La citoyenneté numérique en question
Pour s’adapter à la situation créée par la pandémie Covid-19, l’université de technologie de Compiègne organisait début novembre son rendez-vous « Interactions-presse » sous la forme d’un « live LinkedIn ». Au programme : la conférence en ligne de Clément Mabi, chercheur à l’université de technologie de Compiègne, sur la façon dont les outils numériques bouleversent la démocratie participative. Extraits.
Spécialiste de la e‑démocratie, Clément Mabi s’interroge sur l’état du débat public aujourd’hui et porte un oeil critique sur les outils proposés par l’industrie, notamment les GAFA, et leurs usages. Le numérique devient progressivement une culture qui transforme notre rapport à la démocratie, à la citoyenneté. « Les technologies ne font pas les fake news mais les rendent plus visibles. En fonction de l’outil numérique utilisé, on crée un rapport au sens qui est différent. L’important est dans quel espace on s’exprime. Lorsqu’on le fait avec des personnes qui nous ressemblent, la parole est plus libre. Mais le numérique peut-il mettre à jour la démocratie ? Plus on utilise la technologie numérique, plus il faut mettre de l’humain derrière », assure Clément Mabi qui s’est fortement intéressé à ces « technologies à visée citoyenne » plus connues sous la dénomination « civic tech ».
Les outils numériques de participation citoyenne
Les « civic tech » désignent l’ensemble des applications et plateformes qui permettent de recourir à cette intelligence collective et de renforcer le lien démocratique entre les citoyens, les collectivités et l’État. Pas étonnant que l’engagement civique et la participation citoyenne soient aujourd’hui l’un des terrains de jeu préférés des entrepreneurs du numérique. Mais les outils numériques ne conviennent pas à tous. « Environ douze millions de Français en sont éloignés. Les réunions publiques ont encore de beaux jours devant elles. Il y a une sorte de démocratie Internet avec une forme de régulation. Même si c’est la force de la popularité et des émotions qui fait circuler les contenus, par exemple celles des YouTubers. Il y a une mobilisation affective derrière cette mécanique d’Internet et des réseaux sociaux où, pour optimiser sa visibilité, on peut se ranger derrière des mots clés comme #Je suis Charlie ou #MeToo. » Se pose ensuite légitimement la question de la régulation démocratique de ces réseaux sociaux.
Clément Mabi, chercheur citoyen
Clément Mabi est chercheur en sciences de l’information et de la communication à l’université de technologie de Compiègne, spécialiste du numérique au service de la démocratie. Il s’intéresse notamment à la concertation et au débat public assistés par le numérique. Au sein du laboratoire Costech (Connaissance Organisation et Systèmes TECHniques), il anime l’équipe Epin (Écritures, Pratiques et Interactions Numériques) et la direction adjointe du laboratoire. Ses travaux et publications se sont recentrés sur le débat public : démocratie participative, participation en ligne, ingénierie de la concertation. Ses réflexions le conduisent à explorer également bien d’autres thèmes : gouvernance de l’Internet, données ouvertes (open data), « gouvernement ouvert » (open government). Clément Mabi dirige actuellement un numéro spécial de la revue Réseaux sur le thème « Gouvernementalité numérique et action publique », à paraître en janvier 2021.