Jumeaux numériques de microcapsules

Anne-Virginie Salsac est directrice de recherche au CNRS, dans l’équipe Interactions Fluides Structures Biologiques (IFSB) du laboratoire BMBI. Avec Florian De Vuyst, elle développe des jumeaux numériques de microcapsules sous écoulement.
Concrètement ? « Une microcapsule est composée d’une membrane protégeant une goutte d’un fluide actif à l’instar d’un médicament. Elle permet, tels les globules rouges, de l’acheminer directement aux tissus tout en évitant les effets secondaires pour le patient. Actuellement, les solutions thérapeutiques présentes sur le marché sont d’échelle nanoscopique : leur avantage (et inconvénient) est qu’elles peuvent passer toutes les barrières, mais la quantité de médicament encapsulée est infime », explique-t-elle. D’où l’idée, dans le cadre du projet Multiphys Microcaps financé par l’European Research Council, de développer des vecteurs plus grands, de taille micrométrique. « Toutefois, pour que les vecteurs soient sûrs et puissent transiter dans les capillaires voire des pores encore plus petits, il faut nous assurer de leur déformabilité et résistance notamment aux écoulements sanguins. Nous développons ainsi des modèles numériques nous permettant d’étudier leur comportement sous flux et d’identifier leurs propriétés mécaniques en les couplant à des micro-expérimentations. Une des grandeurs à estimer étant leur risque de rupture », précise-t-elle.
Une problématique multiphysique qui nécessite des simulations complexes. « Il faut en effet modéliser la dynamique du vecteur avec son cœur liquide et sa membrane mince aux propriétés mécaniques non linéaires, le tout en interaction avec le fluide externe. La seule solution pour y parvenir : développer nos propres codes numériques haute-fidélité. Étant explicites, les simulations sont longues, ce qui nous a amenés à créer des jumeaux numériques. Ayant une grande quantité de données de simulation à disposition, nous avons choisi l’approche « modèles d’ordre réduit », qui peut être vue comme une IA basée sur la physique. Leur intérêt est de nous fournir des systèmes algébriques de petite dimension, qui peuvent réduire une partie des codes haute-fidélité, ou les codes dans leur intégralité. Leurs autres intérêts : réduire les temps de calcul et améliorer la compréhension des éléments pilotant le couplage fluide-structure », souligne Anne-Virginie Salsac.
Et la suite ? « Nous allons faire dialoguer nos outils de réduction de modèles avec des outils plus classiques d’IA. C’est l’objet de la thèse de Lucas Wicher, que je codirige avec Florian De Vuyst et qui est cofinancée par la Région Hauts-de- France et la chaire Safe-IA de l’UTC. Il s’agit de déterminer quels outils d’IA garantissent des jumeaux numériques robustes, sûrs et fiables », conclut-elle.
MSD