La success-story des matériaux composites
Conscient de l’impact environnemental qu’a le secteur aéronautique notamment sur la planète, l’équipe de Zoheir Aboura entretient des partenariats avec de nombreux industriels comme Safran, pour répondre aux défis technologiques de l’aéronautique, de l’espace et de la défense. Les matériaux composites ont la côte.
Zoheir Aboura est professeur des universités. Il dirige l’équipe Matériaux et Surfaces au sein du laboratoire Roberval (Mécanique, Acoustique et Matériaux) de l’université de technologie de Compiègne. Son travail repose, entre autres, sur le développement des connaissances sur le comportement mécanique des matériaux composites. L’équipe de Zoheir Aboura entretient, en effet, des partenariats avec de nombreux industriels intéressés par les retombées de ses recherches notamment dans le développement de techniques d’investigation originales, pour la détection, le suivi et la compréhension des mécanismes d’endommagement, très complexes dans le cas des matériaux composites notamment à architectures de renforcement 3D.
En particulier, le groupe industriel Safran y trouve des réponses aux défis technologiques dictés par les impératifs de l’aéronautique, de l’espace et de la défense. « Le développement de matériaux nouveaux dans le secteur aéronautique repose sur des enjeux climatiques forts. Les matériaux composites organiques ou céramiques ont des propriétés spécifiques (rapport entre la propriété intrinsèque et la densité) très élevées, ils deviennent donc très concurrentiels. Ils permettent d’alléger les structures. C’est le maître mot dans l’aéronautique. Ce qui ouvre la voie aux économies d’énergie et par conséquent réduire l’impact sur l’environnement », expose Zoheir Aboura.
Matériaux intelligents
Les travaux de recherche en cours s’orientent vers le développement, pour les industries aéronautique, spatiale et automobile de matériaux à la fois « intelligents » et « communicants » pour un suivi de leur état de santé en continu. Cela signifie la possibilité de réduire les coefficients de sécurité (dimensionnement au plus juste) et donc potentiellement moins lourds donc moins de carburant, moins de pollution, mais aussi plus de sécurité. La success-story de ces nouveaux matériaux repose sur des gains de performances et des réductions : réduction des rejets de gaz polluants, réduction des débris, du bruit, réduction des masses des moteurs et augmentation des rendements. « Les enjeux sont énormes.
Au laboratoire Roberval, une équipe de six chercheurs, trois doctorants et trois post-docs travaillent sur ces sujets. La protection de l’environnement est importante. Nous y contribuons depuis longtemps en cherchant à alléger les structures. Lorsque j’ai commencé, j’étais déjà alerte sur ces questions. Aujourd’hui, nous le sommes encore plus. Collaborer avec des industriels qui s’en préoccupent est capital également pour nous, cela permet de mettre en application les produits de la recherche », insiste Zoheir Abura.
Des ingénieurs acteurs
Safran a réalisé une véritable rupture technologique en introduisant les matériaux composites à renfort 3D au sein de ses moteurs sous l’impulsion de Bruno Dambrine, expert émérite à Safran. Ainsi, sous sa conduite, les premiers travaux ont débuté dans les années 1995- 1996, à la recherche de matériaux candidats pour la réalisation des aubes fans en remplacement du titane. L’UTC a été impliquée très tôt dans les premières recherches pour accompagner Safran. Une décennie plus tard et plusieurs centaines de millier d’heures de recherches, de tests et de calculs, le moteur LEAP est certifié (2016).
C’est le développement de composites à renfort tissés 3D obtenus par injection RTM (Resin Transfert Molding) qui a permis la création d’une nouvelle génération des aubes et du carter de la soufflante dans le moteur LEAP. Cela a ainsi véritablement révolutionné la conception des moteurs. En effet, plus légers et plus résistants que les métaux et alliages qu’ils remplacent, les matériaux composites représentent un axe de progrès considérable pour l’industrie aéronautique. Ils sont l’une des innovations majeures du nouveau moteur LEAP, sélectionné par Airbus pour propulser son A320neo, par Boeing pour son 737-MAX, et par COMAC pour son C‑919. Le moteur LEAP a permis une réduction de masse de 450 kg, il est moins polluant (réduction de 16 % des émissions CO2 et 50 % de NO) et permet une diminution de 15 dB du niveau sonore. Les recherches en cours sur de nouvelles générations de matériaux (comme les composites à matrice céramique pour des applications très hautes températures) et leur introduction dans les moteurs permettent d’espérer des gains de masses et des rendements supplémentaires.
« Il y a encore beaucoup de travail pour nos ingénieurs et docteurs dans ces domaines. Développer de nouveaux matériaux, comprendre leurs comportements, développer des modèles robustes, les intégrer dans les codes de calculs pour un dimensionnement au plus juste (réduction des facteurs de sécurité appelés aussi facteurs d ignorance), conclut-il. Ce sont autant de leviers qui permettront de contribuer à la réduction de notre impact sur l’environnement. Nous formons donc nos ingénieurs et docteurs dans cette optique. Ils seront demain des acteurs majeurs au sein des entreprises et auront donc un rôle primordial pour réduire notre empreinte environnementale. Le réchauffement climatique nous influence tous et il devient donc l’affaire de tous. »