Des supercalculateurs dernière génération à l’UTC

Anne-Vir­ginie Sal­sac, direc­trice de recherche au CNRS, et Flo­ri­an De Vuyst, pro­fesseur des uni­ver­sités à l’UTC, chercheurs au lab­o­ra­toire Bio­mé­canique et Bio­ingénierie (BMBI), accueil­lent deux super­cal­cu­la­teurs dédiés notam­ment à des appli­ca­tions en bio­médecine et bioingénierie.

Fourni par la société Nvidia et financé par le Euro­pean Research Coun­cil (ERC), cet équipement de cal­cul de haute per­for­mance (HPC) de nou­velle généra­tion fait de l’UTC une pio­nnière par­mi les écoles d’ingénieurs en France. La genèse de ce qui s’apparente à un vrai con­te de Noël ? « J’ai par­ticipé, lors de l’été 2023 à Mar­seille, à une uni­ver­sité d’été sur le cal­cul inten­sif et les GPU (Graph­ics Pro­cess­ing Units). C’est là que des mem­bres du CEA, avec lequel j’ai longtemps tra­vail­lé aupar­a­vant, m’ont appris la sor­tie immi­nente de ces processeurs que j’ai donc décou­verts en avant­première et que j’ai ren­con­tré Cristel Saude­mont, direc­trice de Nvidia France. L’entreprise pré­parait la sor­tie mon­di­ale de ces “Super­Chip” dont le nom “GH200 Grace Hop­per” rendait hom­mage à celle qui a inven­té le lan­gage Cobol* », relate Flo­ri­an De Vuyst. L’opportunité d’avoir des machines, qui sont un con­cen­tré de tech­nolo­gies inno­vantes, sautait aux yeux, mais le prix con­sti­tu­ait un obsta­cle. C’est finale­ment de Nvidia que vint la solu­tion. « Nous avons appris que le groupe offrait la pos­si­bil­ité à des insti­tu­tions de recherche de se dot­er de deux super­cal­cu­la­teurs au max­i­mum à un prix net­te­ment plus avan­tageux que le tarif affiché au départ. Cerise sur le gâteau, l’ERC accep­ta de financer le coût des deux machines » pré­cise Anne-Vir­ginie Salsac.

Les car­ac­téris­tiques du « GH200 Grace Hop­per» ? « Ce “Super­Chip” com­prend deux types de processeurs placés côte à côte. Le pre­mier, le CPU, est un processeur clas­sique con­sti­tué de 72 coeurs ou unités logiques de traite­ment de type ARM ; le sec­ond est un GPU con­sti­tué de 20 000 coeurs con­tre quelques mil­liers dans les GPU clas­siques récents. Or, dans nos algo­rithmes, ce n’est pas tant la puis­sance de cal­cul qui nous ralen­tit mais les com­mu­ni­ca­tions, c’est-à-dire les allers-retours entre les élé­ments. Le Super­Chip Grace Hop­per est le seul à pro­pos­er une telle archi­tec­ture con­jointe, qui per­met d’optimiser et d’améliorer la com­mu­ni­ca­tion entre les élé­ments sans recourir à des élé­ments inter­mé­di­aires tel un bus de com­mu­ni­ca­tion externe par exem­ple, le bus étant inté­gré dans la machine. D’où une puis­sance de traite­ment démul­ti­pliée, de l’ordre d’une soix­an­taine de TéraFLOPS (Tera Float­ing-Point oper­a­tions per sec­ond), puis­sance qui cor­re­spond à celle dont dis­po­saient les grands cen­tres de cal­cul dans les années 2000–2005. L’autre inno­va­tion de Grace Hop­per réside dans une mémoire de 500 gigaoctets, là où aupar­a­vant on était lim­ité à 32 gigaoctets. Cela va nous per­me­t­tre de faire du vrai cal­cul 3D. Autre avan­tage faisant écho à un grand axe de réflex­ion de l’UTC : la con­som­ma­tion énergé­tique, qui, à per­for­mances com­pa­ra­bles, est divisée par 1 000, pas­sant d’un mégawatt pour un clus­ter de machines à deux kilo­watts », décrit Flo­ri­an De Vuyst.

Des super-machines qui vont prof­iter aux activ­ités de recherche de l’UTC en général et du lab­o­ra­toire BMBI, spé­cial­isé dans la com­préhen­sion de la bio­mé­canique du corps humain et sa répa­ra­tion, qu’elles soient liées aux écoule­ments des flu­ides comme le sang ou la lym­phe, au sys­tème mus­cu­losquelet­tique et à l’ingénierie tissulaire.

Par­mi les pro­jets ? « Nous tra­vail­lons notam­ment sur l’ensemencement de bio­matéri­aux avec des cel­lules per­me­t­tant de créer des mod­èles fidèles de tis­sus, la car­ac­téri­sa­tion mul­ti-échelle et mul­ti­physique des tis­sus et la con­cep­tion de dis­posi­tifs médi­caux. Par­mi ces derniers, un nou­v­el implant, conçu en col­lab­o­ra­tion avec l’hôpital Hen­ri-Mon­dor et le CNRS, a été breveté en 2018 dans le but de répar­er la valve mitrale en pas­sant par les vais­seaux san­guins sans ouvrir le cœur. Un autre pro­jet porte sur des micro­cap­sules pro­tégeant une sub­stance active, un médica­ment par exem­ple, à injecter afin de se fix­er sur une zone cible spé­ci­fique », explique Anne- Vir­ginie Salsac.

Or, l’étude de la dynamique de ces dis­posi­tifs requiert des sim­u­la­tions numériques com­plex­es, en rai­son des fortes inter­ac­tions entre leurs mouvement/ défor­ma­tion et l’écoulement san­guin. Des domaines où les besoins en sim­u­la­tion sont con­sid­érables. « Les Grace Hop­per vont, de ce fait, chang­er la donne. Leur puis­sance de cal­cul va nous faire gag­n­er en effi­cac­ité. On devrait ain­si ten­dre vers des temps de cal­cul qui devraient devenir com­pat­i­bles avec la pra­tique clin­ique », conclut-elle.

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