Interview de Claude Gewerc, président du Conseil Régional de Picardie

Le Con­seil région­al de Picardie organ­i­sait en novem­bre dernier la “Semaine de la recherche et de l’innovation”. Cette 5ème édi­tion fai­sait la part belle aux pro­jets picards lau­réats des récents investisse­ments d’avenir, qui offriront demain une vis­i­bil­ité inter­na­tionale à la région Picardie. Retour sur 30 années d’engagement de la région en faveur de la recherche et de l’innovation, fruits d’une stratégie désor­mais déclinée à l’échelle européenne.

Questions à Claude Gewerc, président du Conseil Régional de Picardie

La Picardie figure parmi les premières régions françaises en termes d’investissements sur la R&D, le développement durable, l’innovation ou l’énergie-climat. Pourquoi la région Picardie mène-t-elle, depuis de si nombreuses années, une politique volontariste de soutien à la recherche ?

Il est vrai que l’en­seigne­ment supérieur et la recherche ne relèvent pas a pri­ori de la com­pé­tence du Con­seil Région­al. Pour­tant notre région y attache une impor­tance toute par­ti­c­ulière. Pourquoi ? Parce que la recherche et l’in­no­va­tion sont les clés de l’é­conomie de la con­nais­sance. C’est dans les uni­ver­sités et les lab­o­ra­toires picards comme l’UTC que s’in­vente le futur. Un futur qui n’a cepen­dant de sens qu’as­so­cié au développe­ment économique de notre région. La con­vic­tion de la Picardie a d’ailleurs tou­jours été la suiv­ante : une stratégie indus­trielle appelle une stratégie de ren­force­ment du poten­tiel de recherche. Les com­posantes “inno­va­tion” et “développe­ment durable” con­stituent en effet la meilleure carte de vis­ite d’une région pour attir­er les entre­pris­es. D’ailleurs, la recherche et l’in­no­va­tion sont depuis longtemps en Picardie une réal­ité économique. Le pro­jet PIVERT, qui pré­fig­ure ce que sera demain l’é­cosys­tème de la chimie verte, en est une preuve avec la créa­tion future d’un nom­bre con­séquent d’emplois non délo­cal­is­ables à tra­vers la mise en place de bio-raf­finer­ies de proximité.

Cette stratégie d’innovation permet à la région Picardie d’être au coeur des projets de recherche nationaux et internationaux depuis maintenant plus de 30 ans.

La Picardie est une terre de tra­di­tion indus­trielle et agri­cole qui a été, dans les années 80, con­fron­tée à des muta­tions de son appareil pro­duc­tif. Une réflex­ion sur la recherche en région s’est donc engagée au cours des Assis­es de la Recherche et de la Tech­nolo­gie organ­isées en 1981/1982. La région, l’É­tat, les entre­pris­es et les uni­ver­sités se lancèrent alors dans l’aven­ture des biotech­nolo­gies et des trans­ports inno­vants. Les pre­miers cen­tres de trans­fert voy­aient d’ailleurs le jour. À l’aube des années 2000, cette dynamique de recherche et d’in­no­va­tion s’est vue valid­er par les muta­tions de l’é­conomie mon­di­ale et con­nais­sait un nou­v­el essor avec la créa­tion des pôles de com­péti­tiv­ité, i‑Trans et le pôle “Indus­trie et Agro-ressources” (IAR), pour ne citer que ceux dans lesquels l’UTC joue un rôle majeur. Je tiens à pré­cis­er que le pôle IAR était jusqu’à peu le seul pôle de com­péti­tiv­ité en France présidé par un uni­ver­si­taire, en la per­son­ne de Daniel Thomas, pro­fesseur à l’UTC et pio­nnier dans le domaine des biotech­nolo­gies. Plus récem­ment, les investisse­ments d’avenir sont venus con­forter et con­solid­er notre stratégie de recherche et d’in­no­va­tion, fondée sur une cul­ture du rap­proche­ment entre les lab­o­ra­toires et les entreprises.

Comment cette politique d’investissement régionale s’articule-t-elle avec celle de l’État et de l’Union Européenne ?

Dans ses rela­tions inter­na­tionales, la Picardie a favorisé un rap­proche­ment avec la région libre de Thuringe (Alle­magne) dans les domaines de la recherche et de l’in­no­va­tion. Mais la région Picardie a tou­jours plaidé pour une meilleure artic­u­la­tion plus glob­ale entre les poli­tiques sec­to­rielles de l’U­nion Européenne et les poli­tiques ter­ri­to­ri­ales. Dans le domaine des bio­car­bu­rants, le pôle de com­péti­tiv­ité IAR a par exem­ple été le chef de file du pro­jet européen Star-COL­IB­RI*, financé sur deux ans par l’U­nion Européenne. Ce pro­jet s’est d’ailleurs con­clu en 2011 par la remise d’une feuille de route à l’adresse de tous les acteurs européens de la bio­raf­finer­ie, indus­triels et organ­ismes de recherche. Le réseau d’ex­cel­lence ALISTORE**, coor­don­né par Jean-Marie Taras­con, directeur de l’In­sti­tut de chimie de Picardie, rassem­ble égale­ment les com­pé­tences de 16 groupes de recherche européens dans le domaine des bat­ter­ies au lithi­um de 3ème généra­tion. Ces pro­grammes stratégiques européens, menés en cohérence avec notre poli­tique régionale de ren­force­ment du poten­tiel sci­en­tifique, per­me­t­tent à notre région de focalis­er sa stratégie de recherche et d’in­no­va­tion sur seule­ment quelques axes forts, leur offrant ain­si une vis­i­bil­ité inter­na­tionale accrue.

L’avenir de la recherche passe par les territoires. Comment d’après-vous revendiquer pour les régions un rôle toujours plus central dans la gouvernance de la recherche et l’innovation ?

Ce rôle est déjà cen­tral. Plus encore, la Picardie a su faire de la recherche un élé­ment de fierté, voire d’i­den­tité régionale. J’ai été moi-même rap­por­teur de l’avis du comité des régions sur le thème : “Quand les défis devi­en­nent des chances : vers un cadre stratégique com­mun pour le finance­ment de la recherche et de l’in­no­va­tion dans l’UE”. Aujour­d’hui, la région Picardie est l’une des régions français­es la plus en phase avec les straté­gies de Lis­bonne et de Göte­borg, pour une économie com­péti­tive et un développe­ment durable de l’U­nion Européenne. Il s’ag­it du con­cept d’Ear­mark­ing, qui ren­voie à un ciblage pour les régions des crédits d’in­ter­ven­tion de l’Eu­rope sur des thé­ma­tiques restreintes rel­e­vant de la stratégie de Lis­bonne, afin d’en max­imiser l’ef­fet de levi­er. 60 % des fonds pro­gram­més dans les régions classées en objec­tif “Con­ver­gence” et 75 % des fonds pro­gram­més dans les régions en objec­tif “Com­péti­tiv­ité” doivent ain­si con­tribuer à la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne.

* Strate­gic research TAR­gets for 2020 — COL­lab­o­ra­tion Ini­tia­tive on Bio RefIner

** Advanced LIthi­um ener­gy STOR­agE sys­tem based on the use of nano-pow­ders and nanocom­pos­ites electrode/electrolyte

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