Un homme d’engagements
Paléoclimatologue mondialement reconnu, Jean Jouzel a été, de 2002 à 2015, vice-président du comité scientifique du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Couvert de prix scientifiques, il a notamment reçu, en 2002 avec Claude Lorius, la médaille d’or du CNRS et, en 2012 avec Susan Salomon, le prix Vetlesen, prix sciences de la Terre et de l’Univers, considéré comme équivalent du prix Nobel pour ces domaines. Aujourd’hui, la pandémie de Covid-19 et ses conséquences sanitaires, mais aussi économiques et sociales, lui font espérer que la relance future sera plus verte et l’occasion d’inventer un modèle de développement plus durable. Portrait d’un homme d’engagements.
Son premier engagement est vis-à-vis de la recherche. “Diplômé de l’école de chimie de Lyon à 21 ans, je ne me voyais pas mener une carrière d’ingénieur en entreprise”,dit-il. C’est donc tout naturellement qu’il accepta le sujet de thèse — l’étude des isotopes de soufre ‑proposé par Étienne Roth, responsable du service des isotopes stables au Commissariat à l’énergie atomique (CEA), à Saclay (Essonne). Ce qui lui permettait accessoirement de se rapprocher de sa Bretagne natale.
À son arrivée au CEA — son deuxième engagement car il y fit toute sa carrière de chercheur -, Étienne Roth lui proposa finalement de travailler sur la formation des grêlons. Jean Jouzel se laissa convaincre, admettant “être tombé, lors de sa thèse, dans la passion des grêlons, de la neige, de la glace”. Passion qui n’allait plus le quitter et qu’il partageait avec Claude Lorius. Au début des années 1980,en partenariat avec l’équipe de glaciologie de Grenoble et les Soviétiques, ils décidèrent d’étudier les carottes glaciaires issues du site de Vostok dans l’Antarctique. Ce qui allait déboucher quelques années plus tard sur une découverte majeure. “En 1987, on avait 160 000 ans d’archives. Au CEA, on analysait le contenu isotopique de la glace, alors que nos collègues de Grenoble s’intéressaient au contenu en gaz carbonique des petites bulles d’air.
“Les jeunes sont les premiers concernés par la question du changement climatique. Sans leur mobilisation, elle risque de sortir des radars des pouvoirs publics.”
Ce qui a permis d’établir, en particulier, le lien entre gaz à effet de serre et climat”, explique-t-il. S’ensuivirent, en 1987, trois articles qui firent la une de Nature et marquèrent un tournant dans la discipline, mais aussi dans la perception de la problématique du changement climatique tant parles médias que le grand public.
Autre découverte majeure, en 1992, cette fois-ci au Groenland : ce que l’on appelle la “surprise climatique”, autrement dit la variation rapide de température, qui donne lieu à une évolution dans ses recherches. “On a réalisé que l’étude du climat passé pouvait nous donner des éléments pertinents pour l’analyse du climat futur “, souligne Jean Jouzel, avant d’ajouter : “Sait-on, par exemple,que 125 000 ans auparavant, avec une température de 1 à 2 °C de plus qu’aujourd’hui, le niveau de la mer s’est élevé de 7 à 10 mètres ?” À partir de ce moment-là, les recherches comme la prise de conscience s’accélèrent.
Premier Français à intégrer le GIEC, en 1993, il participe à la rédaction de quatre des cinq rapports publiés à ce jour.
Enfin, dernier engagement : son implication dans le débat public, en particulier en direction des jeunes dans les écoles, les lycées… “Les jeunes sont les premiers concernés par la question du changement climatique. Sans leur mobilisation, elle risque de sortir des radars des pouvoirs publics”, conclut Jean Jouzel.