Le vitrage du futur s’invente à l’UTC
La Chaire Surfaces intelligentes et transparentes pour l’automobile du futur, débutée en novembre 2019 est la première soutenue par la Fondation UTC pour l’Innovation. Il s’agit d’une chaire industrielle sur les surfaces verrières intelligentes menée en relation étroite avec l’entreprise Saint-Gobain Sekurit basée à Compiègne.
La Chaire SITAF traite différentes problématiques en lien avec le développement du cockpit automobile du futur et plus spécifiquement sur le rôle du vitrage dans celui-ci. « Quand on parle d’automobile du futur, on imagine un véhicule autonome avec des vitrages innovants. Les innovations technologiques au sein de cette chaire sont produites par Saint-Gobain. À travers ces innovations, de nouvelles questions se posent et vont nous conduire, en tant que chercheurs, à poser de nouveaux problèmes et proposer de nouveaux outils pour les résoudre. C’est notre rôle de traduire les problématiques posées par les industriels en questions scientifiques, » explique Delphine Brancherie, enseignant-chercheur au laboratoire Roberval de l’UTC qui en assure l’animation scientifique depuis 2020. Les travaux de recherche ont été menés au travers notamment de deux thèses de doctorants encadrés par des enseignants-chercheurs des laboratoires Roberval et Heudiasyc.
Au sein du laboratoire de mécanique Roberval, la thèse acoustique est conduite par Alexandre Berthet, 27 ans, et porte sur le développement de super-éléments pour la simulation dynamique des structures multicouches viscoélastiques. « Il s’agit de répondre à une problématique importante soulevée par l’industriel, à savoir la confidentialité. Le sous-système qui nous intéresse ici est le pare-brise constitué d’un assemblage de feuilles de verre et d’une couche intermédiaire en polymère dont le comportement viscoélastique doit rester confidentiel afin de pouvoir procéder à des échanges de modèles numériques avec les constructeurs automobiles, détaille-t-il. Dans le cadre de la Chaire, le développement des super-éléments pour le pare-brise a fait l’objet de mon travail de thèse, débuté en novembre 2019 et soutenu en décembre dernier, et dont l’objectif principal est de permettre l’échange des modèles de vitrages tout en assurant la non-divulgation des informations confidentielles. »
Décrypter des données cryptées
Le stage d’Antoine Montesinos traitait de l’optimisation d’une méthode de réduction de modèle numérique d’un pare-brise automobile. Le post-doc de Christophe Langlois, 29 ans, est intitulé Identification expérimentale du comportement dynamique d’un pare-brise automobile et processus de reverse engineering à partir d’un modèle réduit. Il a été mené de février 2022 à février 2023. « Mon travail a consisté à déceler ce qui est caché, à retrouver les propriétés mécaniques du modèle de pare-brise crypté. Cela s’appelle du reverse engineering. Il s’agit d’évaluer la possibilité d’identification des caractéristiques mécaniques des matériaux à caractère confidentiel à partir de la seule fourniture du modèle réduit de pare-brise, »
Pour l’industriel, contribuer à générer un état de l’art sur les méthodes de reverse engineering appliquée aux structures laminées contenant un matériau viscoélastique, mais aussi de résultats expérimentaux provenant de l’analyse vibratoire d’une structure laminée et les confronter aux résultats numériques est très intéressant. « Nous sommes très exigeants sur les performances de nos vitrages. Ils doivent être les meilleurs pour assurer la sécurité des occupants et leur apporter un confort optimal dans l’automobile. Pour cela, nous avons la volonté de co-développer des solutions innovantes avec les constructeurs automobiles tout en gardant la maîtrise des matériaux et technologies utilisés dans les vitrages. Dans le cadre de la Chaire avec l’UTC, nous avons donc choisi de développer une méthode de cryptage qui nous permette de mettre à disposition des constructeurs les propriétés essentielles de nos vitrages. Les travaux de recherche sur le décryptage ont pour but de vérifier la robustesse de cette méthode de cryptage et donc de notre maîtrise technologique. La Chaire avec l’UTC est très importante pour nous au-delà des travaux scientifiques puisqu’elle nous met en relation avec un vivier de talents, et à tout un écosystème de compétences. Ce qui est une formidable opportunité pour Saint-Gobain, » affirme Jérôme Gilles, directeur adjoint de Saint-Gobain Recherche Compiègne. Le laboratoire Roberval avait déjà tissé des liens avec Saint-Gobain sur d’autres projets autour du verre et du métal.
« Les travaux de recherche portent leurs fruits. Nous connaissons bien l’entreprise Saint-Gobain. Pour les doctorants, une thèse c’est aussi une formation, comme par exemple sur la modélisation numérique, » conclut Jean-Daniel Chazot, responsable de la filière acoustique et vibration pour l’ingénieur au département ingénierie mécanique du laboratoire Roberval.
À l’origine, il y a la Fondation de l’UTC : la Fondation UTC pour l’innovation
La Fondation a été le catalyseur qui a permis de mettre en relation industriels et compétences de l’UTC dans une démarche partenariale propice à construire des projets et explorer les solutions technologiques de demain aux côtés des acteurs de l’innovation. La Fondation, créée en 2018, finance et soutient cette Chaire. « La Chaire sur les surfaces verrières intelligentes a été le premier programme soutenu par la Fondation. Elle constitue un marqueur fort d’un partenariat privilégié et durable avec le groupe Saint-Gobain, acteur historique du territoire pour ses activités verrières. C’est aussi un acteur mondial dans l’innovation, incontournable tant en recherche pour avancer sur les enjeux technologiques de demain, qu’en formation : de nombreux étudiants-ingénieurs de l’UTC y effectuent leur stage, et de nombreux diplômés rejoignent le groupe » souligne Sylvie Lemonnier-Morel, Secrétaire Générale de la Fondation UTC pour l’Innovation. La vocation de la Fondation est bel et bien de lever des fonds, de promouvoir par ses actions le développement de l’UTC et de soutenir des projets innovants porteurs de sens auprès de la société.
Une thèse « réalité augmentée » à Heudiasyc
Baptiste Wojtkowski, 26 ans, soutiendra en mars sa thèse intitulée « Validation de retours multimodaux pour le cockpit multisensoriel en environnement virtuel immersif dans le cas de l’inattention du conducteur. » Il fut encadré par Indira Thouvenin, enseignant-chercheur du laboratoire Heudiasyc et Veronica Teichrieb du laboratoire Voxar labs au Brésil, mais également par Pauline Merveilleux chez Saint-Gobain. « Les industriels se sont rendus compte que les véhicules totalement autonomes ce ne sera pas encore totalement possible dans un futur proche. Il faut encore apprendre à ces véhicules à gérer les situations complexes comme un défaut de marquage au sol, des capteurs défaillants du véhicule, comment accélérer et ralentir et surtout informer le conducteur de la raison de la reprise de contrôle, bref assurer la bonne compréhension du conducteur, résume l’étudiant en génie informatique. Ce sont surtout ces deux derniers aspects qui nous ont intéressés. J’ai beaucoup aimé travailler depuis trois ans sur ce sujet au sein d’un laboratoire avec une animation scientifique de qualité. » La Région a co-financé cette thèse, via des fonds Feder, tout comme la thèse acoustique d’Alexandre Berthet.
Le laboratoire Heudiasyc et le cockpit multisensoriel
Trois questions à Indira Thouvenin, enseignant-chercheur du laboratoire Heudiasyc qui a co-encadré avec Veronica Teichrieb du laboratoire Voxar labs au Brésil, la thèse intitulée « Validation de retours multimodaux pour le cockpit multi sensoriel en environnement virtuel immersif dans le cas de l’inattention du conducteur. »
Quel est le contexte de recherche qui a conduit à cette thèse ?
On sait aujourd’hui que le véhicule autonome présente de trop grand risques, et qu’il faut la présence du conducteur dans certaines situations complexes ou ambiguës. On parle alors de véhicule hautement automatisé (VHA), qui permet la reprise en main de la conduite par le conducteur. La reprise de contrôle est une tâche cognitive complexe impliquant un transfert de connaissance de l’automate au conducteur. Nous proposons donc des aides avec de la réalité augmentée affichée sur le pare-brise. Ces aides doivent s’adapter à la situation mais aussi à l’attention ou l’inattention du conducteur, sinon ce dernier ne les regarde plus, voire est dérangé par ces affichages permanents. Il faut donc décrire l’état du conducteur, avec des capteurs mais aussi un modèle prenant en compte son état, ses actions, son regard afin de générer des feedback au bon moment et au bon endroit sur le pare-brise. Notre simulateur de conduite semi-autonome permet de tester des scénarios, d’afficher des feedback adaptatifs en environnement virtuel et de vérifier que ces feedback aident à la reprise de contrôle, sur autoroute par exemple.
Quel est donc votre apport scientifique à la réalité industrielle de l’entreprise Saint-Gobain?
Notre apport scientifique est de proposer un modèle qui sera utile au vitrage intelligent car la surface du pare-brise devient une interface de réalité augmentée. De nombreux projets existent déjà sur ce thème, et sont industrialisés. Mais ce que nous apportons, ce sont des descripteurs de l’état du conducteur, pour la situation de conduite sur autoroute. Nous apportons aussi la preuve que le modèle est utile, car nous le testons en simulateur, et nous avons des résultats sur l’intérêt de notre approche. Heudiasyc est une unité mixte de recherche entre le CNRS et l’UTC. Ce projet rentre dans la thématique « Autonomie des robots mobiles en interaction avec l’humain ». L’objectif est de contrôler et de faire naviguer un système autonome dans un environnement ouvert et complexe et étudier comment le robot peut gagner en autonomie en présence de l’opérateur humain.
En quoi la thèse « Validation de retours multimodaux pour le cockpit multisensoriel en environnement virtuel immersif dans le cas de l’inattention du conducteur » est-elle pertinente pour l’automobile du futur?
Le VHA devient un cockpit multisensoriel, une sorte de cabine équipée de capteurs, et d’affichages visuels, sonores, ou même permettant de ressentir le toucher du système. On peut comparer cela à la cabine d’un avion dans laquelle le pilote automatique exerce le contrôle. Mais le pilote doit rester en éveil, et intervenir rapidement en cas de problème. L’humain ne peut rapidement vérifier tous les capteurs, et a besoin d’interfaces dites adaptatives, c’est-à-dire qu’elles s’adaptent à son état à l’instant t. Ce sont des interfaces multimodales car elles sont aussi bien sur le mode visuel, le mode sonore, le mode haptique qui est celui du sens du toucher.