Les algorithmes à l’ère du quaternion

Chercheur CNRS au sein d’Heudiasyc, Pedro Castil­lo est core­spon­s­able de l’équipe Sys­tèmes Robo­t­iques en Inter­ac­tion (SyRI). Spé­cial­isé en com­mande automa­tique appliquée a la robo­t­ique, il est égale­ment respon­s­able de l’activité « drones ». 

Entre Pedro Castil­lo et les drones, c’est une longue his­toire, puisque sa thèse, com­mencée à l’UTC en 2000, por­tait déjà sur la com­mande automa­tique des drones. Une thèse qui lui a valu, début 2004, le prix de la meilleure thèse en automa­tique au niveau nation­al. Il rejoint, en 2005, le CNRS au sein de l’unité mixte d’Heudiasyc où il pour­suit ses travaux de recherche sur la com­mande des drones en minia­ture. L’équipe, ASER, rebap­tisée depuis SyRI, était, à l’époque, l’une des pre­mières à tra­vailler sur le sujet et fut l’une des pre­mières à dévelop­per un drone autonome à qua­tre rotors. 

Des recherch­es menées à l’époque avec des méth­odes très clas­siques fondées notam­ment sur une des théories de New­ton-Euler. Depuis, les mem­bres de l’équipe ont mod­i­fié leur approche et sont passés à une approche fondée sur le quater­nion. Con­crète­ment ? « Le quater­nion est une approche math­é­ma­tique qui peut représen­ter les rota­tions d’un corps en trois dimen­sions. Appliquée aux drones, elle nous per­met de dévelop­per des algo­rithmes plus robustes et plus per­for­mants afin de con­trôler avec pré­ci­sion l’orientation et la vitesse d’un drone ou d’un objet don­né. Elle nous per­met égale­ment de con­cevoir des sché­mas de con­trôle et de pré­dic­tion dans le cas notam­ment d’une attaque con­tre le drone. On pour­ra dans cette sit­u­a­tion le faire évoluer à une vitesse très rapi­de, décélér­er très rapi­de­ment ou encore chang­er de tra­jec­toire », explique Pedro Castillo. 

Alors que les drones jusqu’ici nav­iguent avec des incli­naisons de moins de 10°, les chercheurs de SyRI ont réus­si, grâce à leur nou­velle approche, à leur faire effectuer des pirou­ettes. Cela peut paraître triv­ial mais les appli­ca­tions poten­tielles sont réelles. « Imag­i­nons un forcené détenant les mem­bres d’une famille dans une mai­son avec une fenêtre légère­ment ouverte. Le drone peut se fau­fil­er à l’intérieur et per­me­t­tra aux policiers de con­naître la topogra­phie des lieux, l’emplacement des otages et du forcené, etc., avec un risque min­ime de se faire descen­dre, puisqu’il peut accélér­er ou chang­er de tra­jec­toire très vite. On tra­vaille égale­ment sur un drone que l’on peut lancer comme un boomerang et qui, sans moteurs allumés, va se sta­bilis­er en vol de manière autonome. Il suiv­ra ensuite les con­signes que l’opérateur lui indi­quera comme pour­suiv­re une cible, pren­dre des pho­tos, etc. Ce qui sera très utile pour le tra­vail des pom­piers, par exem­ple », assure-t-il. 

L’approche du quater­nion leur a per­mis d’élargir leurs recherch­es à la coopéra­tion hétérogène, c’est-à-dire à l’interaction entre un véhicule aérien et un véhicule ter­restre autonome et de pass­er, con­cer­nant les drones, d’un tra­vail sur un seul agent à un tra­vail sur les mul­ti­a­gents. Autrement dit sur plusieurs drones. 

Dans le pre­mier cas, il s’agit de faire en sorte que l’échange d’informations entre les deux véhicules soit le plus pré­cis pos­si­ble. « Prenons un phénomène comme l’avènement d’un séisme. Le drone peut aller là où le véhicule ter­restre ne peut pas, et inverse­ment. Dans ce cas de fig­ure, la coopéra­tion entre les deux et l’échange d’informations pré­cis­es entre les deux peu­vent être vitaux pour les rescapés », dit-il. 

Dans le sec­ond, leurs travaux con­cer­nent la prob­lé­ma­tique drones/an­ti-drones à la suite d’un appel à pro­jets de l’ANR. Appel à pro­jets qui fait suite à l’explosion des drones détenus par des per­son­nes et aux mul­ti­ples sur­vols de zones sen­si­bles telles que les cen­trales nucléaires ou les aéro­ports. « L’idée est de mobilis­er une flotte de drones afin de neu­tralis­er la cible indésir­able. Même si on n’a pas eu de finance­ment de l’ANR, on a con­tin­ué à tra­vailler sur cette prob­lé­ma­tique. Aujourd’hui, on pro­pose aux étu­di­ants des approches de con­trôle basées sur l’énergie pour assur­er le suivi de la cible dynamique intruse et l’encercler afin de la neu­tralis­er. Des con­trôles qui font de l’intrus un “attracteur” pour les drones chargés de le neu­tralis­er tout en évi­tant le risque de col­li­sion entre eux. Ces derniers en effet peu­vent adapter tant leur vitesse que leur tra­jec­toire aux mou­ve­ments de la cible », pré­cise Pedro Castillo. 

Autres pro­jets de recherche liés aux drones ? « Nous tra­vail­lons égale­ment, en lien avec Jean- Daniel Cha­zot du lab­o­ra­toire Rober­val, sur les drones acous­tiques. Il s’agit de dot­er les drones d’antennes acous­tiques per­me­t­tant de détecter un son par­ti­c­uli­er et d’adapter leur tra­jec­toire à la source de ce son. Prenons tou­jours le cas d’un séisme. Des per­son­nes peu­vent être encore vivantes mais ensevelies sous les décom­bres. Un drone équipé d’une caméra ne sera pas d’une grande util­ité mais celui doté d’antennes acous­tiques pour­ra détecter les cris de ces per­son­nes per­me­t­tant aux sauveteurs d’aller à l’endroit pré­cis. Cela peut être égale­ment utile pour neu­tralis­er, par exem­ple, les nids de frelons asi­a­tiques, sou­vent nichés en haut des arbres ou sous les toits, en suiv­ant à la trace un frelon. Une thèse Cifre avec le Cetim est en cours sur cette thé­ma­tique et une autre va débuter cet automne », conclut-il.

MSD

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