
L’UTC et l’École Supérieure d’Art et de Design d’Amiens (ESAD) vienne de délivrer la première promotion d’un nouveau cursus de master doublement diplômant. Les designers sont en effet titulaires de la mention design numérique du Master de l’ésad ainsi que de la mention User eXperience Design du Master de l’UTC. Une approche qui place le designer au centre du processus d’innovation.
Pour Barbara Dennys, « Un bon designer n’est pas un habilleur mais un collaborateur impliqué très en amont dans le processus de conception et le développement d’un nouveau produit ». Avec ce genre d’idée, rien d’étonnant à ce que la directrice de l’École Supérieure d’Art et de Design d’Amiens (ESAD) vienne fonder, à l’invitation de l’UTC, un double cursus de Master en design. Pour la première année, une double formation est en effet proposée en associant le Master mention design numérique de l’ESAD avec la spécialité User eXperience Design (UxD) du Master Innovation et Complexité de l’UTC. Administrativement, cette proposition se montre déjà originale, voire unique dans l’enseignement en design, car elle permet aux étudiants de suivre simultanément deux cursus et d’obtenir deux diplômes de Master à leur issue.
Le choix de l’ouverture
L’innovation ne s’arrête pas là, car les étudiants choisis pour suivre ce double Master et les idées sur lesquelles il s’appuie sont tout aussi surprenants. A l’heure où les chasseurs de têtes découpent les profils selon des cursus et des compétences chirurgicalement ciselés, la collaboration ESAD-UTC s’adresse « aux étudiants en design, en design graphique, en informatique et en sciences humaines désireux de mener des projets anticipatoires centrés sur l’interaction humain/monde à travers la mobilisation de la technologie ». Et cette population à l’apparente hétérogénéité est conviée à mener ce vaste programme en s’appuyant sur un concept essentiel, le design centré sur l’expérience de l’utilisateur. Pour Anne Guénand, responsable à l’UTC de cette spécialité, le design est une façon de « donner forme à l’expérience ».
L’expérience source d’innovation
Une vision que partage Barbara Dennys pour qui l’artiste et le designer ont en commun de « produire une forme qui est aussi une pensée ». Pour le design centré sur l’expérience, la forme se conçoit à partir d’une exploration approfondie du monde et de l’ensemble des expériences sensorielles qui en découlent. Dans cette approche, l’utilisateur a un rôle central et le designer cherche à « comprendre son expérience et à traduire par le design les qualités formelles attendues par l’utilisateur ». Une philosophie où perception et action découlent l’une de l’autre, ainsi que le défendent les enseignants de l’UTC qui enseignent au Master, tel Charles Lenay.
Des designers moins centrés sur leur propre vécu
Un des cinq étudiants qui ont découvert cette année cette formation doublement diplômante souligne que la vision UxD « permet au designer de mieux se positionner pour défendre l’utilisateur ». Barbara Dennys y voit elle une façon « de délocaliser la pensée des designers au profit des usagers et de limiter ainsi l’approche égocentrée du designer en formation». Cette vision centrée sur l’expérience et sur l’autre justifie la présence d’étudiants issus des sciences humaines. Quant aux ingénieurs informaticiens, ils ont toute leur place. « Aujourd’hui, les objets numériques sont de plus en plus présents et de plus en plus de projets visent à concevoir de tels objets », explique Amandine Masset, lauréate de la première promotion du double diplôme.
Un triptyque gagnant
Dans un contexte où les objets connectés et communiquant se répandent dans toutes les dimensions de la vie ordinaire, l’ingénierie informatique reste incontournable pour la conception des applications. Le designer, de son côté, utilisera des logiciels dédiés au maquettage des interactions et des systèmes de visualisation, et non à leur développement. Des compétences complémentaires telles l’ergonomie, la sociologie ou le marketing, concourront au succès des projets. Et la rencontre de ces trois mondes, sciences humaines, design et ingénierie ressemble de près aux contextes futurs d’exercice de ces professionnels en devenir. Concevoir un nouvel objet technique aujourd’hui ne consiste-t-il pas à rencontrer et comprendre ses futurs utilisateurs, concevoir une forme capable de leur répondre, tout en gardant en tête les contraintes techniques, la faisabilité finale du produit et sa place sur le marché ?
Le « lien social », un objet à designer
Dans cette perspective, le designer fait converger les différentes dimensions du processus de création. De plus, « cette formation en partenariat avec l’UTC accroit les champs d’actions des futurs designers en leur offrant plus de potentialités d’orientation » souligne Barbara Dennys qui apprécie particulièrement l’ouverture de l’UTC grâce à l’approche pluridisciplinaire de son master. Quant à la notion même de « design », il semble que les nouveaux arrivés souhaitent aussi l’élargir, comme le montre ces étudiants qui s’orientent résolument vers le « design de lien social ». Alors que les réseaux sociaux numériques deviennent l’ordinaire que le numérique cherche à reconstruire du communautaire, le commerce et les services visent cet espace communautaire. Le « lien social » devient un objet a designer au même titre qu’un espace client !
La première promotion sortante a déjà témoigné du succès de la formation, de l’avis des étudiants comme des enseignants. Onze autres étudiants sont déjà inscrits dans ce cursus innovant.
Amandine, le choix du numérique
Formée à l’ESAD au design graphique, Amandine Masset vient de terminer son stage pour valider ce premier cru du double Master… dans une start-up d’innovation par le design. Sous cette appellation un peu hype se retrouve finalement la philosophie du Master UxD : innover par le prototypage, en procédant par itération, en lien avec l’ensemble des acteurs. « La façon de fonctionner de la start-up User Studio est exactement à l’image de l’enseignement qui nous a été donné : l’innovation passe par l’expérience et la compréhension de l’utilisateur » souligne Amandine Masset.
Pour elle cette philosophie se résume en trois mots : curiosité, empathie et détermination… auxquels elle rajoutera aussi créativité, ingéniosité et… capacité à se remettre en question. Toutes ces qualités qu’elle a utilisées durant cinq mois afin de faire le design des applications ou des sites internet pour les clients de l’entreprise. Aujourd’hui, elle ne souhaite pas s’axer uniquement sur graphisme, ni s’aventurer dans la conception d’objets industriels. « J’espère poursuivre dans des start-up ou des agences de design afin de poursuivre dans le design de produits numériques » précise-t-elle. Ambitieuse, elle apprécie particulièrement la possibilité d’élaborer complètement de nouveaux produits, soulignant l’importance de travailler avec ses collègues et ses clients dans un véritable esprit d’équipe. Inutile de souligner qu’Amandine Masset met les relations les relations humaines au centre de son activité.