Une fête pour des atomes crochus avec les sciences
A moins d’un an des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, sport et sciences étaient principalement au programme de la 32e édition de la Fete de la science organisée par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Du 12 au 15 octobre, près de 4 000 visiteurs ont poussé les portes de l’Université de technologie de Compiègne, le plus gros village des sciences dans les Hauts-de-France avec 44 stands. Étudiants et enseignants-chercheurs ont rivalisé d’intérêt afin de « donner envie aux gens de venir, présenter la science de manière conviviale et ludique, donner le goût des carrières scientifiques et faire se rendre compte aux enfants que la science est partout et qu’ils peuvent avoir une culture scientifique », introduit Karim El Kirat-Chatel, responsable des cultures scientifique, technique et industrielle (CSTI) de l’UTC. Échantillon immersif.
Le sport et sa relation avec la science des matériaux, le développement durable, l’économie, la sociologie et encore la santé… Une thématique féconde pour appréhender les enjeux et progrès de demain, explorer les avancées technologiques et l’évolution des matériaux au service du sport, l’impact de la nutrition sur les performances, la capacité des insectes à battre des records sportifs…
Nicolas Rivoallan, docteur en biomatériaux à l’UTC et à l’Institut für Mehrphasenprozesse de Hanovre (IMP), qui cherche à recréer la jonction entre l’os, le tendon et le muscle par électrospinning, comptait parmi les invités de cette 32e Fête de la science. Premier Prix du jury de la finale Ma thèse en 180 secondes en 2022, le doctorant est aussi l’un des dix auteurs à avoir été sélectionnés par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation pour expliquer ses études dans la BD annuelle « Sciences en bulles » distribuée dans toute la France. Tisser des tendons comme Spiderman démocratise avec humour l’ingénierie tissulaire. Sa démonstration à travers son installation linéaire et stylisée suit tout autant ces préceptes de simplicité. « J’adore parler de mon sujet de thèse autour de la recréation d’une sorte de tendon, os ou muscle bioartificiel en associant cellules et matériaux. C’est intéressant de le partager avec le grand public. Susciter des vocations et envies est aussi ce qui me motive. Très axé biologie, le sujet intègre biomécanique et bio-ingénierie. Ses prémices remontent à une dizaine d’années. Un passage de relais entre chercheurs se fait pour trouver une solution concrète de réparation des tendons. Il faudra encore du temps avant qu’ils puissent être implantables et implantés. Néanmoins, ce que nous faisons peut être utile pour d’autres aspects, tester des médicaments ou mieux comprendre ce qui se passe à l’interface entre os, tendon et muscle. » « Sciences en bulles » a convaincu le doctorant en dernière année de se diriger vers la médiation scientifique. Le passage de relais avant son départ en fin d’année universitaire est en cours afin de permettre aux travaux de se poursuivre.
IA et parité également au programme
Si le sport était la thématique choisie cette année, d’autres sujets ont également été abordés comme l’IA et le projet Victeams. L’emploi de l’intelligence artificielle et de la réalité virtuelle pour créer des expériences émotionnelles et des scénarios personnalisés immersifs afin de résoudre des problèmes de formation et d’aide à la décision est l’un des travaux menés par Domitile Lourdeaux, maîtresse de conférences au sein du laboratoire Heudiasyc (Heuristique et diagnostic des systèmes complexes) de l’UTC. Exemple d’application concrète : former des équipes médicales à la gestion de situations de stress et critiques en temps de guerre. « On est en phase expérimentale. C’est encore limité en termes d’interaction pour s’adapter aux compétences non techniques. Dans les serious games, l’apprenant a le choix entre trois textes parmi lesquels la solution que nous ne voulions pas donner. Tout passe par la communication et un message que nous n’avons pas encore réglé. Sur des aspects recherche, nous avons cependant beaucoup avancé. L’idée est de trouver un scénario avec des dilemmes et des situations difficiles adaptés au profil de l’individu. »
Si l’un des objectifs de la Fête de la science est de donner le goût des sciences et que la parité est aujourd’hui davantage considérée, les femmes comme Domitile Lourdeaux restent sous-représentées dans la recherche. Alors que la Franco-Suédoise Anne L’Huillier est lautéate cette année du prix Nobel de physique, 65 femmes ont été récompensées, soit 6,7 % des 970 lauréats depuis sa création en 1901. Selon les chiffres 2023 du Centre national de la recherche scientifique, seulement 34,5 % des chercheurs sont des femmes. Les normes sociales et stéréotypes genrés restent ancrés. Nathalia Oderich Muniz, chercheuse postdoctorale, et l’association étudiante Sciences égales de l’UTC s’étaient associées pour promouvoir cette parité via une exposition. « Pourquoi pas moi ? » présentait des affiches sur le phénomène de biais sociaux comme le syndrome de l’imposteur, l’effet Mathilda et le plafond de verre, des affiches de femmes dans l’histoire et de femmes contemporaines. Nathan a convenu qu’il « reste beaucoup à faire en termes de parité. Les préjugés et constructions sociales sont encore très présents. Les images de scientifiques que l’on a sont souvent Einstein ou Newton. Côté femme on a seulement Marie Curie. » Un paradoxe face aux découvertes d’Ada Lovelace et sa conceptualisation dans les années 1850 du premier algorithme exécutable par une machine dans l’histoire de l’informatique ou de Grace Hopper et l’invention du langage Cobol en 1959. « Avec la réforme du Bac et les mathématiques qui ne sont plus obligatoires, alors que les filles ont moins d’appétence pour cette matière, leur entrée dans les écoles d’ingénieur et leur intérêt ira à la baisse, a estimé Rosalie. Dans les spécialisations, il y a 75 % de filles en biologie et 75 % de garçons en informatique. On retombe dans les clichés. C’est pour cela qu’il est important de faire de la sensibilisation auprès du jeune public. » L’UTC n’a cependant pas à rougir avec plus de 50 % de jeunes femmes entrantes en post-bac depuis quelques années. Toujours sur une trajectoire paritaire, l’UTC, pour son projet de sensibilisation à l’égalité hommes-femmes proposé dans le cadre du mois de l’égalité en mars 2023, remporte le prix de l’école la plus mobilisée dans le cadre du prestigieux concours « Les ingénieuses » organisé par la CDEFI (Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs). Prestigieux concours national qui valorise la place des femmes dans l’ingénierie. L’UTC, un établissement qui conjugue les sciences au féminin.