un diplôme d’ingénieur et qui ont fait leur thèse dans le cadre d’un partenariat avec un industriel ou en Cifre, ou qui travaillaient déjà dans l’industrie.
Une large part des docteurs de l’UTC s’oriente vers le monde académique. Exemple avec Baochao Wang, qui a réalisé une thèse sur les énergies renouvelables, sous la direction de Manuela Sechilariu et Fabrice Locment, du laboratoire Avenues.
En Chine, comme en France, le nombre de docteurs arrivant chaque année sur le marché du travail excède désormais largement celui des postes offerts dans l’enseignement supérieur et la recherche, et de plus en plus de jeunes chercheurs s’orientent vers les entreprises. Sitôt sa thèse soutenue, en 2014, Baochao Wang, lui, a été recruté comme enseignant-chercheur au département de génie électrique d’une des meilleures universités chinoises, le Harbin Institute of Technology (HIT). Son passeport : un doctorat réalisé dans le cadre d’un programme associant l’organisme chinois de soutien de la mobilité universitaire, le China Scholarship Council (CSC), et le réseau français des universités de technologie et des Insa.
« Initialement, je préparais un master en génie électrique au HIT et je n’envisageais pas de faire une thèse, raconte le jeune docteur. Mais mon père m’a conseillé d’aller jusqu’au doctorat pour élargir mes perspectives de carrière. Pour cela, j’ai passé un entretien au HIT et, à cette occasion, j’ai découvert que le CSC pouvait accorder une bourse doctorale à des étudiants chinois réalisant leur thèse dans une UT ou un Insa. »
Un sujet stratégique : les microréseaux électriques intelligents
Dans le cadre de ce programme de mobilité internationale, le laboratoire Avenues de l’UTC avait proposé un sujet de thèse sur un de ses grands thèmes de recherche : les microréseaux électriques intelligents intégrant, à l’échelle d’un bâtiment, une production d’énergie renouvelable, notamment via des panneaux photovoltaïques, ainsi qu’un système de stockage et un générateur d’électricité classique en secours. L’enjeu étant de gérer la production et la consommation d’énergie de manière à alimenter le bâtiment au meilleur coût et en privilégiant au maximum l’électricité renouvelable.
« Les énergies renouvelables étaient un sujet stratégique, qui m’intéressait beaucoup, poursuit Baochao Wang. Et la perspective de faire une thèse en France en trois ans et demi, alors qu’il en faut quatre ou cinq en Chine, me séduisait. J’ai postulé auprès d’Avenues et j’ai été retenu. Mais, avant de partir en France, j’ai signé un contrat avec le HIT, qui s’engageait à me recruter à mon retour, car les universités chinoises font une grande confiance à la qualité des établissements étrangers sélectionnés par le CSC pour y envoyer des étudiants. »
Niveau d’exigence élevé, découverte d’une nouvelle langue, d’un pays étranger… Cette expérience française a parfois été ardue, mais très formatrice. « J’ai bien sûr acquis des connaissances approfondies en génie électrique. Mais j’ai aussi appris comment organiser un travail de recherche et comment rédiger une publication scientifique. En France, il y a une culture de l’organisation jusque dans l’écriture : on structure un document, on écrit correctement, ce qui n’est pas du tout le cas en Chine. »