Pour une réglementation intelligente de l’IA

Directeur sci­en­tifique chez Renault, Luc Julia est par ailleurs l’auteur du livre “L’intelligence arti­fi­cielle n’existe pas” pub­lié aux Édi­tions First. Favor­able à la régle­men­ta­tion de l’IA, il n’en appelle pas moins à une régle­men­ta­tion intelligente.

Si le terme IA a été pronon­cé pour la pre­mière fois en 1956, des machines intel­li­gentes des­tinées à effectuer des tâch­es par­ti­c­ulières ont de tout temps existé. C’est le cas, selon Luc Julia, de la machine de Pas­cal au xvi­ie siè­cle ou du bouli­er apparu 1 000 ans aupar­a­vant. « L’intelligence arti­fi­cielle qui n’existe pas, c’est celle qui fonc­tion­nerait comme la nôtre. A con­trario, toutes les intel­li­gences arti­fi­cielles sont des out­ils des­tinés à ne traiter qu’une tâche don­née et en cela elles sont meilleures que nous », estime-t-il.

Des sys­tèmes experts au machine learn­ing en pas­sant par le deap learn­ing et plus récem­ment par l’IA généra­tive, ces out­ils ont évolué dans le temps. « Les IA ne sont que des out­ils rangés dans la boîte à out­ils qu’est l’IA en général. Tout comme le marteau, les clous, le tournevis, les vis que l’on trou­ve dans une boîte à out­ils clas­sique. Chaque IA est spé­ci­fique et des­tinée à un prob­lème par­ti­c­uli­er. Cepen­dant, il faut rester vig­i­lant. Tout comme un marteau, que je peux utilis­er pour planter un clou ou taper sur la tête de quelqu’un, l’IA peut être util­isée à bon ou à mau­vais escient. D’où la néces­sité d’une régu­la­tion, même si, au final, c’est tout de même une per­son­ne qui tient le manche du marteau », affirme-t-il.

Si Luc Julia souligne l’importance de la régu­la­tion des IA tant en matière des out­ils dévelop­pés – quels types d’outils sont accept­a­bles ? – que dans l’usage qui en est fait, il n’en cache pas moins son scep­ti­cisme vis-à-vis de « l’European AI Act » – le pre­mier règle­ment com­plet sur l’IA établi à l’échelle du monde par une insti­tu­tion de régle­men­ta­tion de cette impor­tance. Il craint notam­ment les freins à l’innovation que cela pour­rait entraîn­er et plaide pour une régle­men­ta­tion intel­li­gente. « La régle­men­ta­tion de l’UE classe les appli­ca­tions de l’IA en trois niveaux de risque : les appli­ca­tions et les sys­tèmes qui créent un risque inac­cept­able tels les sys­tèmes de nota­tion sociale déployés dans cer­tains pays, les appli­ca­tions à haut risque comme les out­ils de bal­ayage de CV qui pour­rait class­er les can­di­dats selon le genre ou l’ethnie, par exem­ple, et enfin les appli­ca­tions qui ne sont pas réper­toriées comme étant à risque élevé. Une clas­si­fi­ca­tion de cette nature est trop générale et ignore cer­taines gran­u­lar­ités. Prenons l’exemple de la recon­nais­sance faciale. On pense tout de suite à la sur­veil­lance général­isée des pop­u­la­tions, inac­cept­able bien sûr, pour­tant elle peut être utile dans la répa­ra­tion faciale en chirurgie. L’UE peut bien enten­du finir par accepter son usage dans ce domaine, mais, le prob­lème, c’est son manque d’agilité. Si elle me répondait en un mois que la recon­nais­sance faciale appliquée à la chirurgie n’est plus con­cernée par ce niveau de risque, je me réjouirais. Le prob­lème, c’est qu’elle met­tra trois ans pen­dant que les autres pays avan­cent », con­clut Luc Julia.

MSD

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Novembre 2024 - N°64

L’intelligence artificielle : un outil incontournable

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