
Au printemps dernier, dans le cadre de l’UV Di03, Victor Lherm-Soulas, étudiant en génie urbain, a imaginé avec Lucas David, étudiant en ingénierie mécanique, un aménagement d’espace pour la ville de Compiègne. De quoi offrir une scénographie qui résonne avec le lieu pour former un tout qui fait sens.
Au sein de la filière IDI, Ingénierie du design industriel, branche Ingénierie mécanique, Victor Lherm-Soulas a imaginé et maquetté une terrasse guinguette pensée pour un lieu public spécifique, Les Bords de l’Oise, en intégrant une réflexion sur son esthétique, ses matériaux, ses fonctionnalités et ses usages associés. Le projet consiste en une grande terrasse en bois de 30 m de diamètre structurée en deux espaces circulaires marqués par un platelage différent : un espace au centre destiné à la musique et la danse et, autour, un espace avec des tables de différentes tailles. Et une centralité autour d’un kiosque qui se veut le support de toute la vie apportée par ce projet. « Il a été est mené comme une commande de l’ARC, Agglomération de la région de Compiègne, qui souhaiterait communiquer, rendre visible et palpable le dynamisme de l’agglomération sur le plan économique, culturel, environnemental. Il s’agit bien d’un projet fictif. Le but est que le résultat traverse le temps et accompagne le paysage », explique Anne Meuleau, enseignante en design industriel à l’UTC, accompagnée dans le projet par l’atelier BLAM. Cette entreprise du secteur du mobilier urbain explore la capacité à voir le monde et à imaginer celui de demain des designers. « Aurélien Meyer, cofondateur de l’atelier BLAM, nous a accompagnés en construisant le brief avec moi, en donnant son avis d’expert aux étudiants, tant sur l’aspect esthétique, sémantique, poétique et symbolique que sur l’aspect pragmatique des projets, l’usage, la fabrication et la mise en oeuvre. »
La créativité comme levier
Selon Victor Lherm-Soulas, aujourd’hui, l’on donne à l’ingénieur un rôle consultatif, voire limitant. C’est celui qui connaît la technique, donc il est consulté pour savoir si cela fonctionne ou non. Il rédige des cahiers des charges techniques, traduit des intentions architecturales en plans techniques, vérifie la conformité au cadre réglementaire, produit des études techniques. « C’est affreusement triste de voir qu’on a en grande majorité perdu le rôle créatif de l’ingénieur, dont le témoignage le plus frappant dans l’histoire est sans doute Léonard de Vinci, oublié que la première école d’ingénieur, les Ponts et Chaussées, a été fondée sur le modèle d’une école d’architecture. L’histoire du métier de l’ingénieur est aussi intimement liée au design et à l’artisanat qui a précédé l’industrie, poursuit Victor. Il s’agirait pour moi de renouer avec cet héritage, et de considérer les contraintes techniques et réglementaires non plus comme des verrous mais comme des leviers créatifs. C’est ce qui doit guider notre mode de fabrication de la ville. »
Imaginer un mobilier urbain attractif
Les étudiants ont ainsi apporté des réponses ciblées, uniques et inattendues. La modélisation 3D leur a permis d’aboutir à une idée en la poussant dans ses détails et finitions, en intégrant quelques contraintes de fabrication, tout en réalisant des images réalistes des projets, avec intégration du mobilier dans son contexte. « L’objectif est de réenchanter les lieux publics, en créant du collectif, en amenant de la convivialité et des interactions. Offrir du beau, du positif, de l’émerveillement, du plaisir et de l’émotion. Intégrer si possible la dimension écoresponsable, assure Anne Meleau. Nous espérons un retour positif de la Mairie de Compiègne pour exposer les maquettes là-bas et montrer les projets aux membres de l’Arc. » Par sa capacité à comprendre et analyser, à réfléchir au sens de ce qu’il fait, à intégrer tout type de contraintes et outils, à être créatif, mais surtout à mettre au centre l’humain qui utilise les dispositifs, l’ingénieur a sa place à tous les niveaux pour participer à la fabrication de la cité du futur.