Quelle place accorder aux IA dans notre société ?
Directeur du département TSH, Pierre Steiner enseigne la philosophie et l’épistémologie. Parmi ses enseignements, il aborde la dimension éthique et les relations qui peuvent exister entre éthique, technologies et le métier d’ingénieur.
Ce qui tout naturellement fait des technologies de l’IA un champ d’étude et de réflexion afin d’en mesurer les conséquences tant sociales qu’environnementales par exemple. « Aujourd’hui, les relations entre éthique et IA se déclinent de différentes façons et ces déclinaisons ne sont pas forcément fonction des types d’IA existantes. Si on prend les IA génératives les plus récentes, leur manque de transparence a des dimensions à la fois technologiques pour les concepteurs mais aussi éthiques et juridiques. Parmi les valeurs éthiques, on peut se demander si ces systèmes respectent, par exemple, l’équité ou l’absence de biais. On peut également soulever la question de la responsabilité – est-ce le système qui est responsable ou le concepteur du système ? –, mais aussi la manière dont les données ont été collectées, et s’assurer qu’elles reflètent bien la diversité de la population ou encore s’interroger sur le respect de la vie privée. Face aux IA, émergent également des questionnements juridiques nouveaux. Si on ne sait pas comment le système s’y prend pour produire telle ou telle réponse, comment peut-on estimer qu’une réponse est justifiée ? Et comment laisser un système aussi peu transparent appuyer des décisions prises en temps normal par des humains ? » détaille Pierre Steiner.
En effet, si les bénéfices tirés des données IA et des algorithmes peuvent être importants, il n’en reste pas moins que les risques d’erreurs existent et sont inacceptables dans un grand nombre de domaines. « Si on prend le système de santé par exemple, souhaiterions-nous déléguer à ces systèmes la prise de décision concernant un diagnostic ou les soins à apporter ? Jusqu’où sommes-nous prêts à le faire et enfin à quel moment estimerions-nous que l’intervention humaine demeure nécessaire ? Mais, plus généralement et c’est éminemment politique, se pose la question de la société et du monde que l’on veut dessiner. Souhaitons-nous un monde où les IA joueraient un rôle plus important dans la manière de nous informer, de produire des connaissances, de les enseigner ou encore de travailler ? On peut également se poser des questions sur les conséquences de l’IA sur le plan sociétal avec l’automatisation croissante de nombreuses tâches mais aussi sur le plan écologique. En somme, il s’agira de faire des choix et de définir la place que l’on voudrait accorder aux IA dans notre société. Tous ces questionnements ne sont pas seulement du ressort de l’ingénieur ou du concepteur. Ce sont des questions politiques et éthiques qui ne peuvent se résoudre par des algorithmes ou par l’agrégation de données », affirme-t-il.
Des questions éthiques qui irriguent l’enseignement et la recherche à l’UTC. « Ce qui est particulier à l’UTC, c’est que l’on considère que l’on ne doit pas réfléchir aux questions éthiques en bout de chaîne lorsque le système est déployé. Elles doivent se poser en amont. C’est dès la conception qu’il faut se poser la question des enjeux, sur un plan éthique, du système », conclut Pierre Steiner.
MSD