L’ingénieur économiste
Devenir ce que l’on est, découvrir et aiguiser son potentiel, se révéler comme futurs professionnels ; tels sont les leitmotivs de l’université de technologie de Compiègne lorsqu’il s’agit de définir le cheminement de ses étudiants. Avec cinq spécialités et une vingtaine de filières, les utcéens ont l’embarras du choix lorsqu’il s’agit de construire leur projet professionnel. Mais certains décident de s’aventurer sur des sentiers plus sinueux et de trouver leur propre voie. C’est le cas de Matthieu Bordenave, 24 ans, fraîchement diplômé de l’UTC et promis à une carrière d’économiste.
Remonter le parcours de Matthieu revient à cheminer sur un profil de prime abord traditionnel. Bon élève de terminale scientifique, son bac S en poche, Matthieu s’aventure dans une première année de classe préparatoire scientifique. Une formation qui ne lui correspond pas et dont il décide de partir après un an. S’ensuit un passage par la case DUT avant d’intégrer la troisième année de l’UTC. « Je connaissais bien évidemment l’UTC de réputation et j’avais envie d’intégrer une formation qui mêle sciences et sciences humaines. »
Le voilà donc propulsé à l’aube de l’automne 2018 à l’UTC dans la branche mécanique. De ses trois années passées sur les bancs de l’école d’ingénieurs, le jeune homme garde un très bon souvenir « suivre un cursus d’ingénieur m’a permis de structurer ma pensée et d’acquérir des compétences pratiques dans la programmation par exemple, confie-t-il. C’est également un bagage pluridisciplinaire intense avec de la mécatronique, de l’hydraulique, etc. »
Mais une rencontre va durablement transformer le destin de l’étudiant-ingénieur, celle de David Flacher, maître de conférences – HDR – à l’université Paris 13, directeur du centre de recherche en Économie de Paris Nord et enseignant à l’UTC. « J’ai suivi un cours passionnant d’introduction à l’économie et immédiatement les thématiques qu’il évoquait me parlaient, raconte le jeune homme. J’allais le voir à la fin des cours pour lui poser des questions et nourrir mon fil de réflexion. » Très vite, une complicité intellectuelle se met en place entre l’étudiant et son enseignant ; l’un se nourrit des recommandations de lectures et de conférences fournies par son enseignant, l’autre voit d’un bon oeil cet étudiant avide de connaissances. Et une évidence surgit dans l’esprit de Matthieu ; « j’adorais les cours que je suivais dans le cadre de mon cursus d’ingénieur mais les enseignements d’économie me passionnaient, résume-t-il. »
Alors pendant deux ans, en parallèle de la suite de son cursus ingénieur, l’étudiant s’inscrit au CNAM pour suivre par correspondance des cours d’économie. Suffisamment pour obtenir 24 crédits ECTS supplémentaires. Un bon complément à son parcours d’ingénieur et un passeport solide pour poursuivre des études dans le domaine. Après négociations, il obtient un stage d’économiste junior à l’agence française de développement. Le rêve pour tout économiste en devenir. « L’approche de l’économie que j’ai consiste à repenser les modèles traditionnels sous le prisme des transitions climatiques et écologiques que nous allons subir. L’AFD était un terrain de jeu idéal pour pouvoir avancer dans ce secteur. » En février 2021, il intègre ainsi un service monté par Gaël Giraud, économiste de renom aux travaux unanimement salués. L’objectif de ses missions ? « Créer un nouveau modèle économique intégrant le climat et la perte de biodiversité dans son analyse. » Les débuts sont compliqués pour l’étudiant ingénieur. Longtemps habitué aux problèmes de physique et à l’arsenal de formules pour y répondre, il se retrouve à devoir évoluer dans la littérature économique pour tenter de mettre au point la bonne formule pour analyser les impacts des transitions dans le monde économique. Un engagement qui se veut personnel avant tout. « Comme beaucoup de jeunes de mon époque, je m’interroge sur la période que l’on vit et l’impact qu’elle va avoir sur les individus et la planète. »
Bien encadré par l’AFD, Matthieu Bordenave finit par mettre au point un modèle combinant deux études ; l’une théorisée par Gaël Giraud lui-même et qui présente l’impact des hausses de température sur l’économie, l’autre trouvée dans la littérature scientifique et qui met en perspective l’impact économique de l’agroforesterie. De son analyse il ressort, calculs à l’appui, qu’un arrêt de la déforestation à 2050 et une reforestation d’ici 2100 pourraient avoir des impacts substantiels pour l’atténuation du dérèglement climatique. Voilà pour les grandes lignes. Le détail de son travail fait l’objet de l’écriture d’un article, dans le secret de sa chambre étudiante, et qu’il compte soumettre à des revues scientifiques dans les semaines à venir. « Lorsque j’ai présenté ma recherche dans mon service, mon tuteur m’a dit qu’en travaillant davantage encore la formalisation de mon procédé de recherche je pouvais prétendre à une publication en bonne et due forme. » Le rêve pour celui qui se projette comme enseignant-chercheur en économie.
Le premier utcéen à intégrer le prestigieux master Erasmus Mundus
Mais avant cela, un autre rêve s’est réalisé depuis la rentrée de septembre ; celui d’intégrer EPOG, un prestigieux master Erasmus Mundus, fruit de la collaboration d’une dizaine d’institutions et d’universités du monde, soutenu par l’Union Européenne. « Le master Economic POlicies for the Global transition propose aux meilleurs étudiants d’Europe et du monde d’étudier et de travailler dans le domaine de l’économie et des transitions. » Ce cursus en deux ans, accessible dans différentes universités européennes — dont l’UTC — permet à ses étudiants d’explorer l’impact des transitions digitales, sociales et écologiques sous le spectre des sciences économiques.
Une cinquantaine d’étudiants triés sur le volet sont sélectionnés chaque année pour intégrer le master. « Je suis le premier étudiant de l’UTC à rejoindre cette formation, se réjouit Matthieu. C’est une véritable fierté pour moi puisqu’il me permet d’aller encore plus loin dans mon travail en économie et d’envisager véritablement de pouvoir me lancer dans une carrière de recherche. »
Cerise sur le gâteau, l’étudiant a fait partie de la petite cohorte sélectionnée pour obtenir une bourse au mérite. « Nous sommes cinq sur toute la promotion à l’avoir obtenue, ça a été un signal important pour montrer à mes parents que même en étant ingénieur, ce nouvel univers qu’est l’économie s’offrait à moi. »
Pour l’avenir, Matthieu se projette, donc, dans l’univers de la recherche et de l’enseignement avec un fort accent mis sur la situation écologique traversée par le monde. Le chemin est encore long pour le jeune homme qui pourrait, pourquoi pas, enseigner à l’avenir l’économie à l’UTC… (mais pas que).