Bienfaits de l’activité physique à tous les âges
Maître de conférences a l’UTC spécialisé en physiologie, Jean-François Grosset est rattaché au laboratoire BMBI. Il enseigne la physiologie humaine dans le cycle ingénieur et en master.
«La physiologie tant du sujet sain que celle de sujets pathologiques », précise-t-il. Ses domaines de recherche ? « Je travaille particulièrement sur le système nerveux périphérique, autrement dit tous les câbles qui sortent de la moelle épinière et se connectent aux effecteurs musculaires ou provenant des capteurs sensoriels, mais aussi sur le fonctionnement des muscles et des tendons permettant de relier le muscle à l’os. Je m’intéresse notamment aux adaptations des structures neuromusculo- tendineuses », explique-t-il.
C’est après une thèse sur les effets de la maturation chez l’enfant que son intérêt s’est révélé pour ces axes de recherche. « J’ai d’abord fait des tests avec des enfants prépubères afin d’obtenir des courbes de référence des différents paramètres neuromusculaires chez l’enfant sain pour ensuite évaluer l’effet d’une immobilisation prolongée chez primitive de hanche. Il faut savoir comment cela fonctionne chez le sujet sain afin de pouvoir cibler les protocoles de rééducation chez les enfants hospitalisés », souligne Jean-François Grosset.
Les effets de l’électrostimulation
Des recherches qu’il a poursuivies par des tests in vivo sur les effets de l’activité physique lors de post-doc à Manchester, puis à Dublin. « Je me suis intéressé à l’évolution des propriétés mécaniques, musculaires et tendineuses chez des sujets soumis à un entraînement de force et à l’analyse des caractéristiques des muscles et tendons posteffort. Hypertrophie ou atrophie pour les premiers, plus élastiques ou plus raides pour les seconds », précise-t-il.
Des recherches enfin qu’il a poursuivies en arrivant à l’UTC en développant avec un étudiant en master un protocole d’entraînement à base d’électromyostimulation. Le but de ce protocole ? « Ce qui nous intéressait, c’était d’évaluer l’effet d’un entraînement basé sur une électrostimulation à haute fréquence et à intensité maximale tolérée par les sujets pendant 4 semaines à raison de 3 entraînements par semaine au labo et évaluer si la contraction musculaire induite involontaire par électrostimulation, était d’une intensité suffisante pour induire un processus d’adaptation des structures tendineuses reliées aux muscles. On a donc mis en place ce protocole de suivi des caractéristiques musculaires à base d’imagerie échographique et d’outil ergométrique pour voir l’architecture et les propriétés mécaniques des muscles, des tendons et voir les effets de l’entraînement sur ces derniers », assure-t-il.
Un projet qui n’a fait que confirmer les résultats d’études précédentes sur le rôle de l’électrostimulation sur l’amélioration de la force et le volume musculaire mais qui a montré, pour la première fois, les impacts sur les tendons. « Quatre semaines d’électrostimulation à haute fréquence augmentent la force musculaire de 25 %. Mais, pour la première fois, on a démontré que l’électrostimulation à haute fréquence induisait également une adaptation tendineuse. En effet, la stimulation maximale à haute fréquence induisait une contraction équivalente à 55 % de la force maximale. On a montré que, malgré une intensité que l’on peut considérer comme moyenne, le tendon s’adapte puisqu’il présente une légère hypertrophie mais surtout une modification de ses propriétés mécaniques. Résultats très intéressants notamment dans le cadre du traitement des tendinopathies », détaille Jean-François Grosset.
Prolonger l’autonomie des personnes âgées
Ces résultats les ont conduits, dans le cadre de la thèse d’Adrien Létocart en partenariat avec l’Institut de médecine du sport à Copenhague, à se demander si cette intensité moyenne était finalement suffisante pour induire une adaptation musculaire et tendineuse chez les personnes âgées et prolonger, de ce fait, leur autonomie. « On savait que chez les personnes âgées un entraînement à 80 % de leur force maximale induit des adaptations musculaire et tendineuse. Mais, ce qui nous intéressait, c’était de savoir si cela était utile d’imposer des intensités aussi élevées pour les personnes âgées qui sont tout de même plus fragiles et donc susceptibles d’être confrontées à des blessures que les jeunes. On a ainsi testé l’hypothèse si l’intensité moyenne de 55 % ne permettrait pas une égale adaptation musculaire et tendineuse que celle à 80 % », dit-il.
Une hypothèse qui a mené Jean-François Grosset et le doctorant à la mise en place d’un protocole de tests destiné aux personnes âgées. « Nous avons pris deux groupes de personnes âgées avec un programme d’entraînement de 3 mois et à raison de 3 fois par semaine supervisés par le doctorant. Un groupe s’entraînant à une haute intensité de 80 %, le second à une intensité moyenne de 55 %. À la fin du protocole, les deux groupes de personnes âgées ont eu une adaptation musculaire et tendineuse équivalente pour tous les paramètres. Une augmentation de l’intensité n’entraîne pas une augmentation proportionnelle des gains chez les personnes âgées mais présente plutôt des risques de blessures musculaire, tendineuse ou encore du rachis. Ce que l’on a été les premiers à démontrer », conclut Jean-François Grosset. Des résultats qui ont, d’ores et déjà, fait l’objet d’une première publication dans BMC Geriatrics alors que deux autres sont actuellement soumises dans European Journal of Applied Physiology. 40 ANS DE RECHERCHE BIOMÉDICALE
40 ans de recherche biomédicale
Directrice de recherche au CNRS, Cécile Legallais est directrice du laboratoire Biomécanique et Bioingénierie (BMBI), une unité mixte de recherche UTC/CNRS depuis sa création. Elle revient sur les 40 ans du laboratoire.
1973 : UN DIRECTEUR VISIONNAIRE
C’est dès la création de l’UTC en 1973 que Guy Daniélou, directeur de l’université, eut l’idée de fonder un département de génie biomédical ou ingénierie pour la santé. Ce qui était très visionnaire pour l’époque. Pour ce faire, il alla chercher des chercheurs, aux États-Unis et ailleurs, afin de former un noyau dur. Un noyau dur en charge d’explorer des phénomènes de pure biomécanique très peu étudiés à l’époque en France. C’est ainsi que Dominique Barthès-Biesel, Michel Jaffrin et Francis Goubel furent parmi les pionniers à rejoindre l’UTC. La première en tant que spécialiste des écoulements de capsules dans les vaisseaux sanguins, le deuxième en tant que spécialiste des organes artificiels et enfin le troisième en biomécanique de l’activité musculaire pour compléter l’approche physiologique qui dominait alors en France.
1982 : ACCRÉDITATION CNRS
Au début des années 1980, ces pionniers présentèrent avec succès un projet au CNRS. « On retient 1982 comme date de création du laboratoire car c’est cette année-là que l’on reçut l’accréditation pour une unité mixte de recherche (UMR) avec le CNRS. À partir de là, les équipes qui comprenaient initialement une vingtaine de chercheurs commencèrent à s’étoffer », assure Cécile Legallais.
UNE CONSTANTE ÉVOLUTION DES THÉMATIQUES DE RECHERCHE
Les thématiques de départ se sont ainsi, au fil des ans, enrichies de nouvelles approches de recherche. « Il y a eu d’abord l’intégration d’une équipe de biologistes cellulaires à la fin des années 1980, ce qui a mené 20 ans plus tard à la création d’une équipe “cellules biomatériaux et bioréacteurs”. Grâce à ce renfort, il nous a ensuite semblé logique de rassembler les organes artificiels et la biologie cellulaire dans un ensemble plus large que l’on appelle “ingénierie tissulaire”. De même, l’arrivée de Marie-Christine Ho Ba Tho a permis d’élargir la thématique de biomécanique musculaire de départ en y ajoutant la biomécanique osseuse. Aujourd’hui, on parle de biomécanique du système musculo-squelettique, en associant également les signaux électrophysiologiques et l’analyse du mouvement. Quant à la thématique de biomécanique des fluides, elle couvre actuellement toutes les échelles du corps humain, de la microcirculation aux gros vaisseaux sanguins. Enfin, plus récemment, on a créé la Chaire de Dan Istrate sur les outils médicaux connectés. Ce qui apporte une composante e‑santé aux dispositifs médicaux qui peuvent être des volets applicatifs de nos thématiques de recherche », précise-t-elle.
D’une vingtaine de personnes à ses débuts, le BMBI passe à près d’une centaine – chercheurs, doctorants, personnels techniques et administratifs, stagiaires –en 2023 et jouit toujours, 40 ans plus tard, de l’accréditation CNRS. Signe de sa vitalité.