La contrainte fait l’innovation
Diplômé UTC filière génie informatique en 2008, Olivier Delcroix a décidé de créer une entreprise en France, Compellia, après une expérience enrichissante en Argentine et en Espagne. Pour lui, les différences d’innovation entre pays résultent avant tout des demandes différentes imposées par chaque marché.
En quoi votre expérience en Argentine a‑t-elle été enrichissante pour la suite de votre parcours ?
J’ai choisi l’UTC pour son ouverture à l’international. Après un semestre d’études à l’université Del Salvador à Buenos Aires, je suis resté dans le pays afin de travailler pour l’entreprise Globant. Précurseurs, ses créateurs se sont fortement inspirés des méthodes de travail américaines développées dans la Silicon Valley. Cela m’a permis d’avoir accès à ce qui se fait de mieux dans le développement informatique bien avant que cela n’arrive en Europe. J’ai appris là-bas les méthodes agiles qui permettent de développer très rapidement de nouvelles solutions informatiques. Les clients sont associés très régulièrement aux avancées du projet, de manière à ce que le produit corresponde exactement à leurs attentes dans un délai très court. Nous pouvons réaliser en quelques mois ce qui demanderait un an ou plus avec la méthode conventionnelle de consultation puis de réalisation d’un premier prototype complet fini. En plus d’être longue à mettre en place, la solution réalisée à l’issue de ce travail a une chance sur dix de convenir au client ! Pour arriver à cette efficacité, des réunions entre les acteurs du projet sont organisées tous les matins. Ces « scrum meetings » d’un format très court – une vingtaine de minutes – permettent de faire le point rapidement sur l’avancée du projet. Les participants sont debout pour inciter chacun à être brefs…
Quelles ont été vos impressions lors de votre retour en Europe ?
J’ai eu l’impression de revenir en arrière. Les techniques de travail apprises en Argentine n’étaient pas encore employées. Cela m’a aussi appris à réfléchir sur la manière dont fonctionnent les marchés nationaux par rapport à la diffusion des innovations. Je me suis aperçu que les solutions disponibles varient beaucoup en fonction des usages d’un pays à l’autre. En Espagne, les SMS n’étaient pas illimités comme en France mais payants. Pour contourner ce problème, les Espagnols ont très tôt utilisé WhatsApp venu des Etats-Unis plusieurs années avant les Français. Pour prendre un autre exemple, en Italie à Rome, les transports publics sont peu nombreux, les Italiens ont donc développé l’application d’autopartage Enjoy qui permet de géolocaliser les voitures à louer et de laisser sa voiture partout. A Paris où il existe de nombreuses lignes de métro, Autolib repose sur l’utilisation d’un nombre limité de stations.
Pourquoi avoir choisi la France pour créer votre entreprise Compellia ?
C’est une opportunité d’emploi dans une start-up qui m’a incité à m’installer en région parisienne. Par ailleurs, je trouve que la scène numérique française notamment à Paris est très active. Il y a de très bons incubateurs. Une bourse French Tech nous a permis de développer la brique analyse de données de la solution que nous proposons chez Compellia. Dans le secteur du e‑commerce et du marketing digital, dans lequel nous sommes actifs, plusieurs leaders comme Criteo sont français. Il y a aussi un marché francilien pour la méthode de veille sur les sites e‑marchands que nous proposons chez Compellia
Quel pays vous semble-t-il le plus attractif pour un entrepreneur du numérique ?
Au Portugal, Lisbonne fait de gros efforts pour attirer les start-up. Le dernier Web Summit a attiré près de 40 000 personnes venues du monde entier. Il existe maintenant beaucoup de villes dans le monde qui cherchent à s’imposer dans le numérique comme Berlin, Tel Aviv, Londres ou Paris. Il n’y a que l’embarras du choix ! Les Etats-Unis demeurent cependant bien-sûr les leaders et prescripteurs. Les nouvelles tendances dans le e‑marketing viennent de là-bas. La personnalisation de la présentation et du contenu des sites marchands en fonction de l’utilisateur fait partie des dernières innovations en cours provenant d’outre-Atlantique.