La mouche comme donnée de recherche contre le cancer
Le projet ROBUST vise à étudier la stabilité du cycle cellulaire chez la mouche Drosophile, pour ensuite mettre à jour les réseaux de gènes impliqués dans ce processus. Il s’agit de la première collaboration entre le Laboratoire de Mathématiques Appliquées de l’UTC et le Laboratoire de Biologie du Développement de l’UPMC qui ont dû s’adapter chacun aux méthodes de travail de l’autre…
Les études portant sur le cycle cellulaire sont nombreuses, notamment parce qu’elles s’intègrent dans la recherche contre le cancer. C’est dans ce cadre que prend place ROBUST, financé suite à un appel à projet lancé par Sorbonne Universités en 2014.
“En fait, le Laboratoire de Biologie du Développement de l’Université Pierre et Marie Curie (LBD, UPMC) nous a contactés, avec la volonté de modéliser une partie de ses travaux de recherche. ” indique Ghislaine Gayraud, enseignant-chercheur au Laboratoire de Mathématiques Appliquées de l’Université Technologique de Compiègne (LMAC, UTC)
Le projet, initié par Ghislaine Gayraud, Pascal Moyal (également enseignant-chercheur au LMAC), Frédérique Peronnet et Michel Gho (directeurs de recherche au LBD), a démarré en octobre 2014, pour une durée d’un an. La stabilité du cycle cellulaire s’étudie au travers d’un système modèle, développé dans l’équipe de Michel Gho, des soies mécano-sensorielles présentes sur le thorax de la mouche drosophile. “Les cellules composant les soies mécano-sensorielles présentes sur le thorax de la mouche drosophile subissent un cycle cellulaire particulier appelé endocycle”, explique Frédérique Peronnet. ” La cellule réplique bien son matériel génétique, mais elle ne se divise pas et devient donc polyploïde. Cette polyploïdie est associée à une croissance cellulaire plus importante.
De ce fait, la longueur des soies est proportionnelle au nombre d’endocycles subi par les cellules et la variation de la taille de soies reflète la variation du nombre d’endocycles.” Le projet ROBUST modélise la distribution des soies sur le corps, en incorporant le développement de ces dernières au cours du temps. Le développement des soies est filmé dans le laboratoire de Michel Gho, et les soies sont visualisées à l’aide de différents marqueurs fluorescents. “Grâce à ce dispositif expérimental, on va être capable de suivre le nombre d’endocycles, et donc la progression de la formation des soies, détaille Michel Gho.
” La modélisation de l’apparition des soies permettra de mieux comprendre le développement de ces organes. Ensuite, les observations sont réalisées d’une part sous une une condition dite témoin, correspondant à des mouches “normales” et d’autre part sous une condition dans laquelle la production d’une protéine, la Cycline G, est dérégulée. La Cycline G est une protéine très conservée au cours de l’évolution, notamment chez les vertébrés où elle existe sous deux formes (G1 et G2), explique Frédérique Peronnet. Actuellement, il est montré qu’elles sont dérégulées dans de nombreux processus cancéreux, sans comprendre si elles sont la cause ou la conséquence du phénomène de cancérisation. Notre étude vise à caractériser le rôle de cette protéine dans la robustesse du cycle cellulaire. Nous utilisons la drosophile pour cette étude car elle ne possède qu’une Cycline G, ce qui simplifie l’étude. Les films réalisés vont permettre de suivre la dynamique des endocycles dans chaque cellule, selon que l’on dérégule ou non la Cycline G, afin de déterminer quel est l’effet final sur le développement des soies, et quels sont les gènes impliqués dans ce développement”, enchaîne Ghislaine Gayraud. ” Si le nombre d’endocycles diminue, il y aura moins de grosses cellules et les soies vont être tronquées ou absentes.”
Enfin, les réseaux de gènes importants pour le développement des soies vont être identifiés, en étudiant les différences d’expression de gènes exprimés dans les cellules précurseurs des soies, en conditions normales et lorsque la Cycline G est dérégulée. “L’étude de graphes en génétique est en plein essor en ce moment” , affirme Ghislaine Gayraud. “Dans notre étude, on suppose que quelques centaines de gènes seraient impliqués. C’est déjà beaucoup pour une étude de graphes, surtout qu’il y a beaucoup de nœuds, c’est à dire beaucoup de gènes, mais peu de liaisons significatives entre ces gènes.”
Une fois ces motifs de gènes identifiés, de nouvelles expérimentations pourront être menées afin de déterminer plus précisément leur fonction dans le développement des soies, ainsi que le rôle de la Cycline G.