51 : L’innovation alimentaire au cœur de la santé de demain

Le lab­o­ra­toire Génie enzy­ma­tique et cel­lu­laire (GEC), une unité mixte CNRS, allie recherche fon­da­men­tale et recherche appliquée autour de deux grands thèmes. Le pre­mier, appelé thème « vert », con­cerne tout ce qui a trait au métab­o­lisme végé­tal et aux biores­sources avec des appli­ca­tions con­crètes, telles le rem­place­ment des huiles minérales par des lipi­des pro­duits par des plantes, ou encore l’utilisation en nutri­tion et san­té de phy­to­com­posés con­nus pour leurs pro­priétés antioxy­dantes et anti-tumorales, comme la béta­nine. Le sec­ond, le thème « rouge », a pour but l’exploration des prob­lé­ma­tiques de bio­mimétisme et de diver­sité bio­molécu­laire avec notam­ment la con­cep­tion de ban­ques de bio­molécules ou la créa­tion de polymères à empreintes molécu­laires dont les per­for­mances de recon­nais­sance sont com­pa­ra­bles à celles des anti­corps. Des recherch­es inno­vantes dont les champs d’application vont du domaine de la san­té, à la cos­mé­tique et à l’agroalimentaire.

Pro­fesseur en génie biologique à l’UTC, Claire Rossi est égale­ment respon­s­able de la fil­ière Inno­va­tion, ali­ments et agrores­sources et de la plate­forme Sci­ence des ali­ments au cen­tre d’innovation.

Ses activ­ités de recherche au sein du lab­o­ra­toire Génie enzy­ma­tique et cel­lu­laire (GEC), une unité mixte du CNRS ? « Mes recherch­es por­tent sur la sci­ence de l’alimentation et l’impact de la nutri­tion sur la san­té, ou com­ment amélior­er le bien-être au tra­vers de l’alimentation », explique-t-elle.

Arrivée à l’UTC en tant que maître de con­férences en 2007, Claire Rossi a débuté une recherche plutôt fon­da­men­tale. « L’objectif était d’étudier com­ment inter­agis­sent des com­posés d’intérêt avec les cel­lules au niveau molécu­laire, comme des molécules actives issues du végé­tal ou encore des agents pathogènes, comme des tox­ines… En un mot : étudi­er pré­cisé­ment le moment où la molécule inter­ag­it avec la bar­rière que con­stitue la mem­brane cel­lu­laire », détaille-t-elle.

Elle avait toute­fois d’autres com­pé­tences – « une autre cas­quette », dit-elle – notam­ment en ali­men­ta­tion et en agrores­sources assez éloignées de cette recherche fon­da­men­tale à dom­i­nante biologique.

Com­ment con­cili­er et val­oris­er ces deux thé­ma­tiques ? « C’est ain­si qu’ont émergé les thé­ma­tiques de la plate­forme Sci­ence des ali­ments. L’idée ? Il s’agit d’utiliser les notions apportées par la recherche fon­da­men­tale, menée au sein du GEC, pour des appli­ca­tions con­crètes, dévelop­pées sur la plate­forme, directe­ment dirigées vers le con­som­ma­teur, donc vers l’industrie, tout en met­tant la for­ma­tion au cen­tre de ces activ­ités grâce à des pro­jets étu­di­ants », souligne-t-elle.

Ce qui l’a amenée à ses recherch­es actuelles qui por­tent, d’une part, sur la préven­tion en matière de san­té et, d’autre part, sur les ali­ments inno­vants. « Dans le pre­mier cas, le but est de com­pren­dre l’activité de molécules issues du végé­tal et leur impact sur la san­té humaine, par exem­ple : l’action de pectines du lin en préven­tion de la cal­ci­fi­ca­tion vas­cu­laire ou encore celle des pig­ments de bet­ter­ave pour leur pro­priétés antioxy­dantes ou anti­tu­morales préven­tives. Mais l’intérêt est de ne plus tra­vailler seule­ment sur les molécules naturelles isolées, mais de s’intéresser à leurs effets et à leurs inter­ac­tions au sein de matri­ces que sont les ali­ments. D’où l’idée de tra­vailler sur l’optimisation nutri­tion­nelle de l’aliment. Autrement dit, tra­vailler sur des ali­ments très clas­siques tels des sauces ou encore du pain de mie, par exem­ple, et de retra­vailler la bal­ance des nutri­ments dans l’aliment, sans en altér­er ni l’aspect ni le goût, un point essen­tiel dans le plaisir de manger. Il est aus­si pos­si­ble d’incorporer des molécules actives, d’origine naturelle, selon les activ­ités souhaitées », explique Claire Rossi.

Des appli­ca­tions con­crètes ? « Prenons la farine de man­ioc pro­duite par notre parte­naire Cas­sa­va Starch Cor­po­ra­tion en Tan­zanie. C’est un ali­ment naturel qui per­met de pré­par­er une sauce hol­landaise aus­si onctueuse et goû­teuse qu’une sauce clas­sique, mais avec une quan­tité de matière  grasse divisée par deux. En un mot : tra­vailler sur la struc­ture biochim­ique de l’aliment sans le déna­tur­er », illustre-t-elle.

L’implication des étu­di­ants dans des pro­jets très con­crets ? « Cela leur apporte une com­pé­tence pro­jet indé­ni­able. Ils peu­vent alors par­ticiper à des con­cours tels qu’Ecotrophelia où s’affrontent toutes les écoles d’agroalimentaire ou ensuite créer des start-up », insiste Claire Rossi. N’ont-ils pas reçu, avec le pro­jet Hush par exem­ple, le Trophée d’or pour leur pre­mière par­tic­i­pa­tion à Ecotro­phe­lia France en 2018 et le prix de la meilleure inno­va­tion la même année lors de l’édition européenne de ce con­cours qui voit s’affronter les lau­réats de chaque pays ? « Hush est une bois­son à base de fruits et à la tex­ture cap­puc­ci­no avec un nutriscore A, la meilleure note sur une échelle nutri­tion­nelle de A à E », décrit-elle. Un suc­cès qui la rav­it. « Il mon­tre tout d’abord la qual­ité de la for­ma­tion. Il m’a égale­ment con­fortée dans mon approche que les ali­ments inno­vants doivent rester – c’est ma mar­que de fab­rique – très savoureux et sus­citer du plaisir tout en étant meilleurs pour la san­té du con­som­ma­teur. Associ­er en somme con­vivi­al­ité, plaisir et bienêtre », affirme-t-elle.

Du côté des start-up ? « L’on peut citer Smeal, fondée par d’anciens étu­di­ants, que nous avons accom­pa­g­nés. Elle com­mer­cialise, depuis quelques années déjà, un repas pra­tique, par­fait nutri­tion­nelle­ment, pen­sé notam­ment pour les sportifs, qui se présente sous forme de poudre à réhy­drater. D’où le nom de repas nomade. Ou encore Hush qui sera créée en décem­bre prochain », conclut-elle.


Innovation, aliments et agroressources (IAA), une filière très recherchée

C’est une petite fil­ière (entre 20 et 25 diplômés par an), mais recon­nue dans le milieu de l’innovation agroalimentaire.

En rem­por­tant le Trophée d’or au con­cours Ecotro­phe­lia France en 2018, puis le prix Coup de cœur du con­cours Ecotro­phe­lia Europe avec leur bois­son chaude à base de fruits Hush, les étu­di­ants de la fil­ière IAA ont démon­tré leurs com­pé­tences. Et les entre­pris­es ne s’y trompent pas. En effet, entre 2014 et 2017, la durée de recherche du pre­mier emploi était de moins de trois mois, et 54 % des étu­di­ants étaient embauchés avant même leur stage de fin d’études. Au pro­gramme, des enseigne­ments dans les domaines de la for­mu­la­tion ali­men­taire, de l’innovation, de la nutri­tion, l’analyse des pro­duits biologiques et ali­men­taires, des opéra­tions agroin­dus­trielles, du mar­ket­ing de l’innovation… Durant leur for­ma­tion, les étu­di­ants ont égale­ment accès à une salle d’analyse sen­sorielle, un lab­o­ra­toire de for­mu­la­tion ali­men­taire et des équipements de mesure des pro­priétés physi­co-chim­iques et rhéologiques des aliments.


Emma Ruby, diplômée en 2017

Pourquoi avoir choisi cette filière ?

J’étais attirée par la sci­ence qui est der­rière tous nos ali­ments, c’est un domaine qui pose des ques­tions d’intérêt pub­lic, d’éthique et qui est au cœur des prob­lé­ma­tiques actuelles et futures.

Et main­tenant ?

Après 2 ans de VIE dans une entre­prise d’ingrédients de boulangerie/pâtisserie/chocolat (Puratos), j’ai été embauchée comme Junior R&D man­ag­er dans le domaine des amélio­rants de panification.

Chargé de recherche CNRS au sein du lab­o­ra­toire Génie enzy­ma­tique et cel­lu­laire, Yan­nick Rossez tra­vaille par­ti­c­ulière­ment sur le fla­gelle bac­térien, respon­s­able de la motil­ité bactérienne.

L’intérêt pour cette prob­lé­ma­tique ? « C’est lors de mon post-doc en Écosse et à la suite d’une épidémie en 2010/2011 qui a fait plus de 50 morts que je me suis intéressé aux bac­téries hôtes pathogènes que l’on trou­ve, essen­tielle­ment, asso­ciées aux intox­i­ca­tions ali­men­taires », assure-t-il. Dès lors, l’objectif de Yan­nick Rossez a été « de com­pren­dre si des pathogènes, con­nus dans la com­mu­nauté sci­en­tifique pour recon­naître spé­ci­fique­ment les tis­sus humains, avaient dévelop­pé des straté­gies pour per­sis­ter sur un hôte inter­mé­di­aire. À savoir les fruits et légumes que l’on con­somme crus ». Il s’intéresse, notam­ment, aux adhésines – molécules respon­s­ables de l’adhésion – portées par les bac­téries et à la stratégie qu’elles dévelop­pent pour
recon­naître des struc­tures portées unique­ment par les plantes. Mais une adhé­sine par­ti­c­ulière, le fla­gelle bac­térien, retient son atten­tion. « Con­nu jusqu’ici comme respon­s­able de la motil­ité bac­téri­enne – déplace­ment de la bac­térie –, je décou­vre qu’il était capa­ble d’adhérer aux tis­sus humains par le biais des lipi­des à la sur­face des cel­lules. Or, sans adhé­sion il n’y a pas de patholo­gie bac­téri­enne », souligne-t-il.

Arrivé à l’UTC en 2016, il pour­suit tout naturelle­ment ses travaux sur le fla­gelle – « un pro­jet majeur », dit-il –, sujet qui impacte forte­ment le domaine ali­men­taire en étu­di­ant l’interaction entre lipi­des et fla­gelle bac­térien dans l’adhésion. Avec Claire Rossi, il développe des mem­branes bio­mimé­tiques afin de com­pren­dre les mécan­ismes qui font que tel lipi­de soit plus favor­able à l’adhésion que tel autre. Avec, à la clef, une décou­verte qui va faire l’objet d’une pub­li­ca­tion à l’automne : « Plus on a une ali­men­ta­tion riche en acides gras polyin­sat­urés, plus con­nus sous le nom d’omégas 3, moins on a de risque d’être colonisé par la bac­térie », illus­tre Yan­nick Rossez.

Notre stratégie ? « Il s’agit d’inhiber, au plus tôt, le proces­sus d’adhésion, empêch­er la coloni­sa­tion et donc l’apparition de la patholo­gie bac­téri­enne et, in fine , non seule­ment réduire l’usage des antibi­o­tiques, mais aus­si la résis­tance aux antibi­o­tiques », pré­cise-t-il. Autre champ de recherche ? « Je m’intéresse au mechanosens­ing , dis­ci­pline très récente et en plein essor. Là encore, il s’agit d’inhiber la capac­ité des bac­téries à détecter les sur­faces et par là même empêch­er l’adhésion bac­téri­enne », conclut-il.


Portrait

Doc­tor­ante au lab­o­ra­toire GEC, Hélène Caz­zo­la pré­pare une thèse inti­t­ulée « Impact de la com­po­si­tion lipidique de la mem­brane cel­lu­laire sur l’adhésion bac­téri­enne via le fla­gelle ». Une thèse, dirigée par Claire Rossi et Yan­nick Rossez, qu’elle a soutenue en octo­bre 2019.

Lors de sa dernière année d’ingénieur chimiste à l’ESCOM, Hélène Caz­zo­la entame, en par­al­lèle, un mas­ter en biotech­nolo­gies à l’UTC. La rai­son de ce choix ? « J’aime la pluridis­ci­pli­nar­ité sci­en­tifique, notam­ment l’interface entre la chimie et la biolo­gie », explique-telle. Et c’est lors de son stage de fin d’année, effec­tué au GEC, qu’elle décou­vre le monde de la recherche.

« Avec Claire Rossi, ma respon­s­able de stage, j’ai décou­vert le monde de la recherche et appré­cié l’opportunité de tra­vailler sur des sujets fon­da­men­taux pou­vant être utiles pour de futures appli­ca­tions », souligne-t-elle. C’est dans cette optique qu’elle a choisi son sujet de thèse sur « l’adhésion des bac­téries pathogènes », dit-elle. « L’adhésion est une étape stratégique dans la lutte con­tre la per­sis­tance des pathogènes, étant la pre­mière étape avant la coloni­sa­tion, puis l’infection de son hôte », pré­cise Hélène Cazzola.

Maître de con­férences à l’UTC depuis 2006, Aude Cordin est enseignant-chercheur au lab­o­ra­toire Génie enzy­ma­tique et cel­lu­laire (GEC). Elle tra­vaille en par­ti­c­uli­er sur l’en­cap­su­la­tion de pig­ments extraits de la bet­ter­ave, pro­jet financé notam­ment par la région Hauts-de-France.

Son domaine de recherche ? « En col­lab­o­ra­tion avec Claire Rossi, je tra­vaille sur l’encapsulation de pro­duits naturels qui peu­vent intéress­er notam­ment le domaine agroal­i­men­taire. Nous nous intéres­sons à des pig­ments extraits de la bet­ter­ave, ou béta­nine, dotés de pro­priétés antioxy­dantes et anti-tumorales promet­teuses. Toute­fois, ces com­posés sont très sen­si­bles à leur envi­ron­nement – lumière, tem­péra­ture, pH, etc. Ils peu­vent ain­si être dégradés avant même leur assim­i­la­tion par l’organisme », explique-t-elle.

Un domaine nour­ri par son par­cours inter­dis­ci­plinaire. Diplômée en chimie, elle décide de faire une thèse sur « la val­ori­sa­tion des sub­stances naturelles. Il s’agissait de les mod­i­fi­er par bio­catal­yse afin de leur apporter de nou­velles pro­priétés intéres­santes pour des appli­ca­tions cos­mé­tiques », puis un post-doc « plus tourné vers les matéri­aux cette fois », ajoute-t-elle. Ce qui l’amène, dès son arrivée à l’UTC, à tra­vailler « sur les polymères à empreintes molécu­laires. Autrement dit, des polymères capa­bles de recon­naître une molécule cible, puis sur la con­cep­tion de matéri­aux dégrad­ables per­me­t­tant la libéra­tion con­trôlée de principe actif ».

D’où le pro­jet d’encapsuler les molécules de béta­nine. « L’idée est de les envelop­per d’une mem­brane pro­tec­trice afin d’éviter leur dégra­da­tion et ain­si d’améliorer leur durée de con­ser­va­tion », ajoute-telle. Les défis à relever ? « Le pre­mier est de pou­voir fab­ri­quer des cap­sules – de 5 à 10 µm – qui soient com­pat­i­bles avec des appli­ca­tions ali­men­taires. Ce qui nous lim­ite tant dans le type de matéri­aux que l’on pour­rait utilis­er que dans le choix du procédé de fab­ri­ca­tion. Le sec­ond, c’est d’avoir une cap­sule qui va pou­voir pro­téger, tout au long du tube diges­tif, notre molécule et la libér­er au niveau de l’intestin. Là où elle sera assim­ilée par l’organisme », pré­cise t‑elle. « Il ne faut pas que la cap­sule s’ouvre dans l’estomac, mais seule­ment une fois arrivée dans l’intestin », insiste Aude Cordin.

L’objectif de ce pro­jet ? « Il s’agit d’enrichir un pro­duit ali­men­taire en antioxy­dant. Pro­duit qui aurait de ce fait un rôle préven­tif pour la san­té. On par­le, dans ce cas, d’alicaments ou ali­ments-san­té », explique t‑elle. Un pro­jet qui est en phase d’expérimentation avec, d’ores et déjà, des tests sur un pre­mier mode d’encapsulation. « On a pu mon­tr­er que l’on pou­vait encap­suler la béta­nine et que cette encap­su­la­tion amélio­rait la con­ser­va­tion de la sub­stance dans le temps. D’autres sys­tèmes d’encapsulation sont à l’étude con­cer­nant la libéra­tion con­trôlée du pig­ment au niveau de l’intestin », con­clut Aude Cordin.

Ce pro­jet d’encapsulation de la béta­nine, financé notam­ment par la région Hauts de France et le Fonds européen de développe­ment région­al (FEDER), implique plusieurs lab­o­ra­toires : d’une part, le BMBI et le TIMR à l’UTC, d’autre part l’institut Uni­LaSalle à Beauvais.


Portrait

Doc­tor­ante au lab­o­ra­toire Génie enzy­ma­tique et cel­lu­laire (GEC), Nes­rine Ben Hadi Youssef devrait soutenir sa thèse, dirigée par Claire Rossi, Anne-Vir­ginie Sal­sac et Aude Cordin, en jan­vi­er 2020.

Lors de ses études d’ingénieur en agroal­i­men­taire à Agro-Sup Dijon, elle effectue un stage de recherche à l’université du Min­neso­ta (États-Unis) sur l’encapsulation des arômes.

« J’y ai décou­vert et appré­cié le monde de la recherche », souligne-t-elle. Ce goût pour la recherche va la con­duire à effectuer son stage de fin d’études chez Adri­anor (Arras), un cen­tre de ressources tech­nologiques à l’interface entre la recherche et les indus­tries agroal­i­men­taires. « J’y ai mené des recherch­es sur la for­mu­la­tion de pain de mie sans gluten », explique-t-elle. C’est donc sans hési­ta­tion qu’elle pos­tule à la thèse sur la « microen­cap­su­la­tion de molécules antioxy­dantes pour l’enrichissement de pro­duits ali­men­taires » pro­posée par le GEC. Dans ce cadre, Nes­rine Ben Hadi Youssef étudie par­ti­c­ulière­ment les béta­cya­nines, une classe d’antioxydants présente dans la betterave

Pro­fesseur à Cran­field Uni­ver­si­ty (Grande-Bre­tagne), Fady Mohareb est respon­s­able de l’équipe de bio-infor­ma­tique au sein du lab­o­ra­toire dédié à l’agroalimentaire. Il a été égale­ment, entre 2010 et 2018, respon­s­able péd­a­gogique du Euro­pean Part­ner­ship Pro­gramme, un dou­ble cur­sus mis en place par Cran­field Uni­ver­si­ty. Il détaille la nature des rela­tions entre les deux institutions.

A quand remon­tent les rela­tions académiques et/ou de recherche entre Cran­field Uni­ver­si­ty et l’UTC ?

Les rela­tions entre nos deux insti­tu­tions remon­tent à plus de dix ans, lorsque les deux uni­ver­sités ont signé un pro­to­cole d’échange d’étudiants suiv­ant un dou­ble cur­sus dans le cadre du « Euro­pean Part­ner­ship Pro­gramme » (EPP) mis en place par Cran­field Uni­ver­si­ty. Depuis, l’UTC est con­sid­érée comme un parte­naire majeur et stratégique pour Cran­field University.

Dans quels domaines se sont-elles développées ?

Elles con­cer­nent l’agroalimentaire, les biotech­nolo­gies et la bio-infor­ma­tique, l’automobile, l’aérospatiale et enfin la pro­duc­tion industrielle.

En ce qui con­cerne vos pro­pres domaines de com­pé­tences, quelles sont les recherch­es en cours ou passées faites en coopéra­tion avec l’UTC ? Avec quel labo précisément ?

En tant que spé­cial­iste en bio-infor­ma­tique appliquée, plus par­ti­c­ulière­ment dans le machine learn­ing , j’ai col­laboré surtout avec le pro­fesseur Claire Rossi du lab­o­ra­toire de Génie enzy­ma­tique et cel­lu­laire (unité mixte UTC/CNRS), Ben­jamin Quost du lab­o­ra­toire Heudya­sic (Heuris­tique et diag­nos­tic des sys­tèmes com­plex­es) de l’UTC et Claude-Olivi­er Sarde du lab­o­ra­toire TIMR (Trans­for­ma­tions inté­grées de la matière renou­ve­lable) de l’UTC dans les domaines de l’agroalimentaire et la bio-informatique.

Pou­vez-vous pré­cis­er et don­ner des exem­ples con­crets de collaboration ?

Tout a com­mencé avec le « Euro­pean Part­ner­ship Agree­ment (EPP) » établi par Cran­field Uni­ver­si­ty. Un dou­ble cur­sus qui per­me­t­tait aux élèves à haut poten­tiel de l’UTC d’intégrer, après leur troisième année, un Mas­ter of Sci­ence chez nous. Avec un avan­tage : être exonérés des frais d’inscription. Aujourd’hui, on a décidé d’aller plus loin dans le cadre de l’EPP. Cette sec­onde phase con­cerne les doc­tor­ants des deux insti­tu­tions qui pour­raient, pour leurs recherch­es, tra­vailler indif­férem­ment à Cran­field Uni­ver­si­ty et à l’UTC.

Un autre exem­ple, plus récent, de cette collaboration ?

La tenue en octo­bre 2018, à l’ambassade de France à Lon­dres, d’un sémi­naire inti­t­ulé « Seed Meet­ing ». Financé par le ser­vice de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation de l’ambassade de France à Lon­dres, il a été co-ani­mé par Claire Rossi et moi-même. L’objectif de ce sémi­naire ? Il s’agissait notam­ment d’identifier les syn­er­gies poten­tielles entre nos deux équipes en matière de recherche et inno­va­tion et d’accélérer les col­lab­o­ra­tions dans le domaine de la recherche entre nos deux uni­ver­sités. Cette ren­con­tre a été très féconde puisque l’on a, d’ores et déjà, iden­ti­fié un parte­nar­i­at de recherche pos­si­ble dans le domaine des molécules bioac­tives à par­tir de plantes. Nos deux équipes ten­tent actuelle­ment d’identifier les appels à pro­jets les plus adap­tés, tant au niveau bilatéral qu’international, afin de con­clure offi­cielle­ment un accord dans le domaine de la recherche entre nos deux insti­tu­tions.

Y aurait-il des liens plus ser­rés entre chercheurs à l’avenir ?

Absol­u­ment, puisque dans les années à venir, les chercheurs seraient amenés à pass­er la moitié de leur temps à Com­piègne et l’autre moitié à Cranfield.


Partenariat industriel

Basée en Tan­zanie, Cas­sa­va Starch Cor­po­ra­tion est un parte­naire indus­triel du lab­o­ra­toire Génie enzy­ma­tique et cel­lu­laire (GEC) de l’UTC.

Leur pro­jet ? Con­stru­ire une usine pour pro­duire de la farine de tapi­o­ca. « Ils ont une démarche assez vertueuse, puisqu’ils con­trô­lent toute leur cul­ture de man­ioc. Ils peu­vent sélec­tion­ner des racines à dif­férents temps de crois­sance. Ce qui est très intéres­sant d’un point de vue fonc­tion­nel. Enfin, ils peu­vent pro­duire en bio. Fait assez rare pour ces farines », affirme Claire Rossi. La mis­sion du GEC dans le cadre ce con­trat indus­triel ? « Il s’agit d’étudier les poten­tial­ités de cette farine et d’explorer toute la palette d’applications en sub­sti­tu­tion qu’elle pour­rait per­me­t­tre dans le futur et de chercher en par­ti­c­uli­er les appli­ca­tions à plus forte valeur ajoutée pos­si­bles », explique Claire Rossi. Une appli­ca­tion en cours à forte valeur ajoutée ? La fab­ri­ca­tion, par exem­ple, d’un pain de mie plus mœlleux et avec une meilleure con­ser­va­tion qu’un pain de mie clas­sique sans ajout de matière grasse. En somme, un pain de mie goû­teux et qui fait du bien à la santé.


Portrait

Diplômée de l’UTC en 2017 en génie biologique, spé­cial­ité Inno­va­tion, ali­ments et agrores­sources (IAA), Megan Eoche-Duval est égale­ment tit­u­laire d’un mas­tère, spé­cial­ité nutri­tion, de l’université Pierre et Marie Curie. Elle tra­vaille, depuis 2018, chez Danone.

Ce qui a motivé le choix de l’UTC ? « Durant ma pré­pa de MPC, je me suis ren­du compte que la biolo­gie me man­quait énor­mé­ment. Or, à l’UTC, le fait de ne pas avoir fait de biolo­gie aupar­a­vant ne sem­blait pas pos­er de prob­lème, même si j’ai dû tra­vailler dur afin de rat­trap­er mon retard dans la matière », explique-t-elle. Autre moti­va­tion, plus anci­enne cette fois ? « À l’époque où mon frère était en ter­mi­nale, on est allé aux journées portes ouvertes de l’UTC. » Ce qui lui a plu ? « Le fait que l’on puisse choisir ses cours à la carte, avoir des pro­fesseurs à l’écoute, le tra­vail sur pro­jets – une bonne pré­pa­ra­tion à l’intégration en entre­prise – et enfin qu’elle pro­pose des activ­ités telles que des cours de théâtre ou de musique, et soit à taille humaine », souligne-t-elle. Megan Eoche-Duval est, dès la fin de son stage de mas­tère effec­tué chez Danone, recrutée par l’entreprise au sein de l’équipe « Inno­va­tion Aquadrinks ».

Pro­fesseur de biochimie à l’UTC, Karsten Haupt est, depuis 2012, directeur du lab­o­ra­toire Génie enzy­ma­tique et cel­lu­laire (GEC). Une unité rat­tachée aux insti­tuts des sci­ences biologiques et de chimie du CNRS et dont la par­tic­u­lar­ité est d’as­soci­er l’UTC et l’u­ni­ver­sité de Picardie Jules Verne d’Amiens (UPJV).

Un mot sur l’équipe du GEC ?

Le GEC con­stitue, dans le cadre de l’UTC, plutôt une petite unité puisqu’elle com­prend une trentaine de per­ma­nents – 20 enseignantschercheurs et du per­son­nel tech­nique, ingénieurs et tech­ni­ciens. Toute­fois, selon les années et en fonc­tion des pro­jets et des finance­ments disponibles, l’on arrive à 60–70 per­son­nes avec les doc­tor­ants et les post-doctorants.

Quels sont les axes de recherche majeurs du GEC ?

L’unité a récem­ment été restruc­turée autour de deux grands thèmes prin­ci­paux. Tous les pro­jets de l’unité s’intègrent dans un des deux thèmes, avec le souci per­ma­nent d’apporter des répons­es aux défis tech­nologiques, aux enjeux socié­taux et aux ques­tions sci­en­tifiques Le pre­mier, appelé thème « vert », con­cerne tout ce qui a trait au métab­o­lisme végé­tal et aux biores­sources. Par­mi les objec­tifs, il s’agit notam­ment de faire pro­duire par des plantes des molécules inhab­ituelles ou qu’elles pro­duisent en petites quan­tités. Un de nos objec­tifs est de faire pro­duire par des plantes des lipi­des qui rem­plac­eraient à terme les huiles minérales. D’où notre impli­ca­tion dans PIVERT, un insti­tut pour la tran­si­tion energé­tique (ITE) inclu­ant des indus­triels qui a été retenu, dès 2011, dans le cadre des Investisse­ments d’avenir. Nous nous intéres­sons aus­si aux polyphénols qui recè­lent des pro­priétés pou­vant intéress­er l’industrie agroal­i­men­taire et menons des pro­jets plus trans­ver­saux comme l’étude de l’interaction des plantes avec leur envi­ron­nement – com­ment les pro­téger du stress, de l’action des microor­gan­ismes ou encore com­ment, par exem­ple, opti­miser l’utilisation des résidus lig­no-cel­luliques une fois les huiles extraites.

Le sec­ond, le thème « rouge », s’articule autour des prob­lé­ma­tiques du bio­mimétisme et de la diver­sité bio­molécu­laire, avec deux approches com­plé­men­taires. Dans le pre­mier cas, notre objec­tif est de con­cevoir des ban­ques de bio­molécules tels des frag­ments d’anticorps, des pep­tides ou des acides nucléiques. Actuelle­ment, nous dis­posons de ban­ques con­tenant plus d’un mil­liard de molécules par­mi lesquelles on est en mesure de sélec­tion­ner des bio­com­posés d’intérêt capa­bles d’interagir avec une cible iden­ti­fiée pour la neu­tralis­er ou la détecter. Dans le sec­ond cas, nous nous intéres­sons au développe­ment de matéri­aux dédiés à la recon­nais­sance molécu­laire par une approche « sur mesure ». Autrement dit, à créer des polymères à empreintes molécu­laires dont les per­for­mances de recon­nais­sance sont com­pa­ra­bles à celles des anti­corps. Là encore, les champs d’application vont du domaine de la san­té à l’agroalimentaire, mais peu­vent aus­si s’intégrer à des études plus fon­da­men­tales. Nous avons de plus en plus de pro­jets trans­ver­saux, ce qui est un indi­ca­teur de la cohérence de nos thèmes. Nous nous appuyons égale­ment de plus en plus sur des out­ils de con­cep­tion rationnelle.

Pou­vez-vous citer quelques appli­ca­tions pratiques ?

Nos exem­ples d’applications sont nom­breux, je ne peux en citer que quelques-uns. Dans le domaine ali­men­taire, il s’agira, par exem­ple, de détecter en temps réel, grâce à des polymères dotés de cap­teurs, les molécules prob­lé­ma­tiques comme la présence d’anabolisants, d’antibiotiques, de per­tur­ba­teurs endocriniens, de pes­ti­cides dépas­sant les seuils ou encore de mal­adies telle la cys­tite chez la vache. Dans le domaine de la san­té, l’objectif est de pro­duire des anti­corps util­is­ables en immunothérapie. Ce domaine sem­ble intéress­er notam­ment Sanofi avec lequel nous avons déjà tra­vail­lé dans le cadre d’un pro­jet européen.

Quels sont, à vos yeux, les points forts du GEC ?

En ter­mes de vis­i­bil­ité et de recon­nais­sance inter­na­tionales, je cit­erai, entre autres, le génie métabolique des plantes oléagineuses, nos com­pé­tences dans les polymères à empreintes molécu­laires et enfin notre savoir-faire pour les ban­ques et les sélections.


Start-up

HUSH, la bois­son inno­vante aux fruits

HUSH (Heat-Up Shake Health) est une bois­son chaude inno­vante à base de fruits, qui s’inscrit dans un mode d’alimentation équili­bré con­venant aux végans et aux intolérants au lac­tose. Elle a été dévelop­pée par Jus­tine Patin, Bap­tiste Pon­treau, Camille Paul, Aurane Lher­bier, Mélanie Abherve-Gueguen, Cornélia Garaudel, diplômés de la fil­ière Inno­va­tion ali­ments agroressources.

Jus­tine Patin explique : «Grâce au matériel mis à notre dis­po­si­tion à la plate­forme Sci­ence des ali­ments et à l’expertise de Mme Rossi, nous avons obtenu le pro­duit idéal répon­dant au cahi­er des charges. En par­al­lèle, l’aide mar­ket­ing apportée par Mme Darène nous a con­va­in­cus de la per­ti­nence et du car­ac­tère inno­vant de notre pro­duit. Cette aven­ture nous a per­mis de tra­vailler sur la créa­tion d’un pro­duit ali­men­taire inno­vant à tra­vers une démarche pluridis­ci­plinaire : depuis l’étude du mar­ket­ing de l’innovation jusqu’au busi­ness plan , en pas­sant par la for­mu­la­tion, l’étude tech­nologique, la ges­tion de la qual­ité et de la pro­duc­tion et l’étude de la régle­men­ta­tion.» HUSH a rem­porté la médaille d’or au niveau nation­al et la dis­tinc­tion « Coup de cœur inno­va­tion » au niveau européen du con­cours d’innovation ali­men­taire Ecotro­phe­lia 2018.

Le magazine

Novembre 2024 - N°64

L’intelligence artificielle : un outil incontournable

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