21 : L’esprit d’entreprendre à l’UTC
L’UTC, une fusée à trois étages au service de l’entrepreneuriat
Au premier étage se trouvent les cours d’initiation à la création et à la gestion d’entreprises innovantes, délivrés par Joseph Orlinski. ” Le prérequis pour s’y inscrire, c’est d’avoir un projet ! ” Ces cours (GE 15) amènent les étudiants à appréhender l’entreprise sous l’angle concret de sa création et de son développement. Lui-même diplômé de l’UTC en 1986, Joseph Orlinski fut chef d’entreprise, et il met à profit cette aventure pour délivrer une approche pragmatique. Il sévit à l’UTC depuis 1995, époque où l’ancien président, François Peccoud, décidait de porter au rang de ses priorités la valorisation de l’innovation par la création d’entreprises.
” La première chose que je demande aux étudiants, c’est de rêver ! Il faut suivre ses rêves et ses passions, voir grand avant d’être pragmatique. ” Cette approche laisse une trace dans l’esprit des étudiants, et ceux qui créent leur entreprise sont nombreux à reprendre contact avec l’UTC, même après quelques années, pour bénéficier de l’accompagnement de l’école ou pour appartenir à son Business Club.
“La création d’entreprise ne se décrète pas ”
” L’UTC offre deux choses, à commencer par une formation destinée à favoriser l’esprit d’initiative et d’entreprise des étudiants. ” Cela passe par des UV comme Gestion de projet (GE 37) ou Management et marketing de l’innovation (GE 39), ainsi que par le mineur FIRME (Formation à l’innovation et aux relations mondiales des entreprises) ou la filière Management de projet innovant, transverse à tous les départements de l’UTC.
” L’UTC offre aussi un accompagnement sur mesure pour guider les porteurs de projet. La création d’entreprise ne se décrète pas, il ne faut pas s’enfermer dans des objectifs comptables, mais allumer des feux. Nous échangeons avec les porteurs de projet, futurs patrons ou patrons accomplis, pour briser leur solitude et leur éviter du perdre du temps. ”
Joseph Orlinski a beaucoup de projets : créer une UV destinée aux étudiants de première année et monter des journées de rencontres ouvertes à tous. La première, organisée le 6 juin avec le Club IAR Invest, présentera les acteurs du secteur des technologies vertes, dont cinq capitaux risqueurs, sur le thème : ”Entreprendre : la raison du risque et le risque de la déraison”.
” Les intervenants ne viennent pas pour vendre leur soupe, nuance Joseph Orlinski, mais pour mobiliser les jeunes et leur dire toute la nécessité qu’il y a, en France, à relever la tête dans une situation économique au plus bas. ”
La labellisation, premier pas vers la création
Deuxième étage de la fusée, le centre d’innovation. Benoît Eynard détaille : ” Depuis trois ans, le centre d’innovation lance des concours de projets innovants et son jury labellise les plus prometteurs, soit cinq à huit par an sur la trentaine de projets soumis. Cette labellisation ouvre aux porteurs de projet une phase de maturation, pour mener l’idée jusqu’à la création de l’entreprise et au marché. ”
L’accompagnement prodigué par la direction Innovation et partenariats veille au développement technologique, économique et marketing de l’innovation. Pour cela, elle implique aussi des acteurs extérieurs capables d’apporter une plus-value : études de marché, conseil en design, en biotechnologie, etc. Le tout est financé par le fonds de maturation hébergé par la Fondation de l’UTC, soit une enveloppe de 125 000 € par an environ. Le concours est ouvert aux étudiants, aux enseignants-chercheurs, et même aux acteurs extérieurs à l’UTC, dans la mesure où ils feront vivre l’écosystème local d’innovation et de créativité porté par le président de l’UTC.
Parmi les projets labellisés, certains arrivent déjà à l’étape de création d’entreprise, comme Closycom (créé en juillet 2012) ou Novitact (voir article p. 15). D’autres ont donné lieu à des dépôts de brevet, comme Tatin. Les bâtiments du centre d’innovation offriront à terme un lieu dédié à la valorisation de l’innovation, avec des espaces de créativité, de prototypage, de réunion, de bureau, etc. ” Le centre d’innovation, soutenu et financé principalement par la Région Picardie et l’agglomération de Compiègne, fera vivre le maillage de proximité dédié à l’entrepreneuriat “, avance Benoît Eynard. ” Un second concours, lancé en parallèle, sélectionne des projets étudiants en phase de pré-labellisation pour leur offrir un coup de pouce financier et humain le temps d’un semestre. Les étudiants foisonnent d’idées, souligne Vanessa Caignault, de la direction Innovation et partenariats. Certains projets pré-labellisés sont ensuite labellisés. ”
Dernier étage de la fusée, la SATT*
” Créées par le gouvernement français pour accompagner des projets innovants nécessitant un accompagnement conséquent, les SATT disposent de larges moyens humains et financiers “, explique Benoît Eynard. L’UTC est associée avec Paris VI, le CNRS, le Muséum national d’histoire naturelle, l’INSEAD et Panthéon-Assas au sein de la SATT Lutech.
L’un des projets labellisés par le centre d’innovation, baptisé IDCCM, est en cours de valorisation par Lutech. Émanation du laboratoire BMBI, il développe un système innovant de culture cellulaire pour répondre aux besoins des industries pharmaceutiques, cosmétiques et chimiques.
” Il fallait trouver 300 000 € pour passer à l’étape suivante, c’est pourquoi la SATT a pris le relais “, retrace Benoît Eynard. Parmi les événements à venir, ne manquez pas le Forum entreprises consacré aux PME et aux entreprises innovantes, organisé par la direction Innovation et partenariats le 2 mai.
” Il existe déjà un forum entreprises à l’UTC, mais les PME peinent à s’y faire entendre face aux grands groupes, assure Benoît Eynard. Nous leur dédierons désormais une journée tous les ans. ”
* Société d’accélération du transfert de technologie
En ville, au travail ou en pleine nature, les bruits appartiennent aux nuisances perçues comme les plus fréquentes et dommageables.
Accord Acoustique répond à une question : comment protéger les personnes des bruits nuisibles ou améliorer les conditions d’écoute ? Les missions du cabinet d’études sont vastes, des études sur plan au suivi des travaux, en passant par les diagnostics sur le terrain et les modélisations.
« Les missions durent quelques heures ou quelques années », explique Jacques Millouet, qui sort de la première promo de l’UTC, université qu’il choisit à l’époque pour sa filière acoustique en génie mécanique. « Nous avions l’impression d’être des pionniers ! », se souvient-il.
À sa sortie de l’UTC en 1977, il avait déjà envie de créer son entreprise, mais l’opportunité s’est présentée vingt ans plus tard, à la suite d’un licenciement économique qui lui permit d’envisager la voie entrepreneuriale dans de bonnes conditions. « L’une des problématiques de la création d’entreprise, c’est le moment le plus opportun au regard des responsabilités familiales, par exemple. Entre 1985 et 1997, j’ai acquis une solide expérience dans des bureaux d’études acoustiques, ce qui me fut bénéfique pour maîtriser la technique, mais aussi pour construire un réseau et acquérir une reconnaissance professionnelle. »
Accord Acoustique intervient dans des domaines très variés : industrie (bruit au poste de travail, machines, bruits émis dans l’environnement, etc.), bâtiment (résidentiel, culturel, universitaire, etc.), environnement (transports, voisinage, etc.). Dix personnes y travaillent – dont trois UTC ! –, pour un chiffre d’affaires de 925 000 € en 2012 réalisé en France et à l’international.
Objectif en 2013 : maintenir ce niveau d’activités, et si possible le développer dans un contexte ambivalent. « D’un côté les évolutions réglementaires, notamment les certifications environnementales dans le bâtiment, imposent des performances acoustiques nouvelles mais, de l’autre, les grands chantiers se font plus rares en période de ralentissement économique », souligne Jacques Millouet, qui appartient toujours au bureau de la spécialisation génie mécanique et accueille régulièrement des UTC en stage de 4e année.
Heol, la voiture d’Eco Solar Breizh, gagnera l’Australie en bateau, et prendra le départ du désormais fameux World Solar Challenge.
Depuis 1987, cette course rassemble des dizaines de voitures solaires du monde entier pour traverser le bush australien, de Darwin à Adélaïde, soit 3 021 km de ligne droite et presque autant de kangourous. Jean-Luc Fleureau s’est tourné vers la course australienne quand le Shell Eco-marathon a cessé d’accepter les équipes privées.
« L’association réunit une soixantaine de personnes passionnées et bénévoles. Elle a accueilli plus de 110 jeunes en stages rémunérés depuis 2010, dont trois UTC et deux UTBM pour des stages de six mois. Pour entreprendre, il faut croire en son idée, bien s’entourer et adapter ses discours en fonction de l’auditoire pour le convaincre », explique cet ancien de l’UTC, sorti en 1987, qui a suivi les cours de robotisation et entraînement électromécanique en génie mécanique.
S’il a pu mener à bien cette aventure, c’est aussi grâce à son carnet d’adresses d’entreprises et d’experts, développé en tant que conseiller Cap’Tronic, programme du ministère de l’Industrie pour l’innovation et la compétitivité des PME par l’électronique.
Eco Solar Breizh réunit aujourd’hui une quarantaine de partenaires et associés, de la Région Bretagne à Sojasun (les deux principaux financeurs de ce projet de 300 000 €), en passant par le fabricant de panneaux solaires Sillia Énergie. La voiture pèse 150 kg et roule à 100 km/h.
« Notre objectif est de finir la course. Il faut minimiser au maximum la consommation d’énergie, en allégeant, simplifiant, optimisant. Pour un technophile, c’est un magnifique challenge », décrit-il enthousiaste. La grande innovation, c’est le tableau de bord qui tient dans une tablette numérique et se connecte au système électronique du véhicule.
Elle a été développée par la PME bretonne Niji. Autre innovation : le lancement d’une campagne baptisée ‘‘Adopt a Cell’’. Pour 25 €, les particuliers peuvent acheter une cellule photovoltaïque et soutenir le projet. Les Bretons répondent présents !
Aujourd’hui, les pneus usagés finissent en décharge ou dans les fours des cimenteries, où ils remplacent pour partie les énergies fossiles.
« Mais alors ils ne produisent pas d’électricité, et les normes de rejet de polluants dans l’atmosphère sont à vérifier de près. S’il existe peu d’unités de combustion spécifiques pour pneus usagés, c’est qu’elles ne sont pas rentables », explique Grégoire Jovicic.
Lui aurait trouvé la parade : « J’applique des procédés de traitement des minerais pour extraire l’oxyde de zinc et le cobalt des cendres issues de la combustion. Un procédé existe déjà, mais je conduis des programmes de recherche avec des laboratoires français, marocain et sud-africain pour le perfectionner. L’oxyde de zinc se revend 17 000 $/t, le cobalt 47 000 $/t. »
Ingénieur UTC diplômé en 1982, Grégoire Jovicic a participé à la création du BDE avant de suivre un MBA à l’EM Lyon. Sa carrière fut couronnée par le poste de directeur des affaires internationales de la division Énergie et Environnement de Charbonnages de France Ingénierie.
Pour les pneus, il a trois projets, dont les plus avancés sont ceux de Strasbourg et de Polgár, en Hongrie. Le premier consiste à brûler 11 000 t/an de pneus dans une unité de cogénération de 31 MW électriques, à concevoir – soit un projet de 156 millions d’euros. En Hongrie, il s’agit de reprendre une centrale en dépôt de bilan, pour y brûler 23 000 tonnes de pneus, dont les cendres seront traitées en France.
Reste à trouver le nerf de la guerre : Grégoire Jovicic lance une offre de souscription pour lever 78 millions d’euros. Il négocie aussi les contrats d’approvisionnement de pneus usagés avec des acteurs français, luxembourgeois, belges et allemands.