Un champignon dépollueur

Maître de con­férences en micro­bi­olo­gie, Antoine Fayeulle est chercheur au TIMR. Il y mène notam­ment des recherch­es sur les pro­priétés d’un champignon capa­ble de « digér­er » les hydro­car­bu­res qui se sont accu­mulés au fil des années dans les sols. Le cham­pi­on de la dépol­lu­tion s’appelle Talaromyces helicus.

La pas­sion des champignons, il la doit à des enseignants de l’Université du Lit­toral Côte d’Opale (ULCO) où il fai­sait ses études. « Les chercheurs de l’ULCO ont com­pris que les champignons qui dégradaient la lig­nine du bois n’étaient plus très effi­caces avec les hydro­car­bu­res aro­ma­tiques poly­cy­cliques (HAP) lourds quand inoculés dans les sols. Je me suis donc intéressé aux champignons tel­luriques dès ma deux­ième année de licence, année durant laque­lle j’ai fait un stage volon­taire avec eux », assure-t-il.

Une pas­sion qui ne va plus le quit­ter puisque, dès l’obtention de son diplôme d’ingénieur à l’école supérieure de biotech­nolo­gie de Stras­bourg, il entre­prend de faire une thèse en cotutelle entre l’ULCO et l’université tech­nique de Munich. Une thèse con­sacrée à la bioremé­di­a­tion. Autrement dit à l’utilisation des micro-organ­ismes pour dégrad­er des xéno­bi­o­tiques ou molécules d’origine humaine qui vont impacter l’environnement tels les médica­ments, les cos­mé­tiques, les pes­ti­cides ou encore tous les dérivés du pét­role. « À l’ULCO, les chercheurs tra­vail­laient sur les champignons mais seule­ment en lab­o­ra­toire, alors que l’équipe alle­mande était spé­cial­isée plutôt dans la bioremé­di­a­tion par les bac­téries mais en menant des expéri­ences directe­ment dans les sols. C’est ain­si que durant ma thèse je me suis intéressé à la mycoremé­di­a­tion, en par­ti­c­uli­er à celle des sols », relate-t-il.

Ce qui l’a con­duit à tra­vailler sur les prob­lé­ma­tiques liées aux molécules organiques et aux HAP. Des con­sti­tu­ants naturels du pét­role et du char­bon. Antoine Fayeulle a ain­si fait de la mycolo­gie son ter­rain de recherche pour la bonne cause : celle de l’environnement. « Les champignons sont con­nus pour être meilleurs pour la dégra­da­tion des HAP lourds que les bac­téries. En effet, les champignons peu­vent dégrad­er des molécules com­plex­es – audelà de qua­tre cycles ce qui est le cas des HAP lourds –, alors que les bac­téries ne sont effi­caces qu’avec les molécules dotées d’un, deux ou trois cycles. Ain­si, dans la nature, seuls les champignons savent dégrad­er la lig­nine du bois », précise-t-il.

En rejoignant le lab­o­ra­toire TIMR en 2014 Antoine Fayeulle appor­ta de ce fait des com­pé­tences nou­velles puisque les travaux du lab­o­ra­toire étaient jusque-là tournés essen­tielle­ment vers les bac­téries. Tout en élar­gis­sant ses domaines de recherche à d’autres procédés que la dépol­lu­tion des sols, il n’en gar­da pas moins cette thé­ma­tique comme axe de recherche. « C’est ain­si qu’on s’est mis à tra­vailler sur des com­mu­nautés bac­téries-champignons pour se rap­procher en somme de ce qui se passe dans la nature. Et c’est en dis­cu­tant avec Anne Le Goff du BMBI qui utilise des sys­tèmes microflu­idiques pour voir la défor­ma­tion des glob­ules rouges que l’idée d’un parte­nar­i­at prit forme », assure-t-il.

Un parte­nar­i­at qui va débouch­er sur une thèse en codi­rec­tion avec Anne Le Goff. « Il s’agissait de com­pren­dre com­ment le champignon s’insinuait dans les mico­porosités des sols afin d’accéder aux pol­lu­ants. D’où l’idée de faire pouss­er les champignons dans un sys­tème microflu­idique. On a mis en place deux cham­bres, l’une où on inocule le champignon, une autre pour le pol­lu­ant qui a l’avantage d’être flu­o­res­cent, les deux étant reliées par des micro­canaux. Un dis­posi­tif qui nous a per­mis de voir les mécan­ismes d’incorporation cel­lu­laire du pol­lu­ant et où Talaromyces heli­cus mon­tre toute son effi­cac­ité », con­clut Antoine Fayeulle.

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