
Pour Zahra Afrassiabian, bien plus qu’un diplôme, la thèse à représenté une ouverture vers de nouveaux horizons. Rencontre avec une scientifique passionnée !
Pourriez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Zahra Afrassiabian. J’ai obtenu mon baccalauréat option Mathématiques et Physique en juin 1999. J’ai intégré le département de Science de l’Université de Tabriz, dont j’ai été diplômée en septembre 2003 en ayant suivi la filière Géoscience. J’ai ensuite poursuivi mes études en cycle de Master de génie mécanique de l’université de Khajé Nassir à Téhéran.
À l’issue de mes études de master, j’ai été embauchée à la direction d’exploration de la Compagnie Pétrolière Nationale de l’Iran (CPNI) où j’ai travaillé pendant près de huit ans avant de reprendre mes études pour effectuer une thèse de doctorat.
Pourquoi avez-vous choisi de faire une thèse ?
Au cours des huit années passées à la direction d’exploration de la CPNI, j’ai gravi les échelons pour atteindre un niveau d’ingénieur expérimenté. Si j’ai trouvé mon travail très passionnant au départ, j’ai eu le sentiment de m’installer, au fil des années, dans une routine qui ne correspondait pas à mon tempérament.
En tant qu’ingénieur, le travail de mon équipe consistait à appliquer des méthodes et des protocoles bien établis alors que je me fascinais de plus en plus par les recherches préalables qui avaient permis d’établir ces méthodes.
C’est au cours de cette fonction, à l’interface entre le monde industriel et celui de la recherche qu’a émergé ma conviction de reprendre mes études dans le cadre d’une thèse de doctorat, persuadée qu’une telle expérience m’apporterait une vraie valeur ajoutée et une ouverture vers de nouveaux horizons.
Quel était le sujet de votre thèse ?
Mon sujet de thèse a porté sur la problématique de mottage des poudres. L’intitulé précis est “Étude multi-échelles du phénomène de mottage des poudres polymorphes : de la physico-chimie des matériaux aux applications industrielles”. Plus particulièrement, j’ai utilisé la poudre de lactose comme un produit modèle représentatif des solides divisés polymorphes. En termes simple, le mottage correspond à l’agglomération non désirée des poudres.
C’est une problématique cruciale qui touche aussi bien les industriels et les unités de production que le consommateur final, avec des conséquences sévères comme des arrêts intempestifs des installations, les retours de marchandise et de clients et donc une baisse de la productivité des unités de production.
Qu’il s’agisse d’un médicament, d’un engrais, d’un détergent, d’un produit cosmétique ou encore des produits alimentaires (soupe instantanée, poudre de chocolat, de café ou de lait, …), une poudre mottée perd ses propriétés d’usage et devient non conforme au cahier des charges. Les mécanismes sous-jacents à ce phénomène sont complexes et multiples et ne sont pas encore complétement élucidés. Leur compréhension est pourtant nécessaire pour prévenir le mottage et nécessite une bonne connaissance de la thermodynamique et de la physico-chimie des interfaces et des solides divisés sans oublier la science des matériaux et la modélisation mathématique des phénomènes.
Comment s’organisent vos journées de travail ?
La journée de travail démarre avec un tour des laboratoires d’analyse et des instruments que j’utilise pour vérifier qu’il n’y a pas eu de problème durant la nuit. Puis, j’établis la liste des tâches à accomplir ou à suivre par rapport aux projets en cours. Je lance des analyses s’il y a lieu. Après une pause-café brève avec mes collaborateurs (responsable, stagiaires, équipe technique, secrétaires, etc.), je continue à suivre l’évolution des analyses et des mesures et le cas échéant, je récupère leurs résultats pour les exploiter et analyser, puis je rédige les rapports d’étude et les comptes rendus des réunions, internes ou avec les partenaires.
Qu’est ‑ce qui vous plaît le plus dans la recherche ?
Le sentiment d’être utile en apportant ma contribution aux progrès scientifiques et technologiques de la société. On dit souvent que les technologies de demain sont dans les laboratoires d’aujourd’hui. J’y crois intimement. La crise sanitaire que nous traversons me conforte encore plus dans cette idée.
La recherche, c’est également prendre le temps d’approfondir notre compréhension des choses pour apporter des réponses rationnelles à des problèmes très divers. Les projets sur lesquels je travaille dans notre équipe à l’UTC ont une finalité applicative à court et à moyen termes et visent à apporter une réponse précise à un problème concret auquel est confronté un industriel.
C’est un challenge intellectuel et scientifique permanent et extrêmement stimulant. Puis, il y a le plaisir de la découverte et la diversité des sujets et des projets. J’apprends tous les jours des choses nouvelles ce qui me procure un sentiment d’épanouissement.
Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un qui veut poursuivre en thèse ?
Avant tout conseil, je commencerai par quelques questions : pourquoi veux-tu faire une thèse ? Quelle est ta motivation ? Quelle est ta perception d’une thèse ? Quant au conseil, je commencerai par dire qu’une thèse n’est pas un emploi mais une philosophie, un travail à mener sur un sujet et à faire sur soi-même.
Au-delà d’un contrat administratif, c’est un accord moral. Il faut rapidement s’approprier le sujet ce qui passe inévitablement par une analyse bibliographique systématique, mise à jour régulièrement. Il y a évidemment les conseils classiques : bien gérer le temps et être bien organisé, créatif, volontaire, pragmatique, méthodique, force de proposition…
Mais au-delà de ces conseils quelque peu banals, je rajouterai qu’une thèse est une chose qu’il faut vivre intérieurement : un sujet de thèse n’est pas un objet qu’on range dans une armoire le soir, le weekend ou pendant les vacances et qu’on ressort à la reprise. C’est un compagnon qui peut être adorable, détestable, exigeant, réconfortant, lassant, discret ou encombrant par moment, mais c’est celui qu’on a choisi.