51 : L’innovation alimentaire au cœur de la santé de demain
Le laboratoire Génie enzymatique et cellulaire (GEC), une unité mixte CNRS, allie recherche fondamentale et recherche appliquée autour de deux grands thèmes. Le premier, appelé thème « vert », concerne tout ce qui a trait au métabolisme végétal et aux bioressources avec des applications concrètes, telles le remplacement des huiles minérales par des lipides produits par des plantes, ou encore l’utilisation en nutrition et santé de phytocomposés connus pour leurs propriétés antioxydantes et anti-tumorales, comme la bétanine. Le second, le thème « rouge », a pour but l’exploration des problématiques de biomimétisme et de diversité biomoléculaire avec notamment la conception de banques de biomolécules ou la création de polymères à empreintes moléculaires dont les performances de reconnaissance sont comparables à celles des anticorps. Des recherches innovantes dont les champs d’application vont du domaine de la santé, à la cosmétique et à l’agroalimentaire.
Professeur en génie biologique à l’UTC, Claire Rossi est également responsable de la filière Innovation, aliments et agroressources et de la plateforme Science des aliments au centre d’innovation.
Ses activités de recherche au sein du laboratoire Génie enzymatique et cellulaire (GEC), une unité mixte du CNRS ? « Mes recherches portent sur la science de l’alimentation et l’impact de la nutrition sur la santé, ou comment améliorer le bien-être au travers de l’alimentation », explique-t-elle.
Arrivée à l’UTC en tant que maître de conférences en 2007, Claire Rossi a débuté une recherche plutôt fondamentale. « L’objectif était d’étudier comment interagissent des composés d’intérêt avec les cellules au niveau moléculaire, comme des molécules actives issues du végétal ou encore des agents pathogènes, comme des toxines… En un mot : étudier précisément le moment où la molécule interagit avec la barrière que constitue la membrane cellulaire », détaille-t-elle.
Elle avait toutefois d’autres compétences – « une autre casquette », dit-elle – notamment en alimentation et en agroressources assez éloignées de cette recherche fondamentale à dominante biologique.
Comment concilier et valoriser ces deux thématiques ? « C’est ainsi qu’ont émergé les thématiques de la plateforme Science des aliments. L’idée ? Il s’agit d’utiliser les notions apportées par la recherche fondamentale, menée au sein du GEC, pour des applications concrètes, développées sur la plateforme, directement dirigées vers le consommateur, donc vers l’industrie, tout en mettant la formation au centre de ces activités grâce à des projets étudiants », souligne-t-elle.
Ce qui l’a amenée à ses recherches actuelles qui portent, d’une part, sur la prévention en matière de santé et, d’autre part, sur les aliments innovants. « Dans le premier cas, le but est de comprendre l’activité de molécules issues du végétal et leur impact sur la santé humaine, par exemple : l’action de pectines du lin en prévention de la calcification vasculaire ou encore celle des pigments de betterave pour leur propriétés antioxydantes ou antitumorales préventives. Mais l’intérêt est de ne plus travailler seulement sur les molécules naturelles isolées, mais de s’intéresser à leurs effets et à leurs interactions au sein de matrices que sont les aliments. D’où l’idée de travailler sur l’optimisation nutritionnelle de l’aliment. Autrement dit, travailler sur des aliments très classiques tels des sauces ou encore du pain de mie, par exemple, et de retravailler la balance des nutriments dans l’aliment, sans en altérer ni l’aspect ni le goût, un point essentiel dans le plaisir de manger. Il est aussi possible d’incorporer des molécules actives, d’origine naturelle, selon les activités souhaitées », explique Claire Rossi.
Des applications concrètes ? « Prenons la farine de manioc produite par notre partenaire Cassava Starch Corporation en Tanzanie. C’est un aliment naturel qui permet de préparer une sauce hollandaise aussi onctueuse et goûteuse qu’une sauce classique, mais avec une quantité de matière grasse divisée par deux. En un mot : travailler sur la structure biochimique de l’aliment sans le dénaturer », illustre-t-elle.
L’implication des étudiants dans des projets très concrets ? « Cela leur apporte une compétence projet indéniable. Ils peuvent alors participer à des concours tels qu’Ecotrophelia où s’affrontent toutes les écoles d’agroalimentaire ou ensuite créer des start-up », insiste Claire Rossi. N’ont-ils pas reçu, avec le projet Hush par exemple, le Trophée d’or pour leur première participation à Ecotrophelia France en 2018 et le prix de la meilleure innovation la même année lors de l’édition européenne de ce concours qui voit s’affronter les lauréats de chaque pays ? « Hush est une boisson à base de fruits et à la texture cappuccino avec un nutriscore A, la meilleure note sur une échelle nutritionnelle de A à E », décrit-elle. Un succès qui la ravit. « Il montre tout d’abord la qualité de la formation. Il m’a également confortée dans mon approche que les aliments innovants doivent rester – c’est ma marque de fabrique – très savoureux et susciter du plaisir tout en étant meilleurs pour la santé du consommateur. Associer en somme convivialité, plaisir et bienêtre », affirme-t-elle.
Du côté des start-up ? « L’on peut citer Smeal, fondée par d’anciens étudiants, que nous avons accompagnés. Elle commercialise, depuis quelques années déjà, un repas pratique, parfait nutritionnellement, pensé notamment pour les sportifs, qui se présente sous forme de poudre à réhydrater. D’où le nom de repas nomade. Ou encore Hush qui sera créée en décembre prochain », conclut-elle.
Innovation, aliments et agroressources (IAA), une filière très recherchée
C’est une petite filière (entre 20 et 25 diplômés par an), mais reconnue dans le milieu de l’innovation agroalimentaire.
En remportant le Trophée d’or au concours Ecotrophelia France en 2018, puis le prix Coup de cœur du concours Ecotrophelia Europe avec leur boisson chaude à base de fruits Hush, les étudiants de la filière IAA ont démontré leurs compétences. Et les entreprises ne s’y trompent pas. En effet, entre 2014 et 2017, la durée de recherche du premier emploi était de moins de trois mois, et 54 % des étudiants étaient embauchés avant même leur stage de fin d’études. Au programme, des enseignements dans les domaines de la formulation alimentaire, de l’innovation, de la nutrition, l’analyse des produits biologiques et alimentaires, des opérations agroindustrielles, du marketing de l’innovation… Durant leur formation, les étudiants ont également accès à une salle d’analyse sensorielle, un laboratoire de formulation alimentaire et des équipements de mesure des propriétés physico-chimiques et rhéologiques des aliments.
Emma Ruby, diplômée en 2017
Pourquoi avoir choisi cette filière ?
J’étais attirée par la science qui est derrière tous nos aliments, c’est un domaine qui pose des questions d’intérêt public, d’éthique et qui est au cœur des problématiques actuelles et futures.
Et maintenant ?
Après 2 ans de VIE dans une entreprise d’ingrédients de boulangerie/pâtisserie/chocolat (Puratos), j’ai été embauchée comme Junior R&D manager dans le domaine des améliorants de panification.
Chargé de recherche CNRS au sein du laboratoire Génie enzymatique et cellulaire, Yannick Rossez travaille particulièrement sur le flagelle bactérien, responsable de la motilité bactérienne.
L’intérêt pour cette problématique ? « C’est lors de mon post-doc en Écosse et à la suite d’une épidémie en 2010/2011 qui a fait plus de 50 morts que je me suis intéressé aux bactéries hôtes pathogènes que l’on trouve, essentiellement, associées aux intoxications alimentaires », assure-t-il. Dès lors, l’objectif de Yannick Rossez a été « de comprendre si des pathogènes, connus dans la communauté scientifique pour reconnaître spécifiquement les tissus humains, avaient développé des stratégies pour persister sur un hôte intermédiaire. À savoir les fruits et légumes que l’on consomme crus ». Il s’intéresse, notamment, aux adhésines – molécules responsables de l’adhésion – portées par les bactéries et à la stratégie qu’elles développent pour
reconnaître des structures portées uniquement par les plantes. Mais une adhésine particulière, le flagelle bactérien, retient son attention. « Connu jusqu’ici comme responsable de la motilité bactérienne – déplacement de la bactérie –, je découvre qu’il était capable d’adhérer aux tissus humains par le biais des lipides à la surface des cellules. Or, sans adhésion il n’y a pas de pathologie bactérienne », souligne-t-il.
Arrivé à l’UTC en 2016, il poursuit tout naturellement ses travaux sur le flagelle – « un projet majeur », dit-il –, sujet qui impacte fortement le domaine alimentaire en étudiant l’interaction entre lipides et flagelle bactérien dans l’adhésion. Avec Claire Rossi, il développe des membranes biomimétiques afin de comprendre les mécanismes qui font que tel lipide soit plus favorable à l’adhésion que tel autre. Avec, à la clef, une découverte qui va faire l’objet d’une publication à l’automne : « Plus on a une alimentation riche en acides gras polyinsaturés, plus connus sous le nom d’omégas 3, moins on a de risque d’être colonisé par la bactérie », illustre Yannick Rossez.
Notre stratégie ? « Il s’agit d’inhiber, au plus tôt, le processus d’adhésion, empêcher la colonisation et donc l’apparition de la pathologie bactérienne et, in fine , non seulement réduire l’usage des antibiotiques, mais aussi la résistance aux antibiotiques », précise-t-il. Autre champ de recherche ? « Je m’intéresse au mechanosensing , discipline très récente et en plein essor. Là encore, il s’agit d’inhiber la capacité des bactéries à détecter les surfaces et par là même empêcher l’adhésion bactérienne », conclut-il.
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Doctorante au laboratoire GEC, Hélène Cazzola prépare une thèse intitulée « Impact de la composition lipidique de la membrane cellulaire sur l’adhésion bactérienne via le flagelle ». Une thèse, dirigée par Claire Rossi et Yannick Rossez, qu’elle a soutenue en octobre 2019.
Lors de sa dernière année d’ingénieur chimiste à l’ESCOM, Hélène Cazzola entame, en parallèle, un master en biotechnologies à l’UTC. La raison de ce choix ? « J’aime la pluridisciplinarité scientifique, notamment l’interface entre la chimie et la biologie », explique-telle. Et c’est lors de son stage de fin d’année, effectué au GEC, qu’elle découvre le monde de la recherche.
« Avec Claire Rossi, ma responsable de stage, j’ai découvert le monde de la recherche et apprécié l’opportunité de travailler sur des sujets fondamentaux pouvant être utiles pour de futures applications », souligne-t-elle. C’est dans cette optique qu’elle a choisi son sujet de thèse sur « l’adhésion des bactéries pathogènes », dit-elle. « L’adhésion est une étape stratégique dans la lutte contre la persistance des pathogènes, étant la première étape avant la colonisation, puis l’infection de son hôte », précise Hélène Cazzola.
Maître de conférences à l’UTC depuis 2006, Aude Cordin est enseignant-chercheur au laboratoire Génie enzymatique et cellulaire (GEC). Elle travaille en particulier sur l’encapsulation de pigments extraits de la betterave, projet financé notamment par la région Hauts-de-France.
Son domaine de recherche ? « En collaboration avec Claire Rossi, je travaille sur l’encapsulation de produits naturels qui peuvent intéresser notamment le domaine agroalimentaire. Nous nous intéressons à des pigments extraits de la betterave, ou bétanine, dotés de propriétés antioxydantes et anti-tumorales prometteuses. Toutefois, ces composés sont très sensibles à leur environnement – lumière, température, pH, etc. Ils peuvent ainsi être dégradés avant même leur assimilation par l’organisme », explique-t-elle.
Un domaine nourri par son parcours interdisciplinaire. Diplômée en chimie, elle décide de faire une thèse sur « la valorisation des substances naturelles. Il s’agissait de les modifier par biocatalyse afin de leur apporter de nouvelles propriétés intéressantes pour des applications cosmétiques », puis un post-doc « plus tourné vers les matériaux cette fois », ajoute-t-elle. Ce qui l’amène, dès son arrivée à l’UTC, à travailler « sur les polymères à empreintes moléculaires. Autrement dit, des polymères capables de reconnaître une molécule cible, puis sur la conception de matériaux dégradables permettant la libération contrôlée de principe actif ».
D’où le projet d’encapsuler les molécules de bétanine. « L’idée est de les envelopper d’une membrane protectrice afin d’éviter leur dégradation et ainsi d’améliorer leur durée de conservation », ajoute-telle. Les défis à relever ? « Le premier est de pouvoir fabriquer des capsules – de 5 à 10 µm – qui soient compatibles avec des applications alimentaires. Ce qui nous limite tant dans le type de matériaux que l’on pourrait utiliser que dans le choix du procédé de fabrication. Le second, c’est d’avoir une capsule qui va pouvoir protéger, tout au long du tube digestif, notre molécule et la libérer au niveau de l’intestin. Là où elle sera assimilée par l’organisme », précise t‑elle. « Il ne faut pas que la capsule s’ouvre dans l’estomac, mais seulement une fois arrivée dans l’intestin », insiste Aude Cordin.
L’objectif de ce projet ? « Il s’agit d’enrichir un produit alimentaire en antioxydant. Produit qui aurait de ce fait un rôle préventif pour la santé. On parle, dans ce cas, d’alicaments ou aliments-santé », explique t‑elle. Un projet qui est en phase d’expérimentation avec, d’ores et déjà, des tests sur un premier mode d’encapsulation. « On a pu montrer que l’on pouvait encapsuler la bétanine et que cette encapsulation améliorait la conservation de la substance dans le temps. D’autres systèmes d’encapsulation sont à l’étude concernant la libération contrôlée du pigment au niveau de l’intestin », conclut Aude Cordin.
Ce projet d’encapsulation de la bétanine, financé notamment par la région Hauts de France et le Fonds européen de développement régional (FEDER), implique plusieurs laboratoires : d’une part, le BMBI et le TIMR à l’UTC, d’autre part l’institut UniLaSalle à Beauvais.
Portrait
Doctorante au laboratoire Génie enzymatique et cellulaire (GEC), Nesrine Ben Hadi Youssef devrait soutenir sa thèse, dirigée par Claire Rossi, Anne-Virginie Salsac et Aude Cordin, en janvier 2020.
Lors de ses études d’ingénieur en agroalimentaire à Agro-Sup Dijon, elle effectue un stage de recherche à l’université du Minnesota (États-Unis) sur l’encapsulation des arômes.
« J’y ai découvert et apprécié le monde de la recherche », souligne-t-elle. Ce goût pour la recherche va la conduire à effectuer son stage de fin d’études chez Adrianor (Arras), un centre de ressources technologiques à l’interface entre la recherche et les industries agroalimentaires. « J’y ai mené des recherches sur la formulation de pain de mie sans gluten », explique-t-elle. C’est donc sans hésitation qu’elle postule à la thèse sur la « microencapsulation de molécules antioxydantes pour l’enrichissement de produits alimentaires » proposée par le GEC. Dans ce cadre, Nesrine Ben Hadi Youssef étudie particulièrement les bétacyanines, une classe d’antioxydants présente dans la betterave
Professeur à Cranfield University (Grande-Bretagne), Fady Mohareb est responsable de l’équipe de bio-informatique au sein du laboratoire dédié à l’agroalimentaire. Il a été également, entre 2010 et 2018, responsable pédagogique du European Partnership Programme, un double cursus mis en place par Cranfield University. Il détaille la nature des relations entre les deux institutions.
A quand remontent les relations académiques et/ou de recherche entre Cranfield University et l’UTC ?
Les relations entre nos deux institutions remontent à plus de dix ans, lorsque les deux universités ont signé un protocole d’échange d’étudiants suivant un double cursus dans le cadre du « European Partnership Programme » (EPP) mis en place par Cranfield University. Depuis, l’UTC est considérée comme un partenaire majeur et stratégique pour Cranfield University.
Dans quels domaines se sont-elles développées ?
Elles concernent l’agroalimentaire, les biotechnologies et la bio-informatique, l’automobile, l’aérospatiale et enfin la production industrielle.
En ce qui concerne vos propres domaines de compétences, quelles sont les recherches en cours ou passées faites en coopération avec l’UTC ? Avec quel labo précisément ?
En tant que spécialiste en bio-informatique appliquée, plus particulièrement dans le machine learning , j’ai collaboré surtout avec le professeur Claire Rossi du laboratoire de Génie enzymatique et cellulaire (unité mixte UTC/CNRS), Benjamin Quost du laboratoire Heudyasic (Heuristique et diagnostic des systèmes complexes) de l’UTC et Claude-Olivier Sarde du laboratoire TIMR (Transformations intégrées de la matière renouvelable) de l’UTC dans les domaines de l’agroalimentaire et la bio-informatique.
Pouvez-vous préciser et donner des exemples concrets de collaboration ?
Tout a commencé avec le « European Partnership Agreement (EPP) » établi par Cranfield University. Un double cursus qui permettait aux élèves à haut potentiel de l’UTC d’intégrer, après leur troisième année, un Master of Science chez nous. Avec un avantage : être exonérés des frais d’inscription. Aujourd’hui, on a décidé d’aller plus loin dans le cadre de l’EPP. Cette seconde phase concerne les doctorants des deux institutions qui pourraient, pour leurs recherches, travailler indifféremment à Cranfield University et à l’UTC.
Un autre exemple, plus récent, de cette collaboration ?
La tenue en octobre 2018, à l’ambassade de France à Londres, d’un séminaire intitulé « Seed Meeting ». Financé par le service de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation de l’ambassade de France à Londres, il a été co-animé par Claire Rossi et moi-même. L’objectif de ce séminaire ? Il s’agissait notamment d’identifier les synergies potentielles entre nos deux équipes en matière de recherche et innovation et d’accélérer les collaborations dans le domaine de la recherche entre nos deux universités. Cette rencontre a été très féconde puisque l’on a, d’ores et déjà, identifié un partenariat de recherche possible dans le domaine des molécules bioactives à partir de plantes. Nos deux équipes tentent actuellement d’identifier les appels à projets les plus adaptés, tant au niveau bilatéral qu’international, afin de conclure officiellement un accord dans le domaine de la recherche entre nos deux institutions.
Y aurait-il des liens plus serrés entre chercheurs à l’avenir ?
Absolument, puisque dans les années à venir, les chercheurs seraient amenés à passer la moitié de leur temps à Compiègne et l’autre moitié à Cranfield.
Partenariat industriel
Basée en Tanzanie, Cassava Starch Corporation est un partenaire industriel du laboratoire Génie enzymatique et cellulaire (GEC) de l’UTC.
Leur projet ? Construire une usine pour produire de la farine de tapioca. « Ils ont une démarche assez vertueuse, puisqu’ils contrôlent toute leur culture de manioc. Ils peuvent sélectionner des racines à différents temps de croissance. Ce qui est très intéressant d’un point de vue fonctionnel. Enfin, ils peuvent produire en bio. Fait assez rare pour ces farines », affirme Claire Rossi. La mission du GEC dans le cadre ce contrat industriel ? « Il s’agit d’étudier les potentialités de cette farine et d’explorer toute la palette d’applications en substitution qu’elle pourrait permettre dans le futur et de chercher en particulier les applications à plus forte valeur ajoutée possibles », explique Claire Rossi. Une application en cours à forte valeur ajoutée ? La fabrication, par exemple, d’un pain de mie plus mœlleux et avec une meilleure conservation qu’un pain de mie classique sans ajout de matière grasse. En somme, un pain de mie goûteux et qui fait du bien à la santé.
Portrait
Diplômée de l’UTC en 2017 en génie biologique, spécialité Innovation, aliments et agroressources (IAA), Megan Eoche-Duval est également titulaire d’un mastère, spécialité nutrition, de l’université Pierre et Marie Curie. Elle travaille, depuis 2018, chez Danone.
Ce qui a motivé le choix de l’UTC ? « Durant ma prépa de MPC, je me suis rendu compte que la biologie me manquait énormément. Or, à l’UTC, le fait de ne pas avoir fait de biologie auparavant ne semblait pas poser de problème, même si j’ai dû travailler dur afin de rattraper mon retard dans la matière », explique-t-elle. Autre motivation, plus ancienne cette fois ? « À l’époque où mon frère était en terminale, on est allé aux journées portes ouvertes de l’UTC. » Ce qui lui a plu ? « Le fait que l’on puisse choisir ses cours à la carte, avoir des professeurs à l’écoute, le travail sur projets – une bonne préparation à l’intégration en entreprise – et enfin qu’elle propose des activités telles que des cours de théâtre ou de musique, et soit à taille humaine », souligne-t-elle. Megan Eoche-Duval est, dès la fin de son stage de mastère effectué chez Danone, recrutée par l’entreprise au sein de l’équipe « Innovation Aquadrinks ».
Professeur de biochimie à l’UTC, Karsten Haupt est, depuis 2012, directeur du laboratoire Génie enzymatique et cellulaire (GEC). Une unité rattachée aux instituts des sciences biologiques et de chimie du CNRS et dont la particularité est d’associer l’UTC et l’université de Picardie Jules Verne d’Amiens (UPJV).
Un mot sur l’équipe du GEC ?
Le GEC constitue, dans le cadre de l’UTC, plutôt une petite unité puisqu’elle comprend une trentaine de permanents – 20 enseignantschercheurs et du personnel technique, ingénieurs et techniciens. Toutefois, selon les années et en fonction des projets et des financements disponibles, l’on arrive à 60–70 personnes avec les doctorants et les post-doctorants.
Quels sont les axes de recherche majeurs du GEC ?
L’unité a récemment été restructurée autour de deux grands thèmes principaux. Tous les projets de l’unité s’intègrent dans un des deux thèmes, avec le souci permanent d’apporter des réponses aux défis technologiques, aux enjeux sociétaux et aux questions scientifiques Le premier, appelé thème « vert », concerne tout ce qui a trait au métabolisme végétal et aux bioressources. Parmi les objectifs, il s’agit notamment de faire produire par des plantes des molécules inhabituelles ou qu’elles produisent en petites quantités. Un de nos objectifs est de faire produire par des plantes des lipides qui remplaceraient à terme les huiles minérales. D’où notre implication dans PIVERT, un institut pour la transition energétique (ITE) incluant des industriels qui a été retenu, dès 2011, dans le cadre des Investissements d’avenir. Nous nous intéressons aussi aux polyphénols qui recèlent des propriétés pouvant intéresser l’industrie agroalimentaire et menons des projets plus transversaux comme l’étude de l’interaction des plantes avec leur environnement – comment les protéger du stress, de l’action des microorganismes ou encore comment, par exemple, optimiser l’utilisation des résidus ligno-celluliques une fois les huiles extraites.
Le second, le thème « rouge », s’articule autour des problématiques du biomimétisme et de la diversité biomoléculaire, avec deux approches complémentaires. Dans le premier cas, notre objectif est de concevoir des banques de biomolécules tels des fragments d’anticorps, des peptides ou des acides nucléiques. Actuellement, nous disposons de banques contenant plus d’un milliard de molécules parmi lesquelles on est en mesure de sélectionner des biocomposés d’intérêt capables d’interagir avec une cible identifiée pour la neutraliser ou la détecter. Dans le second cas, nous nous intéressons au développement de matériaux dédiés à la reconnaissance moléculaire par une approche « sur mesure ». Autrement dit, à créer des polymères à empreintes moléculaires dont les performances de reconnaissance sont comparables à celles des anticorps. Là encore, les champs d’application vont du domaine de la santé à l’agroalimentaire, mais peuvent aussi s’intégrer à des études plus fondamentales. Nous avons de plus en plus de projets transversaux, ce qui est un indicateur de la cohérence de nos thèmes. Nous nous appuyons également de plus en plus sur des outils de conception rationnelle.
Pouvez-vous citer quelques applications pratiques ?
Nos exemples d’applications sont nombreux, je ne peux en citer que quelques-uns. Dans le domaine alimentaire, il s’agira, par exemple, de détecter en temps réel, grâce à des polymères dotés de capteurs, les molécules problématiques comme la présence d’anabolisants, d’antibiotiques, de perturbateurs endocriniens, de pesticides dépassant les seuils ou encore de maladies telle la cystite chez la vache. Dans le domaine de la santé, l’objectif est de produire des anticorps utilisables en immunothérapie. Ce domaine semble intéresser notamment Sanofi avec lequel nous avons déjà travaillé dans le cadre d’un projet européen.
Quels sont, à vos yeux, les points forts du GEC ?
En termes de visibilité et de reconnaissance internationales, je citerai, entre autres, le génie métabolique des plantes oléagineuses, nos compétences dans les polymères à empreintes moléculaires et enfin notre savoir-faire pour les banques et les sélections.
Start-up
HUSH, la boisson innovante aux fruits
HUSH (Heat-Up Shake Health) est une boisson chaude innovante à base de fruits, qui s’inscrit dans un mode d’alimentation équilibré convenant aux végans et aux intolérants au lactose. Elle a été développée par Justine Patin, Baptiste Pontreau, Camille Paul, Aurane Lherbier, Mélanie Abherve-Gueguen, Cornélia Garaudel, diplômés de la filière Innovation aliments agroressources.
Justine Patin explique : «Grâce au matériel mis à notre disposition à la plateforme Science des aliments et à l’expertise de Mme Rossi, nous avons obtenu le produit idéal répondant au cahier des charges. En parallèle, l’aide marketing apportée par Mme Darène nous a convaincus de la pertinence et du caractère innovant de notre produit. Cette aventure nous a permis de travailler sur la création d’un produit alimentaire innovant à travers une démarche pluridisciplinaire : depuis l’étude du marketing de l’innovation jusqu’au business plan , en passant par la formulation, l’étude technologique, la gestion de la qualité et de la production et l’étude de la réglementation.» HUSH a remporté la médaille d’or au niveau national et la distinction « Coup de cœur innovation » au niveau européen du concours d’innovation alimentaire Ecotrophelia 2018.