L’hépatogramme : un outil de mesure de la rigidité du foie

Direc­trice de recherche au CNRS, Sabine Ben­samoun tra­vaille au sein du lab­o­ra­toire Bio­mé­canique et bio­ingénierie (BMBI) — UMR CNRS 7338, elle est égale­ment chercheuse asso­ciée à la Mayo Clin­ic (Rochester, États-Unis) et mem­bre du Comité nation­al du CNRS (CoNRS). Avec le doc­teur Fab­rice Charleux du cen­tre de Radi­olo­gie ACRIM, elle a par­ticipé à l’étude inter­na­tionale sur le foie qui a abouti à l’hépatogramme.

Con­crète­ment ? « Pour analyser le niveau de rigid­ité du foie, un médecin pre­scrivait jusqu’ici un exa­m­en de l’organe par la tech­nique de l’élastographie par réso­nance mag­né­tique (ERM). À par­tir de 2024, les médecins peu­vent, comme pour un élec­tro­car­dio­gramme, pre­scrire un hépatogramme, nom label­lisé en 2023. Un exa­m­en rapi­de, non invasif et per­me­t­tant un diag­nos­tic plus pré­cis. En effet, l’imagerie par réso­nance mag­né­tique (IRM) donne une image pure­ment anatomique de l’organe, alors que l’ERM nous ren­voie une image don­nant des indi­ca­tions sur le degré de rigid­ité du tis­su analysé », explique Sabine Bensamoun.

L’histoire de l’ERM com­mence à son retour en France après son post-doc à la Mayo Clin­ic, référence mon­di­ale en matière de recherche médi­cale. Elle rejoint le CNRS et pour­suit sa col­lab­o­ra­tion avec la Mayo Clin­ic où avait été dévelop­pé un mod­ule qui, cou­plé à l’IRM, vise à mieux car­ac­téris­er les pro­priétés mécaniques ou fonc­tion­nelles des organes mous dont le foie. On par­le alors d’ERM. Ce qui, à son retour en 2006, n’existait pas en France. L’apport de cette tech­nique par rap­port aux autres tech­niques d’imagerie, selon Sabine Ben­samoun ? « Elle per­met notam­ment d’établir un meilleur diag­nos­tic sur la sévérité des patholo­gies, d’améliorer le suivi des patients et enfin de per­son­nalis­er les traite­ments, etc. » Restait à valid­er l’ERM. L’UTC est ain­si un des dix cen­tres de recherche sélec­tion­nés par la Mayo Clin­ic dans le monde, et le seul en France, à béné­fici­er de ce mod­ule. Restait à le cou­pler à une machine IRM. « J’ai pris con­tact avec le doc­teur Fab­rice Charleux, radi­o­logue à l’ACRIM, et lui ai exposé mes pro­jets qui l’intéressèrent, en par­ti­c­uli­er le volet recherche. Il tra­vail­lait à l’époque sur des machines Gen­er­al Elec­tric et cela tombait bien puisque le mod­ule dévelop­pé par la Mayo Clin­ic, qui n’est qu’un pro­to­type, ne fonc­tion­nait qu’avec ce type de machines. Pen­dant plus de 10 ans, j’ai con­tin­ué à amélior­er le pro­to­cole que j’avais dévelop­pé à la Mayo Clin­ic sur le mus­cle, en par­ti­c­uli­er la myopathie de Duchenne et le vieil­lisse­ment mus­cu­laire », souligne-t-elle.

Après des années de recherche, les don­nées col­lec­tées à tra­vers le monde ont été analysées à la Mayo Clin­ic. Pour toutes les par­ties prenantes, dont l’UTC et l’ACRIM, le pari est réus­si. C’est ain­si qu’est né l’ERM, un out­il de diag­nos­tic non invasif pour analyser l’ensemble du foie per­me­t­tant d’établir le stade de la fibrose. Votre intérêt pour le foie ? « En fait, la Mayo Clin­ic a con­tin­ué à amélior­er le mod­ule pour une com­mer­cial­i­sa­tion future. À l’époque, ils tra­vail­laient à fond sur le foie et souhaitaient avoir des don­nées plus larges. Pour ce faire, il fal­lait que plusieurs cen­tres de recherche soient équipés de ce nou­veau mod­ule. En ce qui nous con­cerne, on a donc com­mencé à tra­vailler sur le foie mais avec l’ancien mod­ule », dit-elle.

Le fonc­tion­nement d’une ERM ? « Si on prend l’exemple du foie, on con­state que plus il est malade, plus il est rigide. Grâce à l’ERM, on va pou­voir quan­ti­fi­er la rigid­ité de l’organe avec des stades qui vont des niveaux un à qua­tre, le plus élevé étant le stade de la cir­rhose. Le mod­ule se présente sous la forme d’une boîte munie d’un speak­er per­me­t­tant d’envoyer une pres­sion d’air à basse fréquence qui va se propager dans un stim­u­la­teur que l’on place sur le tis­su à analyser. On va ensuite suiv­re le déplace­ment de cette vibra­tion induite à une fréquence basse et, selon la vitesse de prop­a­ga­tion de l’onde dans l’organe con­cerné, on va pou­voir estimer le degré de sévérité de la patholo­gie. C’est une réelle alter­na­tive à la biop­sie », décrit Sabine Bensamoun.

Actuelle­ment, le foie est, de tous les tis­sus mous, celui sur lequel l’ERM est pra­tiqué en rou­tine clin­ique. Ain­si, aux États-Unis plus de 100 000 exa­m­ens – ou doré­na­vant hépatogramme – ont été effec­tués en 2023 et plus de 2 300 ERM nou­velle généra­tion sont instal­lés dans le monde dont celui de l’ACRIM.

Les prochaines étapes ? « Notre savoir-faire sur les tis­sus pathologiques (mus­cle, foie) qui sont fibreux a été sol­lic­ité lors du Covid-19. Nous tra­vail­lons d’ores et déjà sur un pro­to­cole clin­ique appliqué au poumon », conclut-elle.

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