De l’intuition et du risque

Directeur général délégué à la sci­ence du CNRS, Philippe Bap­tiste a pré­paré son doc­tor­at à l’UTC, obtenu en 1998. « Je voulais absol­u­ment tra­vailler avec Jacques Car­li­er », se sou­vient celui qui pour­suit ensuite une car­rière académique, « passionnante ».

La pre­mière fois qu’il ren­con­tre Jacques Car­li­er, enseignant-chercheur au lab­o­ra­toire Heudi­asyc, il le trou­ve à qua­tre pattes dans son bureau, face à des rec­tan­gles découpés. « Il tra­vail­lait à un cas con­cret rel­e­vant de la théorie de l’ordonnancement, à la fron­tière entre les math­é­ma­tiques et l’informatique », sourit Philippe Bap­tiste qui, patient et déter­miné, a atten­du une année avant que le chercheur n’ait le temps d’assurer la tutelle de sa thèse. « J’en ai prof­ité pour faire un DEA à l’Université Pierre et Marie Curie, au cours duquel j’ai eu un déclic pour les mathématiques. » 

Une passion pour les mathématiques discrètes et l’algorithmique

Sa pas­sion pour cette dis­ci­pline l’entraîne donc vers une car­rière académique. Il noue une véri­ta­ble ami­tié avec Jacques Car­li­er, qui lui a lais­sé beau­coup de lib­erté au cours de sa thèse. « C’est un chercheur pour qui l’intuition et le risque sont pri­or­i­taires, sans rien sac­ri­fi­er à la rigueur. Je suis ensuite resté un an au sein du lab­o­ra­toire Heudi­asyc en tant qu’ATER et, avec l’aide de MM. Car­li­er, Charara et Dubuis­son, ma can­di­da­ture auprès CNRS a été retenue », relate celui qui s’envole entre 2000 et 2001 pour les Etats-Unis, direc­tion le cen­tre de recherche d’IBM à New York. Il y tra­vaille sur des sujets de recherche fon­da­men­tale relat­ifs à la théorie de la com­plex­ité. Une propo­si­tion de poste de pro­fesseur chargé de cours à Poly­tech­nique le fait ren­tr­er en France : « C’est une oppor­tu­nité qui ne se refuse pas ! » A cette époque, il encadre en tutelle et co-tutelle quelques thès­es, dont cer­taines avec Jacques Car­li­er. Deux de ces thésards sont d’ailleurs restés ou revenus au lab­o­ra­toire Heudi­asyc, Antoine Jouglet (maître de con­férences) et David Savourey (enseignant-chercheur). Il rejoint ensuite le lab­o­ra­toire d’informatique du CNRS/Polytechnique, le LIX, avant d’en pren­dre la direc­tion en 2008 puis con­stru­it l’institut des sci­ences de l’information du CNRS. Après un bref pas­sage au min­istère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en tant que chef du ser­vice de la stratégie de la recherche et de l’innovation, il est nom­mé directeur général délégué à la sci­ence du CNRS par le prési­dent, Alain Fuchs.

1 000 start-up depuis 15 ans au CNRS

A ce poste, Philippe Bap­tiste est en charge de la coor­di­na­tion des dix insti­tuts du CNRS, de l’interdisciplinarité, de l’innovation, des coopéra­tions inter­na­tionales et des parte­nar­i­ats. « Il s’agit de dévelop­per l’interdisciplinarité, qui va à l’encontre d’un cer­tain con­fort. Il est plus facile de tra­vailler au cœur de ses com­pé­tences. Seule­ment, l’interdisciplinarité devient incon­tourn­able pour approcher cer­tains objets sci­en­tifiques. Il faut donc dépass­er les blocages pra­tiques et épisté­mologiques pour favoris­er plus d’échanges entre les dis­ci­plines. » Il souligne égale­ment le rôle, trop sou­vent mécon­nu, du CNRS en matière de val­ori­sa­tion et de trans­fert d’innovations. Ain­si, l’organisme va fêter la créa­tion de la 1 000ème start-up créée en parte­nar­i­at avec d’autres acteurs académiques ou économiques. « Le CNRS n’est pas une tour d’ivoire, et sa véri­ta­ble valeur ajoutée est de men­er dans les lab­o­ra­toires de recherche des inno­va­tions de rup­ture jusqu’au trans­fert. » Lui-même a par­ticipé à la créa­tion de plusieurs entre­pris­es, dont Erge­lis, spé­cial­isée dans la ges­tion ther­mique des bâti­ments grâce à des out­ils intel­li­gents d’optimisation. Il souhaite favoris­er la crois­sance de ces start-up, et inscrire le CNRS dans des pro­grammes de R&D de plus grande ampleur. 

Structurer le paysage universitaire français 

« C’est un poste cap­ti­vant, parce qu’il se trou­ve à l’interaction de toutes les dis­ci­plines, en lien avec des lab­o­ra­toires et des chercheurs de grande qual­ité. Le CNRS a aus­si un rôle essen­tiel à jouer pour con­tribuer à la struc­tura­tion du paysage uni­ver­si­taire français, qui souf­fre encore d’un cer­tain mor­celle­ment. Le CNRS, avec sa vision nationale, ses grands instru­ments et une poli­tique inter­na­tionale très dynamique est un acteur clef de l’ESR. » En effet, l’écrasante majorité des 1 000 lab­o­ra­toires du CNRS en France sont des unités mixtes de recherche. « Il est dans notre intérêt d’avoir des parte­naires académiques et uni­ver­si­taires forts. »Aux étu­di­ants qui rêvent d’embrasser une car­rière académique, il leur con­seille d’aimer la sci­ence et d’être prêts à pren­dre des risques. « Pas de bonne thèse sans de bons risques ! La France offre des débouchés très intéres­sants pour les jeunes sci­en­tifiques de haut niveau. »

Bio express

  • 1994 : diplômé ingénieur des Mines de Nancy 
  • 1998 : doc­tor­at en infor­ma­tique de l’université de Tech­nolo­gie de Compiègne 
  • 1999 : entrée au CNRS 
  • 2000 à 2001 : IBM Research, à New York 
  • 2002 à 2011 : pro­fesseur chargé de cours à l’École Polytechnique 
  • 2008 : directeur du lab­o­ra­toire d’informatique, le LIX (CNRS/École Polytechnique) 
  • 2010 : directeur de l’institut des sci­ences de l’information et leurs inter­ac­tions du CNRS 
  • 2013 : chef du ser­vice de la stratégie de la recherche et de l’innovation au min­istère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche 
  • Juin 2014 : directeur général délégué à la sci­ence du CNRS

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Novembre 2023 - N°61

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