58 : Une électromobilité durable

Face à l’urgence cli­ma­tique et à la crise énergé­tique qui se pro­file à la suite de la guerre en Ukraine, la France a décidé d’accélérer le pas dans le domaine des éner­gies renou­ve­lables. Dans ce domaine, l’UTC et par­ti­c­ulière­ment l’équipe du lab­o­ra­toire Avenues sont engagées sur deux fronts. Celui de l’électromobilité avec des travaux sur l’optimisation des sta­tions de recharge cou­vertes de pan­neaux pho­to­voltaïques (PV) mais aus­si celui la pro­duc­tion d’énergie issue de PV sur le site de l’université. Un mou­ve­ment que le décret ter­ti­aire pub­lié au Jour­nal Offi­ciel en 2019, enjoignant aux pro­prié­taires et occu­pants de bâti­ments ter­ti­aires tant privés que pub­lic de réduire sig­ni­fica­tive­ment leur con­som­ma­tion d’énergie par rap­port à 2010, année de référence, a accéléré.

Pro­fesseure des uni­ver­sités, Manuela Sechi­lar­iu est direc­trice, depuis 2016, de l’unité de recherche Avenues à l’UTC. Par­mi ses axes de recherche fig­urent les micro-réseaux et, plus récem­ment, tout ce qui a trait à l’électromobilité. Plus par­ti­c­ulière­ment, les sta­tions de recharge cou­vertes de pan­neaux pho­to­voltaïques et dotées d’un pilotage intelligent. 

Des axes de recherche qui, face à l’urgence cli­ma­tique, ont stim­ulé un grand nom­bre de pro­jets tant à l’échelle nationale qu’internationale. Pour preuve ? Les pro­jets au niveau nation­al qui s’inscrivent dans la recherche d’une plus grande mobil­ité élec­trique. Ain­si, Mobel City est lancé en 2017 et PV2E_Mobility en 2020, tous les deux financés par l’Agence de la tran­si­tion écologique (ADEME), alors que, en juil­let 2021, c’est au tour de Smart_PV4EV spé­ci­fique à l’UTC dans le cadre d’un con­trat plan État-Région (CPER) « Énergie Élec­trique 4.0 » (EE 4.0). « Le pre­mier dont nous avons été, en 2017, lau­réats à la suite d’un appel à pro­jets est égale­ment soutenu par un parte­naire indus­triel, SYSTRA, spé­cial­isé dans les prob­lé­ma­tiques liées au trans­port à l’échelle nationale, mais aus­si par l’Agglomération de la région de Com­piègne (ARC). Un des objec­tifs du pro­jet ? Il s’agit de trou­ver le meilleur moyen de déploy­er les sta­tions de recharge pour les véhicules élec­triques (VE) ali­men­tées par du pho­to­voltaïque (PV). Un pro­jet qui illus­tre autant les com­pé­tences accu­mulées au sein de l’unité que l’interdisciplinarité qui y règne, puisqu’il se trou­ve à la croisée des domaines des trans­ports – mobil­ité élec­trique, des éner­gies renou­ve­lables, de l’aménagement urbain et ter­ri­toire durable mais aus­si des sci­ences sociales », explique Manuela Sechilariu. 

Le deux­ième, qui s’inscrit dans la même ligne, a attiré de nom­breux parte­naires dont le CEA, Enedis, Tec­sol, une entre­prise spé­cial­isée dans le solaire, ou encore SAP dans les logi­ciels et le pilotage intel­li­gent des sta­tions de recharge. Un pro­jet qui porte sur l’énergie et la puis­sance PV embar­quées et sta­tion­naires pour et dans les trans­ports, Avenues étant en charge des études con­cer­nant les sys­tèmes et infra­struc­tures équipés en sources PV sta­tion­naires util­isées pour la recharge des VE. 

Tou­jours sur la même prob­lé­ma­tique Smart_ PV4EV. « Cette fois, il s’agit de mon­tr­er l’avantage du PV dans la recharge des VE et de s’interroger sur l’impact socié­tal et l’acceptabilité sociale », ajoute-t-elle. 

Enfin, à l’international le pro­gramme sci­en­tifique PVPS de l’Agence inter­na­tionale de l’énergie (AIE). « Ce pro­jet, qui se ter­mine fin 2024, représente la con­tri­bu­tion française à la Tâche 17* du pro­gramme de l’AIE dédié au PV et au trans­port », pré­cise-t-elle. Le rôle pré­cis des chercheurs d’Avenues dans ces pro­jets ? « Nous sommes les por­teurs de ces pro­jets et coor­di­na­teurs de Mobel_City, de PV2E_Mobility. Quant au pro­jet inter­na­tion­al impli­quant l’IAE, j’en suis task man­ag­er avec un col­lègue japon­ais et leader de la sous-tâche 2. Cette dernière porte sur les con­di­tions de fais­abil­ité et des exi­gences req­ui­s­es pour utilis­er au mieux les sta­tions de recharge des VE avec des pan­neaux PV. Enfin, Smart_PV4EV, dont je suis respon­s­able, s’inscrit dans un grand pro­jet CPER impli­quant la plu­part des lab­o­ra­toires de génie élec­trique des Hauts-de-France », indique Manuela Sechilariu. 

Tous ces pro­jets visent ain­si à l’optimisation de l’utilisation du PV, que ce soit pour la mobil­ité ou pour les bâti­ments. Un objec­tif qui néces­site de nom­breuses études théoriques en amont. « Il s’agit de con­cevoir et de tester un ensem­ble de méthodolo­gies, d’outils tant d’implantation ou de dimen­sion­nement que de régu­la­tion et de con­trôle intel­li­gent. En effet, la sta­tion de recharge est basée sur un micro-réseau con­sti­tué d’un ensem­ble de stock­age sta­tion­naire, de pan­neaux PV, d’une con­nex­ion au réseau et des charges telles que les bâti­ments ou les VE. Pour que la sat­is­fac­tion de l’utilisateur et l’utilisation de l’énergie PV soient max­i­males, on développe des algo­rithmes per­me­t­tant tant l’optimisation off line, c’est-à-dire en dehors du fonc­tion­nement en temps réel, que celle on line pour un con­trôle du fonc­tion­nement en temps réel. On mon­tre qu’un VE peut se charg­er, même en décem­bre à Com­piègne, avec plus de 75 % d’énergie PV pour réalis­er 40 km », explique-t-elle. Toute­fois, dans ce type de pro­jets, les études théoriques ne se lim­i­tent pas seule­ment aux aspects sci­en­tifiques et tech­niques mais impliquent aus­si, puisqu’il s’agit de dévelop­per les usages du PV, d’autres champs de con­nais­sances. « Ain­si, nous faisons appel à des urban­istes pour dévelop­per des méthodolo­gies et des out­ils d’aide à la déci­sion pour les acteurs ter­ri­to­ri­aux con­cer­nant le déploiement le plus judi­cieux pos­si­ble des sta­tions de recharge. Nous tra­vail­lons égale­ment avec Costech, lab­o­ra­toire de sci­ences sociales de l’UTC, afin d’étudier l’impact socié­tal et l’acceptabilité sociale », con­clut Manuela Sechilariu. 

*Pho­to­volta­ic Pow­er Pro­gramme Sys­tems Task 17 (https://iea-pvps.org/research-tasks/ pv-for-transport/) 

Pro­fesseur des uni­ver­sités, Fab­rice Loc­ment est chercheur au sein de l’unité de recherche Avenues. Il est égale­ment directeur du départe­ment de génie urbain. Les recherch­es sur l’électromobilité ont mené à la mise en place de STELLA qui sera trans­for­mé en liv­ing lab dès l’automne 2022. 

Au sein d’Avenues, l’idée de la plate­forme tech­nologique STELLA ou Smart Trans­port and Ener­gy Liv­ing LAb est anci­enne. Mais c’est en 2016, grâce à un finance­ment dans le cadre d’un CPER, qu’elle fut lancée et devint opéra­tionnelle début 2017 pour enfin se trans­former en liv­ing lab. 

Con­crète­ment ? « C’est un dis­posi­tif expéri­men­tal per­me­t­tant de valid­er des con­cepts liés à la tech­nolo­gie mais pas seule­ment avec des objets tech­nologiques puisque l’on intro­duit aus­si l’être humain en inter­ac­tion avec ces objets. D’où l’appellation de “liv­ing lab”. Ain­si, dans STELLA, il y a du pho­to­voltaïque (PV), du véhicule élec­trique (VE), du stock­age d’appoint et une con­nex­ion au réseau élec­trique nation­al, mais c’est l’être humain qui occupe la place cen­trale », explique-t-il. Ce qui a sus­cité le déclic ? « C’est en voy­ant le grand park­ing non cou­vert du cen­tre d’innovation que l’idée a ger­mé en 2010. On a pen­sé que ce serait intéres­sant d’installer du PV sur ces sur­faces inutil­isées. Bien enten­du, au début c’était des idées de recherche qui nous ont guidés. À cette époque, nous tra­vail­lions avec Sun­vie, une société spé­cial­isée dans le PV, mais nous n’avions pas le finance­ment néces­saire pour aller plus loin. Et c’est en 2016, grâce au CPER, que le pro­jet s’est con­crétisé », précise-t-il. 

Une évo­lu­tion toute naturelle au sein d’Avenues qui abri­tait his­torique­ment la plate­forme PLER, l’acronyme de « pro­duc­tion locale d’énergie renou­ve­lable ». « Avec PLER, on est tou­jours dans un sys­tème mul­ti­source, mul­ti­charge mais dont la final­ité est d’alimenter un bâti­ment. PLER existe tou­jours et fonc­tionne très bien. Par­tic­u­lar­ités ? C’est une vraie plate­forme de recherche avec des câbles partout mais un peu lim­itée dès que l’on monte en puis­sance. Mais, avec la prob­lé­ma­tique de l’électromobilité, s’invite ain­si l’alimentation du VE. Et, avec STELLA, on change de for­mat. Ce n’étaient plus ni les mêmes puis­sances, ni le même fonc­tion­nement. Surtout, STELLA per­met des appli­ca­tions tant bâti­ment que VE », souligne Fab­rice Locment. 

La trans­for­ma­tion de STELLA en liv­ing lab ? « Jusqu’ici avec STELLA, on ému­lait les VE, c’est-à-dire que l’on fai­sait des essais sur les VE de l’UTC, en par­ti­c­uli­er, leur com­porte­ment en con­som­ma­tion d’énergie pour les émuler sur des sys­tèmes physique­ment présents à STELLA et pou­voir ain­si répéter les tests. À ce stade, l’aspect humain n’était pas pris en compte. Avec le liv­ing lab, on va aller plus loin et met­tre l’humain au cen­tre. Ain­si, l’ombrière de PV qui abrite 9 places de park­ing dont 3 réservées pour les VE dédiés à la recherche du lab­o­ra­toire Avenues va pass­er au tout élec­trique. On a, d’ores et déjà, instal­lé 3 bornes bicéphales pour le per­son­nel de l’UTC », affirme-t-il. 

Un développe­ment qui per­me­t­tra d’analyser le com­porte­ment d’utilisateurs réels avec des con­traintes réelles. « Notre objec­tif est que le liv­ing lab soit fonc­tion­nel en sep­tem­bre. À ce moment-là, nous allons con­tac­ter le per­son­nel pour savoir qui est doté d’un VE, qui serait intéressé par charg­er. Ils pour­ront ain­si utilis­er le sys­tème avec comme con­trepar­tie leur autori­sa­tion à récupér­er toutes les don­nées. À savoir la charge à leur arrivée, la charge lorsqu’ils quit­tent, la durée de la charge, le type de charge – lente ou rapi­de –, etc. Des don­nées qui vont nous per­me­t­tre de met­tre en place des lois de com­mande pour charg­er intel­ligem­ment les véhicules », ajoute-t-il. 

Un pro­jet dans le droit fil de leur recherche et qui a pour objec­tif prin­ci­pal de déséquili­br­er le moins pos­si­ble le réseau nation­al élec­trique. « Le réser­voir énergé­tique d’une bat­terie dans un VE telles la Zoé de Renault ou la e208 de Peu­geot est de l’ordre de 50 kWh. Or, l’ombrière actuelle ne pro­duit que 29 kWh sous con­di­tions qua­si­ment opti­males. D’où le pro­jet de con­stru­ire 10 nou­velles ombrières sur le park­ing du cen­tre d’innovation », con­clut Fab­rice Locment. 

Enseignant, Fabi­en Lamar­que est respon­s­able péd­a­gogique de la branche génie urbain et mem­bre asso­cié à l’unité de recherche AVENUES. Il ani­me l’atelier-projet « Pro­duc­tion d’énergie pho­to­voltaïque à l’UTC ». Julien Saut­jeau, étu­di­ant en 5e année, spé­cial­ité Bâti­ment, en fait partie. 

Un pro­jet-ate­lier qui s’inscrit, urgence cli­ma­tique oblige, dans la poli­tique de développe­ment durable lancée par l’université. Une poli­tique que le décret ter­ti­aire pub­lié au Jour­nal Offi­ciel en 2019, enjoignant aux pro­prié­taires et occu­pants de bâti­ments ter­ti­aires tant privés que publics de réduire sig­ni­fica­tive­ment leur con­som­ma­tion d’énergie par rap­port à 2010, année de référence, a accélérée. Une réduc­tion réal­is­able grâce à deux grandes solu­tions : l’amélioration de l’enveloppe énergé­tique des bâti­ments et/ou la pro­duc­tion d’énergie renou­ve­lable (EnR).  

« Dans le cadre de la for­ma­tion d’ingénieur en GU, on a un for­mat péd­a­gogique très pro­fes­sion­nal­isant qui fait inter­venir à la fois les enseignants-chercheurs et les étu­di­ants au sein d’ateliers-projets chargés de répon­dre à des com­man­des passées par des clients divers et var­iés. Con­cer­nant l’atelier-projet sur la pro­duc­tion d’énergie PV, la com­mande émane de la Direc­tion du pat­ri­moine immo­bili­er (DPI) de l’UTC », explique Fabi­en Lamarque. 

Une mis­sion qui néces­site trois grandes com­pé­tences. La pre­mière con­cerne tout le proces­sus de con­ver­sion de l’énergie, la deux­ième implique la mod­éli­sa­tion et le cal­cul pour mesur­er le poten­tiel d’ensoleillement des dif­férents bâti­ments et enfin, la dernière, sur l’interface entre la pro­duc­tion d’EnR et les bâti­ments. Cette dernière sup­pose la con­nais­sance générale du bâti­ment, les con­traintes tech­niques, la régle­men­ta­tion, etc. « D’où la mise en place d’un groupe d’étudiants et d’enseignants-chercheurs dotés de ces trois com­pé­tences », ajoute-t-il. 

Les objec­tifs de cet ate­lier-pro­jet ? « Il s’agit d’étudier les pistes de réduc­tion de la con­som­ma­tion en énergie des bâti­ments et de dévelop­per une maque­tte numérique des sites exis­tants afin de définir les plus adap­tés pour l’installation de PV et assur­er ain­si la meilleure opti­mi­sa­tion énergé­tique pos­si­ble », souligne Julien Saut­jeau. Un pro­jet qui trou­ve tout son sens avec des bâti­ments qui, pour l’essentiel, ont été con­stru­its dans les années 1970 et dont l’enveloppe ther­mique est assez médiocre. Un pro­jet qui, bien enten­du, a un coût. « Lors de cette étude, on a bien sûr éval­ué le retour sur investisse­ment des pan­neaux ; des pan­neaux qui ont une cer­taine durée de vie mais aus­si un impact envi­ron­nemen­tal. Le gain énergé­tique est évi­dent mais on a été plus loin puisque l’on a éval­ué le gain envi­ron­nemen­tal généré par les pan­neaux PV com­paré au mix énergé­tique français », détaille Fabi­en Lamarque. 

« Le mix énergé­tique français, com­posé pour une large part de nucléaire, est peu émet­teur de CO2. Pour le PV, on a fait une analyse du cycle de vie, c’est-à-dire de l’extraction des matières pre­mières à l’installation/exploitation et jusqu’à la fin de vie et le recy­clage qui s’ensuit. Or, jusqu’ici le PV a du mal à rivalis­er en matière d’empreinte car­bone avec le nucléaire », ajoute Julien Sautjeau. 

Les con­clu­sions du pro­jet ? « Dans l’étude, on a élaboré dif­férents scé­nar­ios d’implantation des pan­neaux PV. Nous avons agi comme des assis­tants à maîtrise d’ouvrage. On y détaille ain­si tant les gains poten­tiels que les risques liés à chaque instal­la­tion que ce soit sur les toits des bâti­ments, au sol, ou encore sur des ombrières de park­ing. C’est en quelque sorte un diag­nos­tic que l’on a effec­tué pour le compte de la DPI », con­clut Fabi­en Lamarque. 

Nathalie Molines est maître de con­férences en géo­gra­phie à l’UTC depuis 2006. Elle est rat­tachée à l’unité de recherche AVENUES, et tra­vaille sur les ques­tions d’aide à la déci­sion pour la tran­si­tion des territoires. 

Afin de tenir ses engage­ments inter­na­tionaux en matière de réduc­tion des émis­sions de gaz à effet de serre (EGES), la France doit réduire dras­tique­ment les EGES des trans­ports et en par­ti­c­uli­er celles du trans­port indi­vidu­el. Une des voies de réduc­tion est celle de l’électromobilité. Cepen­dant, celle-ci implique, en amont, un déploiement opti­misé de bornes recharges. 

La réduc­tion des EGES liées au trans­port ? « Dans l’agglomération de Com­piègne, par exem­ple, les trans­ports indi­vidu­els représen­tent 16 % des émis­sions de GES, c’est la troisième source d’émissions der­rière les habi­ta­tions et l’agriculture. Il y a plusieurs manières de réduire les EGES. Il s’agit de trans­former les habi­tudes des gens en les inci­tant à pren­dre les trans­ports en com­mun ou leur vélo, par exem­ple. On doit, pour cela, tra­vailler sur les formes urbaines en den­si­fi­ant les zones desservies par les trans­ports col­lec­tifs plutôt que de choisir l’étalement urbain, mais aus­si dévelop­per les mobil­ités douces en amé­nageant des pistes cyclables et enfin, bas­culer une part non nég­lige­able du parc auto­mo­bile ther­mique vers l’électrique. Les inci­ta­tions finan­cières pour l’achat d’un vélo ou d’un véhicule élec­trique sont là pour faciliter cette tran­si­tion », assure-t-elle. 

Des mesures qui, si elles aboutis­sent, vont prob­a­ble­ment aug­menter le nom­bre de véhicules élec­triques en cir­cu­la­tion. Ain­si, entre 2018 et 2021, le nom­bre d’immatriculations de voitures élec­triques a aug­men­té de plus de 400 % (source Avere-France) ! Le nom­bre de points de recharge peine à suiv­re. « En 2018, on avait une borne pour un peu moins de 7 véhicules. Ce qui fai­sait moins d’une borne par com­mune. De ce fait, ce sont essen­tielle­ment des per­son­nes vivant dans des maisons indi­vidu­elles qui acquièrent un véhicule élec­trique », observe Nathalie Molines. 

D’où la volon­té de la France et des autres pays européens d’accroître le réseau des bornes de recharge élec­trique mais aus­si d’en opti­miser l’implantation territoriale. 

En tant que géo­graphe, Nathalie Molines a essen­tielle­ment tra­vail­lé sur les ques­tions de plan­i­fi­ca­tion et d’optimisation des bornes de recharge à l’échelle de la ville. 

L’idée ? « C’est de réfléchir en amont à la local­i­sa­tion des bornes afin de définir les lieux où elles seront les plus utiles et les plus util­isées. En effet, lors d’une journée d’études avec les dif­férents corps de métiers impliqués dans cette thé­ma­tique, on a com­pris que cer­taines bornes instal­lées en place par exem­ple dans les Hauts-de- France n’étaient jamais util­isées ou alors si peu. Il s’agit égale­ment de réfléchir au bon type de bornes à installer puisque, selon les mod­èles, la recharge peut être plus ou moins rapi­de Enfin, il s’agit de faire preuve d’anticipation sur leur impact sur le réseau élec­trique. Ce qui relève des travaux de Manuela Sechi­lar­iu et Fab­rice Loc­ment », explique-t-elle. 

Une méthodolo­gie d’analyse des poten­tial­ités du ter­ri­toire a été dévelop­pée dans le cadre du pro­jet MOBELCITY et testée sur la ville de Com­piègne. Un out­il de recherche amont d’implantations poten­tielles de bornes, util­is­able sur la total­ité du ter­ri­toire français, a égale­ment été dévelop­pé. Il est gra­tu­it et disponible en ligne. 

L’état de l’art en matière d’urbanisme et d’optimisation ? « Plusieurs méth­odes exis­tent pour plan­i­fi­er et opti­miser ces réseaux. Il s’agit d’abord d’analyser la capac­ité du réseau exis­tant à absorber une demande sup­plé­men­taire, de con­naître la local­i­sa­tion des util­isa­teurs types pour la local­i­sa­tion des bornes et enfin observ­er les usages d’un ter­ri­toire afin de définir le type de recharge à déploy­er », con­clut Nathalie Molines. 

Doc­tor­ant à l’UTC depuis 2019, Saleh Cheikh Mohamad a présen­té sa thèse en octo­bre 2022. Elle porte sur l’optimisation des flux énergé­tiques dans les sta­tions de recharge ali­men­tées par le PV et dédiées aux VE. 

C’est dans le cadre de son stage effec­tué à l’UTC au sein du lab­o­ra­toire Avenues qu’il com­mence à s’intéresser à ces thé­ma­tiques. « Il s’agissait de dévelop­per une inter­face graphique per­me­t­tant l’interaction entre l’utilisateur et le micro-réseau ou la sta­tion de recharge des véhicules élec­triques (VE) », dit-il. Par­tic­i­pant active­ment aux pro­jets PV2E_Mobility et IEA PVPS Task 17, Saleh Cheikh Mohamad explo­ra, dans le cadre de sa thèse, dif­férentes prob­lé­ma­tiques liées à l’optimisation de la ges­tion d’énergie pour les sta­tions de recharge. 

« Il s’agissait d’abord de com­pren­dre le sys­tème énergé­tique d’une sta­tion de recharge ali­men­tée par des pan­neaux pho­to­voltaïques (PV), dotée d’un sys­tème de stock­age, d’une con­nex­ion au réseau et dédiée à l’alimentation des VE. Ensuite, il nous fal­lait opti­miser le flux d’énergie, entre les dif­férentes sources d’alimentation – le PV, le stock­age, le réseau – afin de min­imiser le coût énergé­tique pour l’utilisateur. Ain­si, selon que l’on soit en heures creuses ou en heures de pointe, le coût énergé­tique du réseau est dif­férent. À savoir, moins élevé dans le pre­mier cas que dans le sec­ond. L’interface pro­pose trois seuils de recharge – lente, moyenne ou rapi­de. Une inter­face mul­ti­critère donc pour éclair­er l’utilisateur. Enfin, l’optimisation est lancée en temps réel à chaque arrivée et départ des VE », détaille-t-il. 

Une inter­face qui per­met à l’utilisateur d’indiquer ses préférences et, grâce à un algo­rithme intel­li­gent inté­grant, y com­pris des prévi­sions horaires d’irradiation de Météo France, l’optimisation se fait en temps réel. « Selon le choix fait par l’utilisateur, la recharge se fera directe­ment par PV, par le stock­age ou par le réseau ou encore un mix des trois basé sur les résul­tats d’optimisation », décrit-il. 

Autres axes de recherche ? « Il s’agit de la prob­lé­ma­tique de V2G (vehi­cle to grid). Dans ce cas de fig­ure, ce sont les véhicules élec­triques qui peu­vent ali­menter le réseau en cas de pic de con­som­ma­tion. Cela a l’énorme avan­tage d’envoyer instan­ta­né­ment de l’énergie dans le réseau plutôt que redé­mar­rer une cen­trale à char­bon par exem­ple. Bien enten­du, dans la prob­lé­ma­tique liée au véhicule élec­trique, les aspects pure­ment envi­ron­nemen­taux tels la durée de vie ou encore le recy­clage des bat­ter­ies néces­si­tent des études appro­fondies », con­clut Saleh Cheikh Mohamad. 

Ingénieure de recherche, Amalie Alcha­mi a rejoint le lab­o­ra­toire Avenues après un stage à Rober­val. Elle tra­vaille sur PV2E_Mobility mais aus­si le pro­gramme inter­na­tion­al IEA PVPS Task 17. 

Son rôle pré­cis sur la plate­forme STELLA ? « Je tra­vaille avec Saleh, sur la par­tie expéri­men­tale des sta­tions de recharge. J’effectue des tests afin d’étudier dif­férents pro­fils de recharge, à par­tir de divers critères, dans le but de dimen­sion­ner les sta­tions de recharge d’une manière opti­male pour répon­dre à la demande. 

Par­mi les critères, on peut pren­dre par exem­ple le nom­bre de véhicules élec­triques (VE) con­nec­tés à un instant, le flux et la demande énergé­tique ou encore la décharge des VE pour ali­menter le réseau en cas de pic de con­som­ma­tion. Ce que l’on appelle vehi­cle to grid (V2G) », indique-t-elle. Sa mis­sion ne s’arrête cepen­dant pas là puisque Amalie Alcha­mi par­ticipe égale­ment au pro­jet PV2E_Mobility mais aus­si à la tâche 17 du pro­gramme inter­na­tion­al IEA PVPS. « Dans le cadre de ce dernier, j’ai dévelop­pé un out­il de prédi­men­sion­nement des sta­tions de recharge ali­men­tées par des pan­neaux PV en prenant en compte l’analyse du cycle de vie. Autrement dit, on doit analyser la per­for­mance d’une sta­tion de recharge sur la total­ité de sa durée de vie, soit 30 ans dans notre cas », souligne-t-elle. Les vari­ables retenues dans l’outil ? « On y intè­gre notam­ment la local­i­sa­tion des sta­tions, le niveau des irra­di­a­tions solaires ain­si que les con­traintes géo­graphiques mais aus­si la prob­lé­ma­tique des coûts . Il y a le coût des pan­neaux, des bat­ter­ies et des bornes retenues, celui de la main­te­nance – net­toy­age des PV, rem­place­ment des bat­ter­ies et des con­ver­tis­seurs, par exem­ple – et enfin les coûts d’exploitation. On doit ain­si pou­voir cal­culer le bilan total en ten­ant compte des revenus sur les 30 ans », précise-t-elle. 

Mais les aspects envi­ron­nemen­taux et notam­ment l’empreinte car­bone de telles sta­tions de recharge sont, tout naturelle­ment, pris en compte. « On doit réduire au max­i­mum cette empreinte dans tous les élé­ments util­isés mais aus­si inté­gr­er l’empreinte liée à l’installation et la main­te­nance des com­posantes », ajoute Amalie Alchami. 

Par­mi les pistes de réduc­tion envis­agées ? « On peut utilis­er des PV ou des bat­ter­ies nou­velle généra­tion dont l’impact car­bone est rel­a­tive­ment bas ; on peut égale­ment faire appel à des matéri­aux recy­clés. On a ain­si con­stru­it plusieurs scé­nar­ios et on a abouti à un mod­èle de sta­tion dont l’impact car­bone s’avère plus faible que celui du réseau nation­al. Ce dernier, basé essen­tielle­ment sur le nucléaire, étant déjà sig­ni­fica­tive­ment décar­boné par rap­port à d’autres réseaux nationaux », conclut-elle. 

Diplômé ingénieur d’IMT Atlan­tique, spé­cial­ité énergie-envi­ron­nement, Nathanel Dougi­er pour­suit par une thèse aux Arts et Métiers à Aix-en-Provence. Il s’intéresse aujourd’hui à l’enjeu des bus électriques. 

Le thème de sa thèse ? « J’ai tra­vail­lé sur les micro-réseaux et plus par­ti­c­ulière­ment sur le dimen­sion­nement des dif­férentes tech­nolo­gies et les straté­gies de pilotage asso­ciées tout en inté­grant des objec­tifs envi­ron­nemen­taux, tech­niques et économiques. Prenons le cas d’une ville. Elle peut con­crète­ment avoir des objec­tifs d’autonomie, de réduc­tion des coûts ou des émis­sions. Cela sup­pose de choisir les tech­nolo­gies adap­tées afin d’atteindre de bons com­pro­mis entre les objec­tifs fixés », explique-t-il. Une thèse qui lui per­met de décrocher un poste de chercheur en post-doc­tor­at au lab­o­ra­toire Avenues. Il y tra­vaille sur le pro­gramme sci­en­tifique PVPS Task 17 de l’AIE et sur sa con­tri­bu­tion française PV2E_Mobility, financée par l’ADEME.   

Par­mi ses mis­sions prin­ci­pales ? « En plus de mes travaux de recherche, j’assiste Manuela Sechi­lar­iu dans le pro­jet dédié à la tâche 17 du pro­gramme inter­na­tion­al de l’AIE. Il s’agit en par­ti­c­uli­er de par­ticiper à l’élaboration du rap­port final. Ce dernier com­pil­era l’état des recherch­es des dif­férentes équipes inter­na­tionales col­lab­o­rant à ce pro­gramme », souligne-t-il. 

Toute­fois, son rôle ne s’arrête pas là puisque Nathanael Dougi­er s’intéresse égale­ment à un autre enjeu lié à la mobil­ité, celui du bus élec­trique. « Avec le bus, on fait face à des prob­lé­ma­tiques très dif­férentes de celles de la voiture élec­trique. En effet, de fortes con­traintes pèsent sur le trans­port par bus notam­ment en matière de con­ti­nu­ité de ser­vice pour les usagers mais aus­si de recharge. On estime par exem­ple qu’une voiture élec­trique a besoin d’une puis­sance de 7 kW en recharge lente, 50 kW en recharge rapi­de. Par com­para­i­son, les bus en recharge rapi­de ont besoin de 600 kW, soit l’équivalent d’une cen­taine de foy­ers en ter­mes d’appel de puis­sance », précise-t-il. 

Un domaine qui pose des défis majeurs, surtout en ter­mes de con­traintes sur le réseau élec­trique. « Pour les bus, il peut y avoir dif­férents modes de recharge. Ils peu­vent par exem­ple se recharg­er la nuit au dépôt. Mais cela sup­pose qu’ils soient équipés de très gross­es bat­ter­ies. Ils peu­vent aus­si effectuer des recharges de quelques secondes/minutes en journée aux ter­mi­nus en bout de ligne ou à cer­tains arrêts. Cela a en revanche des impacts sur le trans­port des pas­sagers ou encore sur le réseau élec­trique en cas d’appel d’une forte puis­sance. Un cas de fig­ure qui néces­sit­erait l’installation de nou­veaux câbles, trans­for­ma­teurs, etc. Il s’agit donc, dans une pre­mière phase, d’établir l’état de l’art en la matière », con­clut Nathanael Dougier. 

Étu­di­ante en dernière année en génie urbain, spé­cial­ité Bâti­ment, à l’UTC, Mathilde Boesch est respon­s­able de l’atelierprojet dédié à l’acceptabilité sociale et l’impact socié­tal des sta­tions de recharge ali­men­tées par PV. 

C’est à la suite d’un appel à pro­jet de l’ADEME que cet ate­lier-pro­jet durant 6 mois et auquel par­ticipent 12 étu­di­ants a été mis en place. Son rôle en tant que respon­s­able de l’atelier-projet ? « Je fais un point à chaque séance pour présen­ter aux encad­rants l’avancement du pro­jet et faire l’ordre du jour de la séance. Puis, avec le groupe, on se répar­tit l’ensemble les tâch­es à effectuer dans la journée », assure-t-elle. 

Une étude qui fait suite à une étude sim­i­laire effec­tuée en 2018. L’objectif ? « Il s’agit de véri­fi­er si l’état d’esprit des Français a évolué sur la ques­tion de l’électromobilité et l’utilisation d’énergie PV, d’autant que l’on con­state que les ventes de VE con­nais­sent une forte crois­sance depuis 2019. Il s’agit égale­ment de véri­fi­er l’acceptabilité de bornes avec ges­tion intel­li­gente de l’énergie per­me­t­tant un échange bidi­rec­tion­nel. À savoir que le VE peut recevoir de l’énergie stock­ée des PV mais aus­si ali­menter sa mai­son par exem­ple ou le réseau nation­al en cas de pic de con­som­ma­tion », estime-t-elle. 

Les dif­férentes étapes de l’étude ? « On a com­mencé par une enquête qual­i­ta­tive lors d’entretiens semi-direc­tifs avec des util­isa­teurs de VE mais aus­si d’autres types de trans­ports. De la soix­an­taine de répons­es, on a émis un cer­tain nom­bre d’hypothèses à véri­fi­er lors d’une enquête quan­ti­ta­tive avec la mise en place d’un ques­tion­naire. Nous voulions un échan­til­lon plus large et représen­tatif de la pop­u­la­tion française et à ce jour, près de 800 per­son­nes ont répon­du », précise-t-elle. 

L’analyse des répons­es ? « Une analyse ques­tion par ques­tion puis une analyse glob­ale ont été effec­tuées ; suiv­ies d’une com­para­i­son avec l’étude de 2018 afin de voir si les men­tal­ités ont évolué et com­ment. On essaie d’une cer­taine manière de con­naître l’état d’esprit des Français par rap­port à l’électromobilité pour cibler les freins et attentes à cette évo­lu­tion », con­clut Mathilde Boesch. 

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