À la fois chercheuse et artiste
Ninon Lizé Masclef est la première artiste en résidence au sein du 3DEXPERIENCE Lab, le centre d’innovation de Dassault Systèmes France. Dans le même temps, elle s’occupe de la recherche scientifique au sein de la start-up utcéenne Ontbo. Sa recherche est spécialisée en analyse des émotions et de la musique pour développer des interfaces cerveau-ordinateur.
À 25 ans, Ninon Lizé Masclef a déjà conçu le design d’un masque capteur d’émotions, avec CATIA XGenerative Design à partir du scan 3D de sa tête, afin d’y intégrer un capteur EEG, électroencéphalogramme, et de la fibre optique. Elle n’avait encore jamais utilisé ce logiciel. Elle a été formée et aidée par l’équipe du 3DEXPERIENCE Lab et de Sébastien Rosel – directeur technique chez Dassault Systèmes. Le masque a été imprimé en frittage de poudre (SLS). Le capteur EEG est intégré dans le masque, avec une électrode au niveau du lobe frontal. « Le signal est analysé pour déduire des pics des bandes gamma, bêta, alpha, thêta, delta, ainsi que des niveaux d’attention et de relaxation. Les couleurs des fibres optiques changent en fonction de ces pics d’activité et des animations de lumière se produisent, par exemple des scintillements ou ondulations lorsque la personne est très attentive ou méditante », explique la chercheuse au parcours très original.
Elle a suivi le cursus Humanités et Technologie de l’UTC, suivi de la branche génie informatique filière fouille de données. « J’étais avant tout intéressée par l’interdisciplinarité d’Hutech. J’y voyais un bon moyen de concilier mon attrait pour les lettres, en particulier la philosophie, et les sciences. En effet, j’ai fait un bac L spécialité arts plastiques et option musique. Précisément, je suis passée de première S à terminale L arts plastiques, raconte-t-elle. C’est mon professeur de philosophie au lycée qui m’a conseillé de faire le cursus Humanités et Technologie à l’UTC. Ce qui m’intéresse dans l’ingénierie, c’est de pouvoir réfléchir aux mondes possibles avec la technique, imaginer des technologies qui transforment la société. »
Développer recherche et art
Ce masque était son projet final pour le programme « Fabricademy : Textile and Technology Academy » suivi au Fablab de l’université Paris- Saclay. Un programme intensif qui mêle arts et science et où elle a appris à utiliser l’impression 3D, la découpe laser, la fraiseuse et concevoir des PCB, des circuits sur du textile et de la peau, des soft robots, des biomatériaux. « Cela fait longtemps que je voulais créer une interface cerveau-ordinateur. Pendant le programme, j’ai fait une première interface à partir d’un jouet Star Wars qui contient un capteur EEG utilisé pour faire bouger un hologramme avec la pensée. J’ai développé un script pour détourner la fonction de ce jouet afin de composer de la musique avec mes ondes cérébrales. Puis j’ai essayé de construire mon propre circuit de capteur, ajoute-t-elle. En concevant le circuit, je me suis rendu compte qu’un EEG repose sur un mécanisme d’amplification de l’activité électrique du cerveau, et j’y trouvais une forme de poésie. J’ai eu l’idée de la forme du masque en m’inspirant des champs électriques en provenance du cerveau qui émanent à la surface de la tête. D’une certaine manière, je cherche à amplifier, à augmenter les émotions, et parallèlement, j’amplifie l’activité électrique pour capter ces mêmes émotions. »
Ninon Lizé Masclef a imaginé une série de masques basés sur les biofeedbacks, par exemple avec le battement cardiaque et les muscles faciaux. Ainsi, elle pourrait avoir une caractérisation plus fine des émotions. Pendant son année de résidence au 3DEXPERIENCE Lab de Dassault Systèmes, elle a prévu de travailler sur plusieurs projets artistiques, dont un sur les rêves. « J’ai mis en place un protocole pour enregistrer mon signal EEG pendant le sommeil et j’annote mes rêves au réveil afin d’entraîner un modèle à reconnaître les objets dans le contenu du rêve. La finalité est d’utiliser des modèles d’intelligence artificielle pour générer des scènes 3D à partir des rêves », conclut la chercheuse qui souhaite partir en thèse d’informatique associant deep learning avec les neurosciences ou bien l’art. Et pourquoi pas créer son propre studio de recherche IA et Art.