50 : Aéronautique, des liens forts avec l’industrie
Créé en 2000 par la fusion du laboratoire LG2mS (Laboratoire de génie mécanique pour les matériaux et les structures) et d’autres unités de recherche, Roberval fut, dès sa fondation, placé sous la double tutelle de l’UTC et du CNRS. Les caractéristiques de Roberval ? L’on peut citer notamment les équipes de recherche reconnues dans leur domaine respectif et les forts liens avec l’industrie.
À la suite du rapprochement avec le LEC, les 5 équipes se sont spécialisées dans les domaines suivants : mécanique numérique, acoustique et vibrations, matériaux et surfaces, mécatronique, énergie, électricité, intégration et enfin systèmes industriels :produit / process. Prenons l’équipe Mécanique numérique, par exemple. “Il s’agit de développer des techniques de corrélation essais-calculs robustes et d’élaborer des méthodes et modèles numériques spécifiques et originaux afin de résoudre et optimiser des problèmes multiphysiques complexes”, explique Jérôme Favergeon. L’équipe Acoustique et vibrations travaille, quant à elle, notamment, sur ” tout ce qui est nuisances sonores tant dans les bâtiments que les véhicules,qu’il faut d’abord identifier, puis caractériser et enfin traiter via des modèles numériques et des outils expérimentaux pour l’optimisation du comportement vibro-acoustique”, ajoute-t-il. Concernant l’équipe Matériaux et surfaces, “ce sont essentiellement des travaux sur trois familles de matériaux : les composites qui intéressent beaucoup l’aéronautique, les alliages métalliques et les polymères nano-chargés, ce qui revient à intégrer des nanomatériaux aux polymères. Le but, quel que soit le matériau, est de comprendre sa structure à différentes échelles pour mieux comprendre comment il va se comporter dans le temps et, in fine, faire de la prévision de durée de vie”, détaille-t-il. Viennent enfin l’équipe Mécatronique, énergie, électricité, intégration essentiellement autour de deux types d’activités : “d’une part, les petits systèmes mécatroniques miniaturisés à basse énergie et, d’autre part les machines nécessitant une forte puissance électrique telles qu’on les retrouve dans la chaîne de traction des véhicules électriques” et l’équipe Systèmes industriels : produit / process dédiée aux chaînes industrielles de fabrication et de conception qui développe “des outils et des méthodes pour la conception intégrée et robuste des produits et des process, pour la continuité numérique dans la chaîne conception-industrialisation-fabrication, ainsi que pour la collaboration multidisciplinaire, tous ces travaux s’intégrant dans la démarche de l’industrie 4.0”, ajoute Jérôme Favergeon.
Quant aux liens de Roberval avec l’industrie, ils sont anciens, nombreux et prennent des formes diverses. L’on peut citer tout d’abord les thèses dont un tiers sont en convention Cifre, c’est-à-dire financées par l’industriel. Les secteurs concernés par les travaux des différentes équipes ? D’abord les transports dans toutes leurs composantes — automobile, aéronautique, ferroviaire, naval — vient ensuite l’énergie, partie prenante du secteur transport, par exemple dans le cas du véhicule électrique et enfin les technologies de la santé,en collaboration avec BMBI, autre laboratoire de l’UTC.
Certains partenariats industriels sont plus formalisés, notamment dans le cadre de la quinzaine d’instituts de recherche technologique (IRT) qui existent sur le territoire. “L’UTC est, par exemple, partie prenante de Railenium, un IRT dédié au ferroviaire, tout comme notamment la SNCF”, souligne Jérôme Favergeon. D’autres se font en dehors de structures préétablies. Ainsi en est-il d’un projet en cours sur l’usure des rails avec la RATP ou encore de nombreux projets avec Safran sur la mise en oeuvre des matériaux composites dans le domaine aéronautique. Enfin dernier type de partenariat — signe de l’image forte de l’UTC auprès des industriels ? -, la mise en place de laboratoires communs avec pour objectifs” une recherche à fond académique tout en servant les besoins en innovation de l’industriel “, explique t‑il. C’est ainsi le cas de celui créé avec Deltacad en relation avec l’équipe Systèmes industriels consacré “à tout ce qui est maquettes numériques et intégration du numérique dans les entreprises industrielles. Ce sera aussi le cas de celui qui va être lancé, à l’automne 2019, avec Arcelor Mittal”, conclut Jérôme Favergeon.
Directeur du laboratoire Roberval depuis 2015, Jérôme Favergeon a mené à bien , en 2018, le rapprochement avec le laboratoire d’électromécanique de Compiègne (LEC). Forte de près de 170 personnes, ce qui en fait le plus laboratoire de l’UTC, la nouvelle unité est organisée en 5 équipes de recherches.
De nombreux étudiants choisissent les études d’ingénieur pour travailler dans l’aéronautique, un secteur qui les passionne. Et qui recrute ! Le label aéronautique de l’UTC va leur permettre de valoriser leurs compétences auprès des entreprises du secteur.
“J’ai toujours été passionnée par l’aéronautique et l’aérospatial, explique Coraline Arzelier, étudiante en ingénierie mécanique. Et, depuis que j’ai fait des UV de mécanique, je suis sûre que c’est le domaine dans lequel je veux travailler.” C’est pour répondre à cet attrait, mais aussi à une demande de plus en plus forte des entreprises de ce secteur, que l’UTC a décidé de mettre en place un label aéronautique. “L’industrie aéronautique française est la deuxième mondiale, annonce Patrice Simard, enseignant chercheur au sein du laboratoire Roberval et responsable du label. Il est donc important de continuer à proposer une formation compétitive, car les besoins sont énormes en ingénierie.” Le futur label aéronautique, qui sera lancé à l’automne, répondra à cette demande.
“Il ne demandera pas de temps de formation supplémentaire, mais orientera les choix de l’élève parmi les enseignements de sa branche et de sa filière et permettra aux étudiants de valoriser leur diplôme et leurs compétences”, complète Patrice.Guillaume, également étudiant en ingénierie mécanique, ne s’y est pas trompé : “Ce label va m’apporter une visibilité supplémentaire et me permettre plus facilement d’obtenir l’emploi que je souhaite.”
Il attirera également des candidats très motivés à l’UTC, comme Coraline : “Beaucoup de mes activités universitaires tournent au tour de l’aéronautique. Faire ce label me permet de montrer aux entreprises que j’ai de l’expérience et des connaissances.” Plusieurs entreprises ont déjà accepté de suivre ce projet ambitieux : Ariane Group, le CNES, Safran-Zodiac, etc. “Nous bénéficierons aussi de l’appui de l’aéro-club local, et travaillons en partenariat avec le Cercle des machines volantes, ajoute Patrice. Avec notre implication dans le projet de conservatoire vivant de l’aviation, nous participons activement à la brique compiégnoise de l’agrégat aéronautique régional.”
Un label accessible aux doubles-diplômes
Pour les étudiants en double-diplôme, ce label est aussi un bon moyen de mettre en avant les compétences acquises à Cranfield. Diane Nguyen, étudiante en ingénierie mécanique et en double-diplôme à Cranfield, a tout de suite saisi l’intérêt du label pour faire carrière dans l’industrie aéronautique.
Mon parcours à l’UTC, par la pluridisciplinarité des UVs, la diversité des projets, et l’opportunité de stages m’a permis de m’orienter vers l’aéronautique. Par exemple, j’ai participé au projet de reconstruction du Latécoère28, via des UV Aéronautiques en partenariat avec l’association le Cercle des Machines Volantes. De même, j’ai pu choisir de réaliser la plupart de mes projets sur des structures aéronautiques, que ce soit le calcul de vibrations d’un fuselage, l’étude aérodynamique du profil d’une aile d’avion…
Enfin, par l’intermédiaire de l’association UTCiel, j’ai passé mon Brevet d’Initiation à l’Aéronautique.Mon double-diplôme à Cranfield me permet une spécialisation dans la conception et le calcul appliqués aux structures aéronautiques, avec une formation constituée de cours théoriques (aérodynamisme, études des matériaux composites, systèmes de l’avion…) directement appliqués sur un projet industriel dans un contexte international. Mon rêve de travailler sur les avions s’est d’ailleurs concrétisé récemment, puisque j’ai décroché un poste chez Safran Aircraft Engines, en tant qu’ingénieur en conception et calcul du moteur M88 équipant le Rafale.
Après une carrière de 25 ans dans l’industrie, notamment chez Dassault Aviation et Renault, Éric Noppe rejoint, en 2010, l’UTC pour occuper la chaire industrielle Hydraulique et mécatronique. Il travaille actuellement sur un projet de drone à transmission de puissance hydraulique en collaboration avec le laboratoire Heudiasyc, le Cetim et Artema. Un démonstrateur est prévu sous un an.
La création de la chaire Hydraulique et mécatronique ? Elle répondait à la volonté de l’UTC de “dépoussiérer une vieille technologie, l’hydraulique, née dans les années 1920 en intégrant des technologies nouvelles, en particulier l’informatique”, explique Éric Noppe. Elle répondait également aux besoins des industriels du secteur de la mécanique. En effet, l’impact du développement de l’informatique est énorme dans toutes les industries. Celui de la mécanique ne fait pas exception. D’où l’émergence du terme mécatronique. “Apparu dans les années 1980 au Japon, il traduit le fait que la mécanique n’est plus seulement une affaire de mécanismes ou de mouvement mais une fonction pilotée intégrant de la commande, de l’électronique et des capteurs”, rappelle-t-il.
Particularité de la chaire industrielle ? Son titulaire est recruté pour son expertise dans un domaine particulier, dans ce cas de figure l’hydraulique de transmission de puissance, avec deux missions :l’une d’enseignement et l’autre de recherche et développement. “Elle est cependant pilotée,au travers de comités, par les industriels qui s’engagent financièrement auprès de l’université tout en respectant les missions qui sont les siennes. À savoir la recherche et l’enseignement. On est là pour apprendre aux étudiants et pour développer des connaissances et de nouveaux concepts même si l’orientation globale est donnée par l’industriel”, souligne Éric Noppe. Et de donner l’exemple de la chaire Vitrage du futur de l’UTC, totalement financée par Saint-Gobain. Dans le cas de la chaire Hydraulique et mécatronique, faute d’un industriel de cette envergure, le financement a été réalisé par plusieurs acteurs : la région Hauts-de-France, l’UIMM (l’Union des industries et métiers de la métallurgie) et le Cetim (Centre technique des industries mécaniques). Ce dernier, créé en 1965 et installé à Senlis en 1971, et l’UTC, créée en1973, ne collaborent-ils pas de façon soutenue et constante depuis leur fondation respective ? Une collaboration tant sur le plan pédagogique que sur le plan de la recherche partenariale qui ne se dément pas. Pour preuve ? Le renouvellement, en 2019, de l’accord-cadre qui les liait.
Un des enjeux aujourd’hui ? C’est notamment de “donner envie aux jeunes de se former à cette technologie afin de répondre aux besoins en ingénieurs des professionnels de transmission de puissance. D’où le projet de drone hydraulique”,ajoute-t-il. Un projet de drone qui a connu deux vies, selon lui. ” La première étape visait surtout à capter l’intérêt des étudiants pour un concept innovant. Ce qui fut un succès. La seconde étape,en cours, vise, en collaboration avec Heudiasyc, le Cetim et Artema, syndicat des industriels de la mécatronique, à développer un drone de service utilisant un système de transmission de puissance hydraulique “, assure-t-il.
Après avoir envisagé un drone de type quadrirotor dans la gamme des 300 à 500 kg — type drone taxi pour Smart City -, avec une capacité d’emport équivalente, ils ont dû, pour des raisons de réglementation sur les vols des appareils de cette taille, réduire la voilure. Ce sera donc un drone de services de moins de 25 kg dont le démonstrateur sera prêt sous un an. Parmi les applications concrètes ? On peut citer la surveillance de sites sensibles, d’événements ou d’ouvrages. D’où l’intérêt manifeste de nombreux industriels.
Professeur des universités depuis 2007, Zoheir Aboura dirige l’équipe Matériaux et surfaces au sein du laboratoire Roberval. Elle est composée de 42 personnes – permanents, doctorants et post-doctorants.
Les axes forts de recherche ? Ils sont trois : l’élaboration et comportement des matériaux composites et polymères, le comportement mécanique et durabilité et enfin tout ce qui touche aux problèmes des surfaces et en particulier la mécanique du contact et de la tribologie. Des thèmes qui, bien entendu,interagissent. “Le premier est particulièrement orienté vers la relation procédé / propriétés. Le deuxième s’intéresse notamment au comportement des matériaux, quelle que soit leur origine, en relation avec la micro, voire la mésostructure de ces mêmes matériaux. Quant au dernier, il a pour but l’étude des surfaces, en particulier les problèmes posés en terme de tribologie, autrement dit les phénomènes liés aux frottements”, explique Zoheir Aboura. “On travaille également sur le lien procédé / propriétés des matériaux métalliques à travers le procédé de fabrication additive de type impression 3D”, ajoute-t-il.
Les partenariats industriels ne s’arrêtent pas là. Ainsi en est-il des liens forts noués avec Safran Group au milieu des années 1990. En effet, dès cette époque,le groupe a commencé à réfléchir à l’introduction de matériaux composites — association de renforts fibreux et d’une matrice polymère — à renfort 3D dans leurs moteurs. “Un programme de recherche ambitieux a été lancé par Safran pour la maîtrise des composites à renfort tissés 3D. Ayant identifié les différents laboratoires par domaines de compétences tant au niveau national qu’international, le groupe a choisi le nôtre afin de travailler sur la compréhension des mécanismes d’endommagement et l’élaboration des scénarios de ruine des ces matériaux. Trois familles de renforcement ont été candidates : le piquage, l’orthogonal et l’interlock”, souligne Zoheir Aboura.
Une collaboration fructueuse puisque Safran Group choisit, finalement, cette dernière architecture,par sa formidable tolérance à l’endommagement, pour les aubes de soufflante et le carter de son moteur Leap. Signe du succès ? Le Leap, entré en service en 2016, équipe tous les Boeing 737 Max,la moitié des Airbus A320 NEO et l’avion chinois le Comac C919. Ses atouts ? Réduction de 15 % de la consommation de carburant et des émissions deCO2, près de 50 % de diminution des émissions de NOx et une réduction significative des émissions sonores. Il est amené à remplacer le CFM 56,moteur le plus vendu au monde, développé par Safran et General Electric.
SAFRAN
Safran est un groupe international de haute technologie opérant dans les domaines de la propulsion et des équipement aéronautiques, de l’espace et de la défense.
- Chiffres d’affaires 2018 : 21 milliards d’euros
- Recherche et développement : 1,5 milliard d’euros en 2018
- Nombre de brevets en 2017 : 850
- Nombre de collaborateurs : 92 000
- N°1 mondial dans les moteurs d’avions civils court et moyen-courriers
- N°1 mondial des turbines d’hélicoptères
- N°1 européen des drones tactiques
Professeur des universités, Salima Bouvier dirige le département Ingénierie mécanique né de la fusion du génie des systèmes mécaniques et du génie mécanique. Elle travaille, au sein de l’équipe Matériaux et surfaces, et pilote, depuis 2015, le projet Optimum financé par l’ANR, en partenariat avec Airbus Industrie et la région Hauts-de-France.
Sur quelles classes de matériaux travaillent les chercheurs de l’équipe Matériaux et surfaces ? “Ils se concentrent sur3 classes de matériaux. À savoir les alliages métalliques, les polymères et les composites3D. Dans le domaine de l’optimisation des solutions matériaux pour le transport, le maître-mot est : allégement des structures pour répondre aux objectifs européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre”, explique Salima Bouvier. Dans le secteur de l’aéronautique,ces préoccupations environnementales motivent plusieurs programmes de recherche en matériaux.
Les différentes pistes pour alléger les structures ? “On peut remplacer certains métaux par des composites à matrice organique, plus légers. Ce qui est possible en zone froide. Lorsqu’on travaille dans un environnement chaud, le cahier des charges, en termes de propriétés des matériaux,nécessite l’usage d’alliages métalliques, voire des céramiques”, souligne-t-elle.Ces matériaux ont toutefois un inconvénient : ils sont chers. L’idée pour réduire au maximum le coût ? “En effet, le coût élevé de mise en oeuvre et d’approvisionnement de certains alliages,comme les bases nickel, amène à les remplacer par d’autres alliages. Il s’agit de remplacer, là où cela est possible, c’est le cas d’un alliage de nickel qu’on remplace pour certaines configurations par des alliages de titane, cela nécessite toutefois d’assembler des bimatériaux”, précise Salima Bouvier.
L’évolution des solutions matériaux dans l’aéronautique est à l’origine des travaux actuels sur l’assemblage de bimatériaux tant dans le cas par exemple du titane et du nickel — assemblage par soudage — que dans celui d’un matériau composite et du titane — assemblage mécanique. Ce qui constitue un enjeu majeur pour l’aéronautique. En témoigne le projet Optimum sur l’assemblage du titane et du nickel par soudage. Un projet au long cours, financé par l’ANR, la FRAE, la région Hauts-de-France, ainsi qu’Airbus Industrie et ACB, un de ses équipementiers spécialisés dans les soudures des matériaux de l’aéronautique.
Enseignant-chercheur, Alexandre Durupt est responsable scientifique, au sein du laboratoire Roberval, du LabCom DIMEXP. Il co-dirige, avec Julien Le Duigou, la thèse d’Émeric Ostermeyer sur le projet Lucid avec, notamment, des partenaires aéronautiques.
Leur équipe part de deux constats. Le premier ? “On a réalisé que les activités de fabrication génèrent énormément de données. On s’est donc intéressé à la question de comment les réutiliser pour accumuler de la connaissance encodée dans ces données”, explique Émeric Ostermeyer. Le second ? “Les programmeurs,en l’occurrence ceux qui créent des programmes d’usinage pour fabriquer des pièces, passent beaucoup de temps sur des activités routinières, et donc moins de temps sur des tâches à plus forte valeur ajoutée”, ajoute-t-il.
L’idée qui guide ce projet ? “Se servir de toutes les données récoltées lors de toutes les phases de fabrication des pièces pour utiliser des techniques de fouille de données, de Machine Learning afin d’automatiser au maximum la partie routinière de la fabrication et dédier plus de temps à des activités plus complexes”, insiste-t-il.
Les partenaires industriels du projet LUCID FUI 21, lancé en 2016 ? Ils sont au nombre de quatre : Safran Group, Hexagon Group NCSimul (éditeur de solutions logicielles), Ventana Taverny,qui travaille essentiellement pour l’aéronautique et l’aérospatiale et UF1, plus généraliste. Des partenaires aéronautiques qui ont “une forte exigence de traçabilité. Il s’agit de pièces qui structurent un moteur d’avion, par exemple les fans ou les aubes. Il est donc d’une importance majeure de savoir, pour chaque pièce, la machine et le programme qui l’ont réalisée tout en ayant une continuité numérique respectée”, rappelle Alexandre Durupt. “On parle de continuité numérique lorsque le transfert d’une information d’un logiciel A à un logiciel B se fait d’une manière automatique, l’humain n’étant là que pour valider ce transfert”, précise Émeric Ostermeyer.
Prenons le cas de Safran. “Ce sont quelque 500 machines d’usinage. Du coup, l’organisation de ces programmes est très complexe. Il y a un grand nombre de logiciels en jeu. D’abord les logiciels de fabrication assistée par ordinateur, qui vont faire le programme de fabrication ; puis les suites logicielles qui vont transformer ce programme en exécutable machine et enfin une partie simulation de ce programme avant de lancer la fabrication “, conclut Alexandre Durupt.
Professeur des universités, Vincent Lanfranchi, primé par plusieurs Best Paper Awards, est enseignant-chercheur à l’UTC. Il est également responsable de M2EI, une des 5 équipes de recherche du laboratoire Roberval qui travaille, notamment, sur le projet d’avion électrique.
Forte de 35 personnes — chercheurs titulaires et doctorants -, l’équipe s’intéresse, en particulier, à “tout ce qui tourne autour de l’énergie et des physiques électriques et mécaniques. En somme de la conversion d’énergie que l’on retrouve dans les actionneurs, les générateurs ou les capteurs mais aussi le stockage d’énergie”, explique-t-il. Des activités que l’on retrouve dans des macrosystèmes, tels que les trains, avions…, mais aussi des microsystèmes où l’on peut avoir des déplacements micrométriques.Autre point fort de l’équipe ? Sa pluridisciplinarité avec, notamment, des compétences reconnues en magnétisme et thermique.
Ces axes de recherche ont, très naturellement, intéressé nombre d’industriels, en particulier dans le secteur des transports — Alstom dans le ferroviaire, Safran dans l’aéronautique et Renault dans l’automobile. Ce dernier est ainsi un des partenaires historiques, en particulier sur la voiture électrique avec des thèses communes en cours mais aussi par le passé. “J’ai été un des co-inventeurs avec dépôt d’un brevet sur le moteur de Zoé”, rappelle Vincent Lanfranchi qui, après le véhicule électrique, s’attelle, avec son équipe, à l’avion électrique.
Au début était l’avion “plus électrique” où “les actionneurs, servant à faire bouger les volets,étaient mécaniques. Avec l’augmentation de la taille des avions, ils devenaient de moins en moins maniables. Dans un premier temps, l’on est tout naturellement passé à des actionneurs hydrauliques. Puis, quand la technologie électrique est arrivée à maturité, les constructeurs y ont vu une manière d’améliorer encore plus la sécurité en doublant les actionneurs hydrauliques par d’autres électriques”, souligne-t-il.
Aujourd’hui, le défi est tout autre. Celui de l’avion électrique du futur. Première question : faut-il garder la même géométrie que l’avion classique ou s’inspirer de l’architecture actuelle des drones,par exemple ? Vincent Lanfranchi privilégie plutôt cette dernière piste à moyen terme, même si d’autres idées sont sur la table, car “l’on peut diviser la puissance nécessaire pour faire voler un engin en choisissant le nombre de moteurs électriques et d’hélices nécessaires, reliés à des batteries”, explique-t-il. Et de déclarer avec enthousiasme que “sur l’avion électrique, l’on est à l’époque des frères Wright”.
Professeur des universités depuis 2015, Emmanuel Perrey-Debain est responsable, au sein du laboratoire Roberval, de l’équipe Acoustique et vibrations. Il co-dirige, avec Emmanuel Lefrançois, une thèse Cifre financée par Airbus Helicopters sur les bruits des systèmes de climatisation.
Avec 17 personnes — enseignants chercheurs, doctorants et post-doctorants -, l’équipe Acoustique et vibrations est la plus petite du laboratoire Roberval. “On forme une vingtaine d’ingénieurs par an. C’est une filière de niche. Aux côtés de l’UTC, il y a deux autres écoles en acoustique et vibrations en France : le Mans et Lyon”, explique Emmanuel Perrey-Debain. Ce nombre devrait toutefois augmenter. “L’offre est, aujourd’hui, nettement insuffisante par rapport à la demande des industriels”, ajoute-t-il. D’autant que travailler avec les industriels est inscrit dans l’ADN de l’UTC en général, et Roberval en particulier.Pour preuve ? C’est ce dernier qui affiche le plus gros chiffre d’affaires de l’université de technologie de Compiègne, au travers d’Uteam — société de recherche contractuelle adossée aux laboratoires UTC et Escom.
Une spécificité qu’Emmanuel Perrey-Debain revendique haut et fort. “On se nourrit de la matière réelle, des problèmes posés au monde de l’industrie et on essaye de trouver des solutions tout en nourrissant la connaissance académique”, insiste-t-il. L’on peut citer, par exemple, le projet HEXENOR, lancé en 2012, faisant partie du programme européen Clean Sky visant à rendre les avions plus propres et moins bruyants. L’objectif de l’UTC et des autres partenaires ? C’est de développer et de fabriquer un silencieux pour hélicoptères, afin de réduire les nuisances sonores émises par le moteur. L’on peut aussi citer les thématiques des thèses récemment achevées ou en cours. L’une sur “l’aéro-vibro-acoustique” ou comment prévoir et minimiser le bruit et les vibrations engendrées parles fluctuations turbulentes de l’écoulement fluide, vient de se terminer. Les secteurs concernés par ce type de problématique ? Le bâtiment, l’automobile, l’aéronautique…
Une autre, en cours, financée par Airbus Helicopters, porte sur les systèmes de climatisation produisant du bruit à des fréquences élevées très gênantes pour le personnel navigant. “Le Graal pour les pilotes d’hélicoptères n’est-il pas, de pouvoir, comme pour les pilotes de ligne, se passer de casque dans l’habitacle ?”, conclut Emmanuel Perrey-Debain.
Mécanique des fluides, trajectométrie… Les membres de l’association UTspace mettent à profit les compétences acquises en cours au service d’un projet fou : lancer pas moins de quatre fusées différentes en juillet !
Cylindre de presque deux mètres reposant sur son banc d’essai près du Fablab de l’UTC, Prométhée est l’une des cinq fusées développées par les étudiants de l’association UTspace. “À l’UTC on apprend la mécanique de façon très poussée, et UTspace permet de l’appliquer dans ledomaine spatial”, affirme Guillaume Buron, président de l’association. “Les étudiants d’UTSpace sont passionnés et s’intéressent à des aspects techniques et d’ingénierie très poussés”, confirme Emmanuel Doré, enseignant chercheur au sein du laboratoire Roberval.
Les étudiants peuvent bénéficier de l’aide de Jérôme Blanc et de Philippe Pouille, enseignants chercheurs au laboratoire Roberval. “Ils leur donnent des conseils en mettant à profit leur expérience en conception et en fabrication, explique Emmanuel. Ils ont aussi réalisé quelques pièces et usinages avec eux.”
Construire une fusée demande des compétences techniques pointues. “Les étudiants apprennent la conception, la communication, la créativité, la rigueur, mais surtout l’autonomie !”, déclare Emmanuel Doré. “Nous mettons les étudiants en tronc commun sur des projets de mini fusées, où ils sont encadrés par des étudiants de branche, complète Guillaume. Les projets de fusées expérimentales sont réservés aux étudiants de branches, car ils nécessitent des compétences plus poussées”. Le point de mire de ces projets ? Le C’space, un rassemblement international proposé par le CNES avec le soutien de Planète Sciences et de l’Armée de Terre sur la base militaire de Tarbes en juillet, où UTspace pourra lancer ses fusées. Vous pourrez suivre les lancements des fusées sur Facebook et Instagram !
Les mini fusées
- Poppins : elle sera munie d’un système de freinage de la descente avec parachute à armature rigide
- Flash : elle effectuera un vol nominal
- Hermès : elle larguera un drone qui reviendra se poser sur le pas de tir
Les fusées expérimentales
- Prométhée : elle sera équipée d’une roue inertielle pour permettre le largage d’un module avec un angle précis par rapport au sol
- Phoenix : elle pourra voler à une vitesse de mach 0,9 (lancement en 2020)